Le PS soutient Macron pour installer le gouvernement minoritaire réactionnaire de Lecornu

Jeudi, le gouvernement de Sébastien Lecornu a survécu à deux motions de censure à l’Assemblée nationale, de la France insoumise (LFI) et du RN néofasciste. Le PS a abandonné LFI et le reste du Nouveau Front Populaire (NFP) pour rejoindre les macronistes et Les Républicains (LR) dans un soutien à Lecornu.

La motion de censure LFI a reçu 271 voix, manquant de 18 voix la majorité. Les députés LFI et RN, ainsi que le PCF et les Verts avec l’exception de trios staliniens et deux Verts, ont tous voté cette motion. Celle du RN n’a pas rassemblé en dehors de la droite et n’a reçu que 144 voix. Ainsi l’Assemblée a aidé Macron à gouverner contre le peuple, installant un premier ministre qui, avant la chute de son dernier gouvernement il y moins de 2 semaines, était à 15 pour cent dans les sondages.

La défaite de la censure démasque la perspective du chef de LFI, Jean-Luc Mélenchon, pour une «révolution citoyenne» nationale encadrée par le parlement. Elle donne raison au Parti de l’égalité socialiste (PES). Arrêter les attaques contre la classe ouvrière et stopper la consolidation de l’État policier nécessite la construction d’un mouvement dans la classe ouvrière pour faire chuter Macron, indépendamment des appareils du NFP, dans une lutte pour le pouvoir ouvrier et la révolution socialiste.

Mélenchon est le premier responsable de l’installation de Lecornu. Le PS sert d’outil à l’oligarchie capitaliste, appuyant un gouvernement haï qui impose sa politique de militarisme et d’austérité par la répression policière de manifestations de masse. Mais c’est la politique du PS depuis quatre décennies, et c’est pour cela qu’il a chuté à 1 pour cent du vote aux présidentielles de 2022, alors que Mélenchon était à 22 pour cent.

LFI, qui a formé un front électoral avec le PS puis soutenu ses candidats aux législatives de 2024, l’a remis en position pour jouer un rôle clé dans la politique officielle.

Le cri de la cheffe des parlementaires LFI, Mathilde Panot, que «Le PS porte une responsabilité historique» et sa menace de présenter à nouveau des motions de destitution de Macron ne sont qu’une dérobade politique. C’est LFI qui porte un responsabilité historique pour avoir donné au PS l’occasion de soutenir à nouveau les politiques qui ont toujours été les siennes quand il était au gouvernement. Les travailleurs vivent la faillite de toute la perspective de construire le NFP.

Avec ces manœuvres parlementaires, qui bloquaient une mobilisation de masse des travailleurs pour bloquer tout et faire chuter Macron par la grève générale, LFI a renforcé la position du RN. Avec les médias néofascistes, le RN continuera à dénoncer toute politique de gauche comme étant un allié du système politique.

Après les votes à l’Assemblée, le président du RN, Jordan Bardella, a déclaré: «Tous ceux qui ont ce jour refusé la censure seront responsables des souffrances à venir du pays … Une majorité de marchandage a réussi aujourd’hui à sauver ses places, au détriment de l’intérêt national.»

En réalité, l’oligarchie capitaliste française se prépare à mettre le RN au gouvernement afin d’intensifier la répression de la classe ouvrière. Les déclarations de Bardella sont cyniques, car Lecornu n’est pas un opposant du RN. En fait, il a participé aux négociations avec le RN que Macron a discrètement organisé pendant les législatives, s’attendant à une victoire néofasciste, pour planifier un gouvernement RN. En coulisse, ces négociations continuent sans doute, car le gouvernement Lecornu est faible, instable et confronté à une large opposition ouvrière.

Actuellement, la bourgeoisie n’a pas installé le RN au gouvernement sous Macron. Sur fond de manifestations «Bloquons Tout» à la rentrée, elle craint qu’il serait trop provocateur de faire du RN le truchement d’un président déjà haï, la première fois que l’extrême-droite reviendrait au pouvoir depuis sa collaboration avec le nazisme pendant la Deuxième Guerre mondiale. La classe dirigeante a préféré s’appuyer sur le PS, laissant le NFP se discréditer en implorant impuissamment Macron de le nommer au pouvoir.

