Grève en Grèce contre le durcissement du régime disciplinaire et la journée de 13 heures

Des travailleurs manifestent lors d'une grève de 24 heures des fonctionnaires contre un projet de nouveau code disciplinaire pour les travailleurs de l'État qui, selon les syndicats, compromettra leurs droits en matière d'emploi, à Athènes, le jeudi 28 août 2025 [AP Photo/Thanassis Stavrakis]

Jeudi, les employés du secteur public grec ont entamé une journée de grève pour protester contre une loi anti-ouvrière introduite par le gouvernement de droite Nouvelle Démocratie (ND). Cette loi autorise des heures de travail allant jusqu'à 13 heures par jour et renforce les mesures disciplinaires à l'encontre des employés du public.

La nouvelle loi disciplinaire a été adoptée jeudi au Parlement avec les voix du parti au pouvoir, tandis qu'à l'extérieur, sur la place Syntagma, des centaines de travailleurs s’étaient rassemblés. Une manifestation a également eu lieu à Thessalonique, la deuxième plus grande ville du pays.

Avec ces changements juridiques, la classe dirigeante se prépare à un automne turbulent, non seulement en Grèce, mais dans toute l'Europe. De Berlin à Paris en passant par Athènes, tous les gouvernements mènent une attaque générale contre les droits sociaux et politiques des travailleurs afin de financer un réarmement militaire massif. En France, des manifestations de masse sont prévues en septembre contre le budget d'austérité.

En Grèce, cette dernière grève a eu lieu dans le contexte d'une profonde crise sociale et politique, qui s'est intensifiée depuis le début des diktats d'austérité et qui a maintenant atteint le point d'ébullition. La colère des travailleurs et des étudiants grecs éclate face à la hausse du coût de la vie, aux bas salaires et aux longues journées de travail.

Avec la grève d'une journée de jeudi, les directions syndicales tentent de prévenir un mouvement de protestation plus large. Le souvenir des récentes manifestations de masse de mars, qui ont exigé que la vérité soit révélée sur la catastrophe ferroviaire de Tori, et qui ont en partie pris un caractère spontané, est encore frais. Pas plus tard qu'en avril, les travailleurs avaient exigé des salaires plus élevés lors d'une grève générale d'une journée.

La grève a été déclenchée par l'ADEDY, la fédération syndicale du secteur public. Parmi les participants figuraient des syndicats représentant des médecins hospitaliers, des enseignants, des employés municipaux et du personnel judiciaire.

À l'origine, les contrôleurs aériens grecs avaient également prévu un débrayage de quatre heures. Mais un tribunal d'Athènes a déclaré leur arrêt de travail illégal, après quoi le syndicat des contrôleurs a retiré son appel à la grève. Des interdictions de grève similaires ont été imposées à plusieurs reprises ces dernières années pour réprimer l'opposition.

Fait révélateur, la GSEE, l’autre grande confédération syndicale grecque représentant le secteur privé, s’est contentée de publier une critique timorée de la loi, sans appeler ses membres à faire grève ni à entreprendre d’autres actions. De toute évidence, en pleine saison estivale, les dirigeants syndicaux veillent à ne pas mettre en péril les bénéfices de l’industrie touristique – même par une seule journée de protestation, pourtant inoffensive.

La nouvelle loi sur le travail comprend plusieurs changements visant à intensifier l’exploitation capitaliste et à l’ancrer juridiquement.

  • Introduction de la journée de 13 heures. La loi permet d'étendre la durée quotidienne du travail jusqu'à 13 heures. En plus de la semaine standard de 40 heures, jusqu'à huit heures supplémentaires par semaine peuvent être ajoutées.
  • Introduction d'une semaine de quatre jours, avec 40 heures réparties sur quatre jours de dix heures chacun. L'année dernière, la semaine de six jours avait déjà été légalisée pour certains secteurs.
  • Le recrutement à court terme de personnel saisonnier et temporaire pourra se faire via une application pour smartphone.
  • Durcissement du droit disciplinaire pour les fonctionnaires, dans le but de criminaliser l'opposition politique.

