La multinationale Glencore veut continuer d’empoisonner la population de Rouyn-Noranda au Québec

Moins de trois ans après un déferlement d’indignation populaire qui l’avait obligée à faire certaines concessions, la multinationale Glencore vient d’annoncer qu’elle n’a pas l’intention de respecter la limite légale d’émission d’arsenic à sa fonderie Horne, s’octroyant ainsi le droit d’empoissonner la population de Rouyn-Noranda pour maximiser ses profits et les dividendes versés à ses riches actionnaires.

Rouyn-Noranda est une petite ville industrielle du nord-ouest du Québec. La fonderie Horne, le plus gros employeur de l’endroit, produit des anodes de cuivre à l’aide d’un processus qui émet dans l’air des quantités importantes de métaux lourds, dont de l’arsenic, du cadmium, du plomb et du nickel, à des niveaux qui dépassent largement les normes québécoises.

Depuis la première étude sérieuse réalisée sur les matières toxiques émanant de la fonderie Horne en 1975, la communauté locale s’est mobilisée à maintes reprises pour exiger que l’entreprise cesse d’empoisonner la population. Les gouvernements successifs aux niveaux provincial et fédéral ont systématiquement ignoré les préoccupations de la population locale et permis à la fonderie Horne de transgresser les règles environnementales.

En mai 2022, de nouvelles informations accablantes ont été révélées sur les conséquences nocives de la pollution engendrée par la fonderie Horne et la complicité du gouvernement de droite de la Coalition avenir Québec (CAQ).

La Fonderie Horne de Rouyn-Noranda (source: wikipedia) [Photo by Clarius29 / CC BY-SA 4.0]

Les médias avaient alors rapporté qu’en 2019, suite à une rencontre avec les dirigeants de Glencore, le directeur national de la santé publique du Québec, le Dr Horacio Arruda – celui-là même qui allait quelques mois plus tard voir à l’implantation de la politique meurtrière de la CAQ «des profits avant les vies» pendant la pandémie de COVID-19 – avait bloqué la publication de données comparant l’état de santé à Rouyn-Noranda avec le reste de la province.

Les données censurées par le gouvernement du Québec pendant près de deux ans confirmaient les graves problèmes de santé qui affligent la population de Rouyn-Noranda – naissances avec faible poids, maladie pulmonaire obstructive chronique et cancer du poumon, parmi d’autres – à des taux anormalement élevés en raison de la pollution engendrée par la fonderie Horne.

Les informations alarmantes de 2019 n’avaient pas empêché la CAQ de continuer de se faire complice de l’empoisonnement de la population de Rouyn-Noranda.

Ainsi, peu après la manœuvre d’Arruda pour camoufler l’ampleur de l’empoisonnement de la population, des représentants du gouvernement avaient approuvé pratiquement tel quel un «plan d’action» proposé par Glencore pour préserver ses profits. Dans les années qui ont suivi son implantation, les émissions moyennes d’arsenic ont augmenté de façon significative, passant de 69ng\m3 en 2020 à 100ng\m3 en 2021. Notons que la fonderie Horne pouvait alors, au terme de l’autorisation octroyée par le ministre de l’Environnement, émettre en toute légalité jusqu’à l00ng\m3 d’arsenic alors que la norme québécoise est de 3ng\m3.

Mais les révélations de l’été 2021 ont indigné les travailleurs à travers le Québec et forcé Glencore et le gouvernement du Québec à effectuer une retraite tactique, le temps que la colère populaire s’essouffle.

Le gouvernement a lancé une consultation bidon avant d’émettre, en mars 2023, une nouvelle autorisation ministérielle qui maintenait le droit de Glencore de dépasser les normes environnementales.

Selon cette autorisation, la fonderie Horne devait réduire progressivement ses émissions afin d’atteindre les valeurs réglementaires pour ses rejets de plomb et de cadmium en mars 2028. Pour l’arsenic, l’entreprise se voyait imposer l’atteinte d’un taux de 15ng\m3, soit cinq fois plus élevé que la norme légale, en mars 2028. Glencore s’engageait également à mettre en œuvre un «plan d’action bonifié» comprenant 3 projets de modifications de ses installations connus sous le nom d’«Aeris» qui devait lui permettre à terme d’atteindre le seuil de réglementaire de 3ng\m3.

