Les détails émergent de la trahison commise par le SCFP envers les travailleurs d’Air Canada, tandis que la pseudo-gauche tente de la camoufler

Les détails ont maintenant été révélés concernant l'accord conclu en coulisses entre le Syndicat canadien de la fonction publique (SCFP) et Air Canada tôt mardi matin, ainsi que les méthodes tout à fait antidémocratiques auxquelles la bureaucratie a maintenant recours pour le faire adopter.

L'entente de principe a saboté la courageuse résistance de plus de 10 500 agents de bord à l'ordre anti-grève du gouvernement libéral. Cet ordre a été dicté par la ministre de l'Emploi, Patty Hajdu, le samedi 16 août, moins de 12 heures après le début de la grève, en invoquant les dispositions arbitraires et antidémocratiques de l'article 107 du Code canadien du travail.

En mettant rapidement fin à la grève, la direction du SCFP, en étroite collaboration avec les hauts responsables du Congrès du travail du Canada, est venue à la rescousse non seulement de la direction et des actionnaires de la plus grande compagnie aérienne du Canada. Elle a également mis fin à la contestation de la classe ouvrière contre le gouvernement libéral de Mark Carney, qui avait manifestement plongé le pays dans une crise et aurait pu devenir le catalyseur d'un mouvement de masse contre l'austérité capitaliste, la guerre et la répression étatique.

Des agents de bord d'Air Canada en grève font du piquetage à l'aéroport international Pierre-Elliott Trudeau de Montréal. [Photo: WSWS]

Dans le cadre de l’entente de quatre ans proposée, Air Canada n'offre pas un sou de plus en augmentation salariale à la majorité des agents de bord par rapport à son offre dérisoire d'avant la grève.

L'accord prévoit une augmentation de 8 % rétroactive à l'expiration de la convention collective précédente, le 31 mars 2025 ; 3 % la deuxième année du contrat ; 2,5 % la troisième année ; et 2,75 % la quatrième et dernière année. Et ce, dans un contexte où les salaires réels des agents de bord ont été massivement érodés par l'inflation au cours du contrat décennal que le SCFP leur a imposé en 2015.

Seuls les travailleurs les moins bien rémunérés, ceux ayant moins de 5 ans d'ancienneté, recevraient plus que l'offre précédente d'Air Canada. La première année, ils obtiendraient une augmentation salariale supplémentaire de 4 %, soit 12 % au total.

Cette offre est tellement loin de répondre aux besoins des agents de bord que la bureaucratie du SCFP tente de se distancier des termes de l'accord en vertu duquel elle a ordonné aux travailleurs de reprendre le travail. Elle a déclaré qu'elle adoptait une « position neutre » sur l'accord salarial et qu'elle ne le recommandait pas officiellement à ses membres.

La supercherie du SCFP sur la prétendue « fin » du « travail non payé »

Dans le cadre du dernier contrat de travail, les agents de bord d'Air Canada n'étaient pas rémunérés pour le travail effectué avant et après les vols, y compris les procédures de sécurité et le débarquement. Cela a conduit à une situation où le travailleur moyen effectuait 35 heures de travail non rémunéré par mois. De nombreux agents de bord gagnent ainsi des salaires de misère, certains travailleurs ayant peu d'ancienneté gagnant nettement moins de 40 000 dollars par an, selon leur horaire.

En vertu de l'entente de principe négociée par le SCFP, les agents de bord des avions à fuselage étroit, également appelés avions à couloir unique, recevraient une rémunération au sol d'une heure par vol, correspondant à 50 % de leur salaire horaire normal, tandis que ceux des avions à fuselage large seraient rémunérés au même taux, mais pour dix minutes de plus, soit 70 minutes.

À partir d'avril prochain, ce pourcentage passerait à 60 %, puis à 65 % en avril 2027 et à 70 % en avril 2028. Cela signifie que de nombreux travailleurs recevraient moins que le salaire minimum fédéral pour leur travail au sol.

En raison de la position militante des travailleurs, Air Canada avait été contrainte, avant même la grève, d'accepter que les agents de bord soient rémunérés à 50 % de leur salaire horaire normal pour une heure d'activités avant le vol. Avec l'entente de principe, le SCFP a modifié cette disposition, stipulant que le travail au sol sera rémunéré à un taux bien inférieur au salaire de base, si même rémunération il y a.

Soulignant que la bureaucratie est pleinement consciente du fait qu'elle a trahi les agents de bord, elle leur refuse le droit de voter sur la partie de l'accord relative à la rémunération avant le vol et sur tous les autres aspects de l'accord, à l'exception du barème salarial.

Le service de presse du SCFP n'a pas répondu à une demande de clarification du World Socialist Web Site concernant la base juridique sur laquelle s'appuie la bureaucratie pour priver les travailleurs de leur droit de vote sur les dispositions clés du nouvel accord. Il pourrait bien s'agir de l'article 107 du Code canadien du travail envers lequel les bureaucrates syndicaux ont fait une telle démonstration d’« opposition », afin de maintenir leur contrôle politique sur la courageuse attitude de défi des membres de la base face à l'interdiction de grève imposée par le gouvernement. Quoi qu'il en soit, il s'agit d'une violation flagrante des droits des travailleurs. Cela souligne que l'objectif principal du syndicat était de mettre fin à la grève en collusion avec la direction et le gouvernement.

