Réaction du syndicat des postes à l’attitude de défi des agents de bord d'Air Canada face à l’intervention anti-grève du gouvernement : silence total

Le World Socialist Web Site a reçu le commentaire suivant de Daniel Berkley, l'un des principaux membres du Comité de base des travailleurs des postes (CBTP). Le CBTP a été créé par les travailleurs des postes en juin 2024 pour lutter contre la bureaucratie du Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes (STTP) qui s'efforçait de saboter leur lutte. Le CBTP demande aux travailleurs des postes de tout le Canada de faire de leur lutte contractuelle le fer de lance d'une lutte sociale et politique plus large de la classe ouvrière pour défendre les services publics, le droit de grève et des emplois sûrs et bien rémunérés. Participez à la campagne en remplissant le formulaire à la fin de cet article.

Les agents de bord d'Air Canada font du piquetage à l'aéroport international Pearson de Toronto. [Photo: WSWS]

Je m'appelle Daniel Berkley et je travaille pour Postes Canada en tant que postier rural. J'ai trouvé remarquable que les dirigeants du Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes (STTP) n'aient absolument rien dit publiquement au sujet de la récente grève de 10 500 agents de bord, qui ont défié le gouvernement en utilisant la même disposition du Code canadien du travail (CCT) que celle qui a été utilisée en décembre dernier pour criminaliser notre grève.

Le gouvernement libéral a mis fin à notre grève avec la connivence du STTP en utilisant l'article 107 du CCT alors que nous étions sur les lignes de piquetage depuis un mois. Au début du mois, après seulement 12 heures de grève, les agents de bord ont dû faire face à un gouvernement qui a utilisé la même mesure, permettant au ministre du Travail d'ordonner unilatéralement la fin d'une grève.

Lorsque les libéraux ont déployé l'article 107 en décembre, le STTP l'a appliqué, nous ordonnant de retourner au travail sans même une réunion de masse pour discuter de notre réponse, sans parler d'un vote. Depuis, il a tout fait pour nous isoler face à l'assaut concerté du gouvernement et de l'ensemble des entreprises canadiennes. Si le STTP n'en faisait qu'à sa tête, notre lutte serait résolue par un arbitrage exécutoire. Un arbitre nommé par le gouvernement fixerait les conditions de notre emploi, et nous n'aurions même pas la possibilité de voter à ce sujet. Les concessions radicales que l'entreprise et le syndicat recherchent, qui « Amazoniseraient » nos emplois, ne seraient jamais acceptées lors d'un vote démocratique.

Comme notre grève, la lutte des agentes de bord s'est développée dès le départ comme une bataille politique contre le gouvernement et l'employeur. Les travailleurs voulaient mettre fin au travail non rémunéré, qui les amène à travailler gratuitement pendant que les avions sont au sol, jusqu'à 35 heures par mois. Ils ont courageusement défié le gouvernement lorsqu'il a tenté d'imposer une ordonnance en vertu de l'article 107 pour interdire leur grève. Ce fut une puissante preuve que les travailleurs sont prêts à se battre. Cela nous donnait l'occasion d'unifier notre lutte avec celle des agents de bord et de franchir une étape importante dans l'élargissement du mouvement en faveur de meilleurs salaires et conditions de travail. Le STTP a fait tout ce qui était en son pouvoir pour s'assurer que cela ne se produise pas en gardant le silence pendant toute la durée de la grève.

Nous sommes confrontés aux mêmes problèmes fondamentaux à Postes Canada (le droit de grève et les salaires qui ne suivent pas l'inflation, pour n'en citer que deux). De plus, nos ennemis sont les mêmes, comme le montre l'intervention du gouvernement dans nos deux grèves. Mais le STTP n'a pas jugé bon de faire ne serait-ce qu'une déclaration de soutien.

Tout d'abord, la bureaucratie du STTP n'a pas été interpellée par l'invocation de l'article 107 par le gouvernement pour condamner cette attaque scandaleuse contre le droit de grève de tous les travailleurs. Ensuite, lorsqu'il est devenu évident que les agents de bord défiaient courageusement le gouvernement et l'ensemble des entreprises canadiennes, le STTP n'a même pas soufflé un mot de solidarité, et encore moins encouragé les travailleurs des postes à prendre des mesures pour soutenir matériellement les grévistes. Il a ainsi aidé le SCFP (Syndicat canadien de la fonction publique) à isoler la grève des agents de bord et, en fin de compte, à la faire échouer.

