Au cours des derniers jours, les agents de l'ICE ont mené des rafles de plus en plus violentes et provocatrices dans toute la région de Chicago.
Jeudi, des agents de l'ICE ont fait une descente dans un marché aux puces sur Ashland Avenue, dans le sud de la ville. Presque tous les agents portaient des masques et rien n'indique qu'ils portaient des caméras corporelles. Et ce, malgré l'ordre donné le matin même par un juge fédéral exigeant que les agents portent des caméras corporelles et qu'elles soient activées en permanence.
Plusieurs jeunes hommes ont été arrêtés dans des stands et emmenés de force hors du marché aux puces par des agents lourdement armés, tandis que des dizaines d'amis et de membres de leur famille criaient leur opposition et brandissaient leurs téléphones portables pour filmer cette descente anti-immigrés.
Lors de l'audience qui s'est tenue plus tôt dans la journée, la juge fédérale Sara Ellis s'est dite choquée par le mépris flagrant des ordonnances qu'elle avait rendues plus tôt dans la semaine, interdisant à l'ICE de tirer des gaz lacrymogènes et des balles en caoutchouc sur les manifestants, les journalistes, les observateurs juridiques et les passants.
« Je suis franchement un peu surprise », a-t-elle déclaré. « Je vis à Chicago, si vous ne l'avez pas remarqué. Et je ne suis pas aveugle, n'est-ce pas ? Je reçois des images et je vois des images dans les journaux, dans les journaux télévisés, je lis des rapports, et d'après ce que je vois, je crains sérieusement que mon ordonnance ne soit pas respectée. »
Sean Skedzielewski, un avocat représentant l'administration Trump, a rejeté la responsabilité sur « des reportages médiatiques partiaux et sélectifs », justifiant ainsi la tactique de l'ICE consistant à traiter les journalistes comme faisant partie du camp « ennemi ».
La semaine dernière, Ellis a ordonné aux agents de porter des badges lors des rafles et leur a interdit d'utiliser des techniques anti-émeutes contre les manifestants pacifiques et les journalistes. Lors de l'audience de jeudi, elle a déclaré : « J'ajoute que tous les agents qui participent à l'opération Midway Blitz doivent porter des caméras corporelles, et celles-ci doivent être activées. »
Après que Skedzielewski eut affirmé que cela serait logistiquement impossible, la juge a accepté d'accorder certaines exemptions, mais cela a manifestement été interprété par l'ICE comme un feu vert pour continuer comme avant.
La juge a contesté l'affirmation du président Trump selon laquelle la frontière américaine « commence au lac Michigan ». Les agents d'immigration ne pouvaient pas procéder comme ils le faisaient à la frontière, a-t-elle déclaré. « Nous sommes dans une zone urbaine densément peuplée où les foules vont converger en cas d'agitation, où un contrôle approprié des foules est important », a-t-elle poursuivi.
« Le problème est que le DHS [département de la Sécurité intérieure] utilise la force d'une manière qui viole les droits constitutionnels des manifestants pacifiques, des journalistes et, essentiellement, des membres du clergé », a-t-elle poursuivi.
« Vous ne pouvez pas leur tirer dans la tête [avec des balles de poivre]. Vous ne pouvez pas utiliser de gaz lacrymogène. Vous ne pouvez pas utiliser de grenades assourdissantes. Vous ne pouvez pas conduire une voiture à travers une foule. »
La juge a fixé une audience au lundi 20 octobre à 10h30 pour que le directeur régional de l'ICE, Russell Hott, « m'explique pourquoi je vois des images de gaz lacrymogène utilisé et lis des rapports indiquant qu'aucun avertissement n'a été donné avant son utilisation sur le terrain ».
D'autres reportages faisant état de violences commises par l'ICE ont été publiés dans les médias locaux. Le Chicago Sun-Times a décrit en détail une course-poursuite en voiture dans un quartier résidentiel calme, qui a attiré une foule de résidents qui ont ensuite été attaqués avec des gaz lacrymogènes et des grenades fumigènes.
L'administration Trump a mobilisé plus de 500 soldats de la Garde nationale de l'Illinois, du Texas et de Californie dans un centre d'entraînement situé à l'extérieur de Chicago. Cependant, une autre juge fédérale, April Kelly, a émis une ordonnance restrictive temporaire bloquant leur déploiement dans les rues de la ville. Une cour d'appel a confirmé l'ordonnance, mais l'administration continue de faire appel, espérant obtenir l'autorisation finale de la majorité d'extrême droite de la Cour suprême des États-Unis.