Même la partie de l'accord relative aux salaires, que la bureaucratie du SCFP a daigné soumettre au vote des travailleurs entre le 27 août et le 6 septembre, est en réalité un fait accompli. Si les travailleurs la rejettent, il y aura trois jours de médiation, suivis d'un arbitrage exécutoire supervisé par une personne nommée par le gouvernement.

À mesure que les détails de l'accord ont été connus, la colère des membres de la base s'est rapidement intensifiée. Les responsables syndicaux ont été assaillis de questions et de commentaires furieux lors des réunions Zoom du SCFP.

La bureaucratie syndicale et ses partisans de la pseudo-gauche ont quant à eux lancé une campagne de propagande pour dissimuler ce qui s'est passé.

Le SCFP déclare que l'entente de principe contient des « changements transformationnels » et affirme que « le travail non payé est terminé ». C'est un mensonge éhonté. Les agents de bord ne seront rémunérés que pour le travail au sol avant un vol. Le travail au sol qui a lieu à la fin d'un vol, notamment aider les passagers à débarquer et les diriger vers les portes d'embarquement, etc., restera non rémunéré.

Selon Indeed.com, le salaire horaire moyen des agents de bord d'Air Canada est de 29 dollars. Si l'on se base sur le coût moyen d'un appartement à Toronto, principale plaque tournante du transport aérien au Canada où vivent de nombreux employés d'Air Canada, les salaires devraient doubler rien que pour compenser l'inflation. En 2015, un appartement d'une chambre à Toronto coûtait en moyenne 1100 dollars par mois. Le coût moyen est désormais de 2195 dollars. Les prix des produits alimentaires ont augmenté de 45 %.

Pendant ce temps, les investisseurs d'Air Canada ont fait fortune. 10 000 dollars investis dans des actions Air Canada en 2015 valaient près de 50 000 dollars en 2020, soit un gain de 500 %, avant que la pandémie de COVID-19 ne mette fin aux voyages aériens, entraînant la chute des actions des compagnies aériennes. Cet investissement vaut aujourd'hui 16 200 dollars, soit un gain de 60 %. En comparaison, le salaire d'un agent de bord a perdu 50 % de son pouvoir d'achat.

La bureaucratie défend son partenariat corporatiste avec le gouvernement Carney

Ces conditions de travail intolérables ont poussé 99 % des travailleurs d'Air Canada à voter en faveur d'une grève, avec un taux de participation de 94 %, et à défier l'ordre de retour au travail du gouvernement.

Cette position de défi a créé une crise politique pour le gouvernement Carney, avec lequel les bureaucraties syndicales, y compris le SCFP, sont unies dans une alliance corporatiste « Équipe Canada » pour « sauver » le Canada et les profits capitalistes. Après avoir répété pendant des mois que les « Canadiens » étaient « tous dans le même bateau » face aux menaces d'annexion et aux mesures de guerre commerciale de l'administration Trump, les bureaucraties syndicales ont montré où se situaient leurs véritables allégeances de classe en s'entendant avec le gouvernement et la direction d'Air Canada pour poignarder les travailleurs dans le dos afin de préserver les profits des entreprises canadiennes et de protéger les privilèges corporatistes de la bureaucratie syndicale.

Tandis que les travailleurs défiaient l'ordre de retour au travail, le Congrès du travail du Canada a convoqué une réunion « d'urgence » des hauts bureaucrates afin de déterminer comment garder le contrôle de la situation et sauver ses alliés politiques au sein du gouvernement Carney. Ils ont publié une déclaration prétendant exprimer leur « solidarité » avec les grévistes, qui était en réalité un appel au gouvernement Carney pour qu'il ne se passe pas des services de la bureaucratie syndicale pour étouffer les grèves et imposer des reculs. L'objectif politique de cette déclaration était résumé dans un passage affirmant que Carney, un homme qui a servi l'oligarchie financière toute sa vie adulte en tant que banquier central, avait été « élu pour lutter contre Trump, [...] pour protéger nos emplois et nos communautés ».

Pour afficher une posture de défi devant les grévistes militants, le président national du SCFP, Mark Hancock, a déclaré de manière démagogique lors d'une conférence de presse lundi qu'il était « prêt à aller en prison » pour défendre le droit de grève des travailleurs. En réalité, il était prêt à faire n'importe quel coup médiatique pour maintenir les travailleurs prisonniers du carcan du système de négociation collective truqué, au moment même où ses collègues du SCFP s'apprêtaient à entamer des négociations marathons avec les patrons d'Air Canada pour conclure leur trahison nocturne de la grève.