Le ministère grec du Travail justifie ces mesures par les clichés habituels de «réduction de la bureaucratie», de lutte contre la «pénurie de travailleurs qualifiés» et de «flexibilité» du marché du travail – autant de termes qui voilent mal le fait que la loi est conçue pour aggraver systématiquement les conditions de travail et saper le droit du travail dans l'intérêt des entreprises. La journée de huit heures, déjà largement mise à mal pendant les années d'austérité, est maintenant officiellement abolie.

La colère des manifestants est dirigée avant tout contre le durcissement du régime disciplinaire. Il s'agit d'une attaque massive contre les libertés démocratiques et les droits des travailleurs. Quiconque résiste aux longues journées de travail, aux bas salaires et aux conditions de travail catastrophiques sera réduit au silence par la répression.

La nouvelle loi disciplinaire introduit des sanctions plus sévères, notamment le licenciement, les baisses de salaire, les rétrogradations et des amendes pouvant aller jusqu'à 100 000 euros. Les procédures disciplinaires doivent être considérablement accélérées. Les conseils de discipline nouvellement créés dans le secteur public ne comprendront plus de représentants des travailleurs ni de membres de la magistrature.

Les enseignants sont particulièrement inquiets: à l'avenir, le refus de participer aux évaluations de performance sera considéré comme une infraction disciplinaire. Le gouvernement a mis en place un système d'évaluation dans les écoles pour surveiller et faire pression sur les enseignants par le biais de contrôles réguliers. En 2021, cette mesure a déclenché des manifestations de masse parmi les enseignants et les étudiants. À l'époque, la ministre de l'Éducation était Niki Kerameos, aujourd'hui ministre du Travail et responsable de la loi draconienne du travail.

À la base, les mesures disciplinaires plus sévères visent à intimider les travailleurs, à les faire rentrer politiquement dans le rang et à criminaliser ceux qui s'engagent dans des activités syndicales ou de gauche.

Si la Grèce devient le premier pays de l’UE à instaurer la journée de 13 heures, elle ne fera que légaliser une réalité déjà existante: la plupart des travailleurs doivent déjà cumuler deux emplois ou plus pour joindre les deux bouts. La journée de huit heures n’existe plus que sur le papier depuis longtemps.

Kerameos a cyniquement justifié la journée de 13 heures ainsi: «Tout d'abord, c'est une option, pas une obligation. Deuxièmement, l'employé doit être d'accord. Troisièmement, de cette façon, en tant qu'employé, vous n'avez pas besoin d'un deuxième emploi. Un travailleur grec qui ne gagne que 700 euros par mois dans un emploi à temps plein sera désormais «autorisé» à travailler 13 heures par jour au lieu de chercher un deuxième emploi. Bien sûr, il ne s'agit en rien d'une chose «volontaire». La nécessité de survivre oblige les travailleurs à des journées de travail extrêmement longues.

La journée de 13 heures en Grèce ouvrirait la voie à des changements juridiques similaires dans toute l’Europe. En Allemagne, le chancelier Friedrich Merz (démocrate-chrétien, CDU) avait déjà déclaré en mai: « Nous devons travailler davantage et surtout plus efficacement dans ce pays.» L’Institut de l’économie allemande (IW) avait aussitôt fourni les arguments statistiques: «Une analyse de l’IW, basée sur les données de l’OCDE, confirme les propos du chancelier: un Allemand en âge de travailler – entre 15 et 64 ans – a travaillé en moyenne 1 036 heures en 2023. Un Grec a travaillé 1 172 heures, un Polonais 1 304 heures.»

En Grèce et en Pologne, aujourd’hui érigées en modèles, la classe dirigeante allemande, sous l’égide de l’Union européenne, a provoqué ces dernières années une catastrophe sociale et piétiné les droits des travailleurs. Elle entend désormais appliquer la même politique en Allemagne.