Les bureaucrates du STTP ont bien compris que s'ils avaient déclaré leur solidarité avec les agents de bord, ils auraient dû expliquer pourquoi le syndicat ne nous a pas appelés à défier le gouvernement en décembre dernier. Les postiers ont pris acte de l'échec total du STTP dans notre propre lutte. La direction du STTP est déterminée à nous empêcher de nous engager dans toute activité susceptible d'entraver la rentabilité du capitalisme canadien. Notre syndicat, comme le SCFP, subordonne nos conditions de travail et nos salaires à la recherche du profit des entreprises.

De nombreux travailleurs des postes se sont penchés sur ce qu'ont fait les agents de bord et se sont demandé : «Pourquoi n'avons-nous pas défié le gouvernement comme l'ont fait les agents de bord ? » Cette question est tout à fait légitime, mais il est important de reconnaître que le courage des agents de bord n'a pas suffi à empêcher leurs dirigeants syndicaux de les poignarder dans le dos, tout comme le STTP le fait avec nous.

Les «partenaires» du SCFP au sein du gouvernement Carney ont été plongés dans une crise par l’attitude de défi des travailleurs, de sorte que les bureaucrates leur ont lancé une bouée de sauvetage. Un accord a été conclu dans le dos des travailleurs en grève. Un accord suffisamment bon pour que le SCFP contraigne les agents de bord à reprendre le travail, mais pas assez bon pour que le syndicat l'approuve officiellement. D'une manière ou d'une autre, les agents de bord subiront une baisse considérable de leur salaire réel en raison de l'énorme part d'inflation qui a été prélevée sur leurs revenus dans le cadre de leur précédent contrat de dix ans. Le SCFP n'autorise même pas les travailleurs à voter sur l'ensemble de l’entente de principe, mais seulement sur les parties relatives aux salaires.

Les dirigeants syndicaux veulent conserver leurs salaires mirobolants pendant que les agents de bord travaillent dans des conditions de plus en plus difficiles. À cette fin, le SCFP a transformé le vote en une véritable farce. Le refus antérieur du SCFP de recourir à l'arbitrage obligatoire n'était que de la poudre aux yeux, destinée à désorienter les travailleurs. Si les travailleurs d'Air Canada «votent mal» en rejetant l’entente proposée lors du scrutin actuel, le syndicat a déjà accepté de soumettre toutes les questions en suspens à un arbitrage exécutoire. Aucune explication n'a été donnée quant à la procédure antidémocratique consistant à limiter le vote des travailleurs à la seule partie salariale du contrat, ce qui suggère que le SCFP a fait d'importantes concessions sur les règles de travail, les pensions, les avantages sociaux, etc. qu'il se sent incapable de présenter aux travailleurs dans le cadre d'un vote ouvert.

Les agents de bord et les postiers se trouvent dans une lutte politique contre le gouvernement et les appareils syndicaux. Seul un mouvement politique brisant l'isolement imposé par la bureaucratie syndicale peut réussir à mobiliser de larges sections de travailleurs pour défendre le droit de grève de chacun et ainsi obtenir des contrats de travail qui annuleraient des décennies de reculs et que les travailleurs peuvent ratifier démocratiquement.

La voie à suivre pour les postiers, les agents de bord et tous les autres travailleurs qui se trouvent dans des conditions de travail misérables est de créer ou de rejoindre des comités de base associés à l'Alliance ouvrière internationale des comités de base (IWA-RFC). De cette manière, nous pourrons rompre notre isolement, notre activité de grève pourra réellement avoir un impact, et les dirigeants qui voudraient nous écraser sous le poids des forces du marché auront une force de la classe ouvrière à laquelle répondre. Nous pouvons y parvenir en construisant un mouvement qui rejette la recherche du profit comme principe directeur, qui mène une lutte politique contre les efforts du gouvernement et des entreprises canadiennes visant à sacrifier nos emplois et nos conditions de travail afin de financer le réarmement et la guerre et de fournir des subventions pour enrichir les oligarques déjà fortunés.

Je lance un appel aux agents de bord et aux postiers pour qu'ils associent consciemment leurs luttes afin de défendre tous les services publics, le droit de grève et le contrôle des nouvelles technologies par les travailleurs. Les travailleurs d'UPS au Canada, sous la discipline du syndicat Teamsters, négocient actuellement un accord, et ils constituent un groupe évident de travailleurs auxquels nous devrions lancer un appel. La norme industrielle mondiale veut que les agents de bord effectuent un travail au sol non rémunéré ; les agents de bord américains constituent donc un autre groupe évident de travailleurs auxquels nous devrions faire appel. Ces appels doivent être lancés conformément à l'objectif de l'IWA-RFC, qui est d'élargir les luttes des travailleurs pour en faire une contre-offensive sociale et politique visant à faire échec aux grèves brisées par le gouvernement et à garantir de bons emplois et de bonnes conditions de travail pour tous.

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