Le PS et ses alliés syndicaux prétendent frauduleusement qu’en soutenant Lecornu, ils ont obtenu des concessions de Macron. Ainsi Marylise Léon, secrétaire générale de la CFDT, applaudit la promesse de Lecornu de suspendre temporairement la réforme des retraites: «C’est une vraie victoire syndicale, mais c’est surtout une victoire pour les travailleurs et travailleuses qui vont voir le décalage de l’âge légal s’arrêter, le décalage du nombre de trimestres s’arrêter.»

Mais l’installation de Lecornu n’est pas une victoire ouvrière, et Lecornu n’est pas un opposant «démocratique» du RN qui lacherait du lest face aux grèves et aux manifestations. En tant que ministre des Armées, il prônait une large augmentation des dépenses militaires dans le cadre de la guerre OTAN-Russie en Ukraine. Il compte intensifier les attaques sociales de l’État policier de Macron contre les travailleurs.

Le premier ministre précédent de Macron, François Bayrou, a chuté en proposant €44 milliards en mesures d’austérité. Bardella du RN a proposé 100 milliards dans sa lettre aux P-DG de France. Mais jeudi, le Conseil d’analyse économique (CAE) du bureau du premier ministre a indiqué que Lecornu prépare des attaques même plus profondes que celles-là.

Sous Lecornu, le gouvernement veut €112 milliards de coupes sociales et d’augmentations des recettes fiscales, pour stabiliser la dette ingérable de la France à 114 pour cent du Produit intérieur brut. Pour éviter l’effondrement économique qui se produirait si ces mesures étaient adoptées toutes à la fois, le CAE propose d’imposer ces €112 milliards d’euros sur plusieurs années, à commencer par 26 milliards l’année qui vient.

Ceci démasque les arguments selon lesquels la politique de Lecornu serait moins antidémocratique, puisqu’il suspend la réforme des retraites et il promet de ne pas avoir recours à l’article 49.3 pour imposer de pareilles mesures d’austérité sans vote parlementaire.

La «suspension» de la réforme des retraites ne fait que stopper l’évolution en cours et n’abroge pas la réforme. Ainsi elle laisse la réforme où elle est à l’heure actuelle, l’âge de la retraite par exemple ayant passé de 62 à 63,5 ans mais pas encore à 64 ans. Mais quand cette suspension sera elle-même suspendue, l’âge de la retraite et la durée de cotisation recommenceront à croître. Alors que les banques font pression sur l’État pour rembourser sa dette de 3.400 milliards, Macron demandera sans doute bientôt davantage d’austérité contre les retraites.

En plus, cette «suspension» fait partie du budget de Lecornu pour la Sécu, qui est truffé de mesures impopulaires, y compris 7 milliards d’euros de mesures visant la santé, y compris le doublement des franchises médicales. Ainsi, pour obtenir la «suspension» de la réforme des retraites, le PS devra voter cette attaque visant la santé des Français.

La lutte contre la réforme des retraites en 2023 a illustré l’impossibilité de stopper l’austérité si la lutte des classes reste sous contrôle des appareils syndicaux et partidaires du NFP. Des millions de travailleurs ont fait grève contre la réforme, que 91 pour cent des Français rejettent à présent; des émeutes ont éclaté à travers le pays quand Macron a utilisé le 49.3 pour imposer la réforme sans vote parlementaire. Mais les bureaucraties syndicales ont réagi en étranglant la lutte des classes, mettant fin aux grèves après que Macron a promulgué sa réforme illégitime.

Seule une lutte de la classe ouvrière, mobilisant la base indépendamment du NFP, peut stopper les attaques sociales et les manœuvres de la bourgeoisie préparant une dictature néofasciste en France. Comme l’a expliqué le PES dans sa déclaration, «Quelle voie à suivre pour la classe ouvrière après la chute du gouvernement français?»:

Il faut tirer les leçons des années 1930 et des luttes contre la montée du fascisme. Deux alternatives se présentent: soit l’oligarchie capitaliste construit une dictature pour écraser les travailleurs, soit la classe ouvrière mène une lutte révolutionnaire pour exproprier les oligarques. Il faut briser le carcan des bureaucraties syndicales et construire de véritables organisations de la base pour mener la lutte des classes.

L’Alliance ouvrière internationale des comités de la base ( The International Workers Alliance of Rank-and-File Committees : IWA-RFC ) appelle au transfert du pouvoir des bureaucraties syndicales aux travailleurs sur tous les lieux de travail. De telles formes nouvelles d’organisation de classe, unissant les travailleurs en France et de toute l’Europe, sont nécessaires pour organiser la résistance et vaincre le programme de fascisme, de génocide et de guerre de l’oligarchie capitaliste.

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