Le gouvernement libéral est déterminé à faire payer aux travailleurs le transfert massif de richesses du bas vers le haut de la société. Cela s'exprime au plus haut niveau dans sa volonté de réarmer massivement l’armée, en transférant des milliards de dollars des dépenses sociales vers les dépenses consacrées à la guerre dans le monde entier afin de défendre les intérêts de l'impérialisme canadien. Les « partenaires » syndicaux du gouvernement sont indispensables dans ce processus, car ils confinent les luttes des travailleurs dans le cadre de la « négociation collective » favorable aux employeurs et appliquent les diktats de l'élite patronale.

Les organisations de pseudo-gauche servent d'avocats à la bureaucratie du SCFP

L'importance de la couverture politique fournie par une série de groupes de pseudo-gauche à la bureaucratie est devenue particulièrement évidente après sa trahison de la grève d'Air Canada. À des degrés divers, ils cherchent à dissimuler le conflit amer entre les directions syndicales et la base, ainsi que le partenariat de la bureaucratie avec le gouvernement et les grandes entreprises.

Spring Magazine, publié par une scission de droite des International Socialists, un groupe prônant la théorie du capitalisme d’État, a déclaré sans vergogne que les travailleurs d'Air Canada avaient remporté une victoire. Dans un article publié sur X, Krisna Saravanamuttu a déclaré : « Les agents de bord ont défié l'ordre de retour au travail prévu à l'article 107, forçant Air Canada à revenir à la table des négociations, et ont conclu une entente de principe. Cela crée un précédent puissant : seuls les travailleurs décident de la fin d'une grève, et non le gouvernement fédéral ou ses amis du monde des affaires. »

Ce ne sont que des mensonges. Cela n'enlève rien au courage dont ont fait preuve les travailleurs d'Air Canada en défiant le gouvernement, mais il faut reconnaître la réalité : ils n'avaient absolument aucun mot à dire sur la fin de leur grève ou sur l'entente de principe conclue à leur insu. Ce sont « le gouvernement libéral et ses amis du monde des affaires (et de la bureaucratie syndicale) » qui ont déterminé la fin de la grève, et ils l'ont fait avant tout pour protéger l'autorité politique du gouvernement Carney.

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Le défi lancé à l'interdiction de grève du gouvernement a été rendu possible par la détermination à se battre des travailleurs de la base, et non par celle des dirigeants du SCFP. « Les plans du SCFP », comme cela allait devenir clair quelques heures plus tard, consistaient à saboter l’attitude de défi des travailleurs à la première occasion.

Le Parti communiste révolutionnaire (PCR), affilié à la mal nommée Internationale communiste révolutionnaire de Ted Grant, a tenté une défense plus sophistiquée de la bureaucratie, déclarant que « le syndicat » dans son ensemble, et non la base, « avait défié la loi », mais que les dirigeants avaient inexplicablement accepté un « mauvais accord ». Ses critiques, dans la mesure où l’on peut parler de critiques, se limitaient entièrement aux conditions « économiques » de l’entente, laissant totalement de côté le rôle de la bureaucratie syndicale dans l'étouffement de la lutte des classes afin de soutenir le gouvernement libéral de Carney pro-patronal et l'alliance syndicats-NPD-libéraux, qui a servi pendant des décennies de mécanisme clé pour appliquer le programme d'austérité, d'agression impérialiste et de guerre de la classe dirigeante. L'article du PCR sur l'accord conclu avec Air Canada se terminait par l'affirmation que, à mesure que la lutte des classes s'intensifie, « les dirigeants seront poussés à agir ou seront écartés, et des dirigeants plus militants – ceux qui lutteront véritablement pour les intérêts des travailleurs – prendront le devant de la scène » au sein des appareils syndicaux existants et du cadre de la négociation collective.

Le problème auquel sont confrontés les travailleurs n'est pas un manque de militantisme. Ils sont plutôt confrontés à une bureaucratie syndicale composée d'une caste de fonctionnaires hautement rémunérés dont les intérêts sont étrangers et hostiles à ceux des travailleurs qu'ils prétendent représenter. Cela se manifeste le plus clairement dans l'intégration de la bureaucratie syndicale dans des partenariats corporatistes avec les patrons et l'État, qui défendent les intérêts de l'impérialisme canadien en imposant aux travailleurs le coût du réarmement et des subventions aux entreprises.

Les travailleurs d'Air Canada et d'autres secteurs de la classe ouvrière ne peuvent faire avancer leur lutte pour des emplois décents et sûrs et des services publics bien financés qu'en adoptant une stratégie entièrement nouvelle. Dans la situation actuelle, toute lutte ouvrière importante prend la forme d'un combat politique non seulement contre un employeur spécifique, mais contre l'ensemble des entreprises canadiennes, leur gouvernement et leurs partenaires dans la bureaucratie syndicale. Cette lutte nécessite la mise en place de nouvelles formes d'organisation – des comités de base pour unifier les travailleurs au-delà des clivages sectoriels et avec leurs frères et sœurs de classe à l'échelle internationale – et l'adoption d'un programme socialiste et internationaliste afin de lutter pour que ce soient les besoins humains, et non le profit privé, qui déterminent la vie sociale.

(Article paru en anglais le 22 août 2025)

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