Trump a essuyé un nouveau revers judiciaire lorsque le juge en chef du comté de Cook, qui comprend Chicago, a rendu une ordonnance interdisant à l'ICE d'arrêter des personnes dans les tribunaux, une tactique de plus en plus fréquente de la Gestapo de l'immigration. L'ordonnance, qui est entrée en vigueur mercredi, interdit l'arrestation de toute « partie, témoin ou témoin potentiel » assistant à une procédure judiciaire.
Loin de dissuader l'administration Trump, ces ordonnances judiciaires ont conduit la Maison-Blanche à se concentrer plus directement sur la répression de la résistance des travailleurs à Chicago. Meta, répondant à un appel de la procureure générale Pam Bondi, a fermé un groupe Facebook qui partageait des informations sur les rafles de l'ICE afin d'alerter les communautés visées. Bondi a affirmé que le groupe était utilisé pour « dénoncer et cibler les agents de l'ICE ».
Alors que Bondi se plaint d'une prétendue « vague de violence contre l'ICE », c'est l'ICE qui commet des actes de violence et de répression brutale contre les travailleurs et les jeunes de la ville.
Il y a clairement un calcul politique à la Maison-Blanche selon lequel une explosion politique à Chicago fournirait le prétexte pour invoquer la Loi sur l'insurrection de 1807, en vertu de laquelle Trump assumerait le pouvoir d'ordonner l'envoi de troupes fédérales à Chicago, malgré l'opposition du gouverneur de l'Illinois, JB Pritzker, et du maire de Chicago, Brandon Johnson.
Invoquer la Loi sur l'insurrection – ce que l'administration Trump a laissé entendre comme imminent – serait une étape cruciale dans l'établissement d'une dictature présidentielle pure et simple.
Mercredi soir, à l'émission de Sean Hannity sur Fox, Stephen Miller, le principal conseiller de Trump, a qualifié Pritzker de « crétin » qui « déteste l'Amérique ». Haussant le ton, Miller a déclaré : « On ne peut pas aimer son pays et combattre le président Trump », identifiant ainsi le gangster de la Maison-Blanche comme l’incarnation de l'Amérique. Miller a affirmé que Pritzker « veut protéger les meurtriers, les gens qui tirent sur des dizaines et des dizaines de personnes chaque semaine ».
Dans le même ordre d'idées, la porte-parole de la Maison-Blanche, Karoline Leavitt, a déclaré à Fox : « La principale base électorale du Parti démocrate est composée de terroristes du Hamas, d'étrangers en situation irrégulière et de criminels violents. »
De telles déclarations ne peuvent que signifier que la Maison-Blanche discute quotidiennement des préparatifs visant à interdire toute forme d'opposition politique, dirigée principalement non pas contre le Parti démocrate, mais contre la classe ouvrière.
Un article rédigé par Julie Bosman, chef du bureau de Chicago pour le New York Times, portait le titre remarquable « Les habitants de Chicago résistent aux agents de l'ICE ». Elle a écrit : « Les agents de l'immigration utilisent des tactiques agressives. Les habitants de la ville sanctuaire tentent de leur résister. »
Après avoir décrit les tactiques ouvertement racistes et provocatrices des brutes de l'ICE, Bosman a écrit : « La présence d'agents de la police des frontières et de l'ICE a suscité une vive réaction. Les habitants de Chicago crient contre les agents de l'immigration, les traitent de fascistes et de nazis, leur jettent des objets et poursuivent leurs VUS ou minifourgonnettes banalisés, klaxonnant pour avertir les passants de la présence de l'ICE. »
La réponse du Parti démocrate à ces développements est le silence et la complicité. Alors que les démocrates de Chicago et de l'Illinois appellent les habitants à faire confiance aux tribunaux et à attendre les recours juridiques, l'administration Trump a déjà clairement indiqué qu'elle défierait toute décision qui interférerait avec ses opérations. Au niveau national, les dirigeants démocrates ignorent tout simplement l'atteinte aux droits démocratiques qui se déroule sous leurs yeux.
Mercredi soir, le sénateur du Vermont Bernie Sanders et la représentante de New York Alexandria Ocasio-Cortez ont organisé une « réunion publique » télévisée sur CNN consacrée à des appels au bipartisme. Leur message central était un appel à certains républicains à se joindre aux démocrates pour adopter une résolution provisoire et mettre fin à la fermeture du gouvernement. Au cours de l'émission, ni Sanders ni Ocasio-Cortez n'ont mentionné les rafles de l'ICE à Chicago, le déploiement de la Garde nationale ou l'intention déclarée de Trump d'invoquer la Loi sur l'insurrection et de déployer l'armée contre le peuple américain.
Les démocrates craignent que toute opposition véritable à la marche vers la dictature de Trump ne déclenche un mouvement de masse des travailleurs et des jeunes qui échapperait largement à leur contrôle.