L’ampleur des difficultés sociales est particulièrement visible en été: alors que de nombreux Grecs travaillent dans le tourisme, près de la moitié des Grecs de plus de 16 ans (46 %) n’ont pas pu se permettre ne serait ce qu’une semaine de vacances en 2024. La Grèce se classe ainsi avant-dernière dans l’Union européenne, juste devant la Roumanie. Les principales raisons sont la cherté de la vie, la hausse des coûts du logement et la stagnation des salaires.

Parallèlement, de plus en plus de travailleurs sont victimes d’une exploitation brutale. Le surmenage, la déréglementation et l’absence de sécurité sur les lieux de travail entraînent fréquemment des accidents mortels en Grèce – comme aux États-Unis et en Italie. L’ampleur réelle du phénomène ne se reflète pas dans les statistiques officielles. Selon l’office grec des statistiques, 51 personnes sont mortes dans des accidents du travail en 2023. Mais le chiffre réel est bien plus élevé, puisque seulement 30 à 40 % des accidents sont enregistrés. La Fédération des syndicats des entreprises techniques (OSETEE) a recensé 179 décès liés au travail en 2023 et environ 150 l’année précédente – soit trois fois le chiffre officiel.

Les dirigeants syndicaux de l’ADEDY, qui ont organisé la grève de jeudi, ne cherchent en réalité pas à mobiliser une résistance efficace contre le gouvernement, mais plutôt à s’assurer qu’aucune résistance de ce type ne se développe en dehors de leur contrôle. Depuis des décennies, ils portent une responsabilité conjointe dans la situation actuelle par le fait qu’ils ont isolé et limité d’innombrables protestations.

Ils appartiennent au même milieu politique et à la même couche sociale que ceux qui gouvernent. L'actuel président de l'ADEDY, Apostolos Mousios, est un fonctionnaire de longue date de la faction syndicale de droite DAKE, étroitement alignée sur la Nouvelle Démocratie. Son prédécesseur était un membre dirigeant de ce parti.

Les partis d'opposition nominaux – Syriza, le Pasok social-démocrate et le KKE stalinien – ont voté contre la nouvelle loi disciplinaire au parlement mais, comme les syndicats, ils défendent le système capitaliste. Dans le cas de Syriza et du Pasok, ils ont mis en œuvre des années d'austérité brutale dictée par l'UE.

La défense des acquis sociaux place les travailleurs grecs devant la tâche de construire leurs propres organes de lutte, indépendants des syndicats et des partis pro-capitalistes: des comités d'action de la base, liés internationalement à travers l'Alliance ouvrière internationale des comités de base (initiales anglaises IWA-RFC), contrôlés par les travailleurs eux-mêmes, et préparant une véritable grève générale – et non des pseudo-grèves isolées organisées par les syndicats pour accompagner l'austérité.

En même temps, les attaques sociales ne peuvent être repoussées que par une lutte pour une perspective socialiste contre la politique de guerre. Le gouvernement d'Athènes a annoncé un programme de réarmement massif et joue un rôle important dans la guerre par procuration menée par l'OTAN contre la Russie. Avec des dépenses militaires représentant 3,5 % du PIB, la Grèce dispose déjà de l'un des plus gros budgets militaires de l'OTAN.

D'ici 2036, 25 milliards d'euros doivent être investis dans le réarmement. Le Premier ministre Kyriakos Mitsotakis a parlé en avril de la «transformation la plus drastique» de l'histoire de l'armée. Entre autres choses, un nouveau système de défense aérienne appelé «Bouclier d'Achille» est prévu, sur le modèle du Dôme de fer d'Israël.

Les travailleurs doivent intervenir et, en alliance avec leurs frères et sœurs européens, mettre fin à la folie guerrière et aux attaques qui l'accompagnent. Cela nécessite une perspective socialiste indépendante et la construction du Comité international de la Quatrième Internationale en Grèce et dans toute l'Europe en tant que nouvelle direction révolutionnaire de la classe ouvrière.

(Article paru en anglais le 3 septembre 2025)

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