Moins de 3 ans après l’émission de l’autorisation ministérielle, Glencore renie maintenant ses obligations, anticipant que le gouvernement propatronal de la CAQ continuera de protéger ses intérêts.

En juin dernier, Glencore a annoncé qu’elle abandonnait le projet Aeris, au motif que ses coûts trop élevés auraient «compromis la viabilité de l’usine». Affirmant avoir trouvé une façon moins couteuse de diminuer ses émissions, la multinationale annonçait son intention de demander au gouvernement de la CAQ un délai additionnel de 18 mois pour réduire ses émissions d’arsenic à 15ng\m3, repoussant ainsi l’atteinte de cet objectif à la fin de 2029.

Puis, en juillet, Glencore a annoncé qu’elle refusait tout bonnement de réduire ses émissions d’arsenic à la limite légale de 3ng\m3. Remettant cyniquement en doute la «validité scientifique» de la norme et l’impartialité de la direction régionale de la Santé publique, l’entreprise a déclaré qu’elle estimait «plus qu’acceptable» de s’en tenir au seuil 15ng\m3 et qu’elle allait demander au gouvernement de modifier son autorisation en conséquence.

L’arsenic étant reconnu comme un cancérigène sans seuil – toute exposition comporte un risque – la limite réglementaire de 3ng\m3 représente elle-même un compromis. Un seuil permanent de 15ng\m3 représenterait un risque considérable pour la santé de la population.

Selon l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ), une telle limite n’offrirait pas de protection contre le risque de cancer. L’INSPQ a estimé qu’un enfant né à Rouyn-Noranda en 2023 et qui grandirait avec la norme de 15ng\m3 ferait face à un risque de cancer 94 fois supérieur au seuil jugé acceptable au Québec.

Bien que la direction régionale de la Santé publique ait jugé la demande de la Fonderie Horne «vraiment pas acceptable», le gouvernement a à peine réagi, le ministre de l’Environnement Benoit Charrette se contentant de dire qu’il allait attendre la demande de modification de l’autorisation ministérielle de 2023. De toute évidence, il se prépare à accommoder l’entreprise.

Le patronat et les syndicats ont publiquement donné leur appui aux demandes de Glencore.

La Chambre de commerce et d’industrie de Rouyn-Noranda a publié une lettre destinée au premier ministre du Québec, l’ex-PDG multimillionnaire François Legault, l’implorant d’accéder aux demandes de la multinationale pour éviter la fermeture de la fonderie.

Shawn Smith, le président du Syndicat des travailleurs de la mine Noranda (STMN), affilié à la Confédération des syndicats nationaux (CSN) a déclaré que le délai supplémentaire de 18 mois demandé par Glencore pour atteindre le seuil de 15ng\m3 était «raisonnable». Smith et un autre syndicat représentant des travailleurs de Glencore au Québec, le syndicat des Métallos, affilié à la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec (FTQ), ont soutenu qu’une limite permanente de 15ng\m3 était «sécuritaire» et «acceptable».

Comme à chaque fois qu’ils trahissent les travailleurs pour défendre les profits de la grande entreprise, les bureaucrates syndicaux ont présenté leur capitulation comme une nécessité pour garder l’entreprise ouverte. Smith a ainsi balayé du revers de la main les préoccupations quant à la santé des travailleurs exposés aux contaminants en déclarant qu’il «faut trouver le juste milieu entre la santé et l’économie».

Glencore est une gigantesque multinationale présente dans 35 pays. Gérant environ 150 installations dans le domaine des mines, de la métallurgie et de la production pétrolière, c’est une des entreprises les plus rentables au monde dans le domaine des ressources naturelles.

Il est absurde de prétendre que l’investissement de quelques centaines de millions de dollars sur plusieurs années requis pour amener les émissions de la fonderie Horne aux normes provinciales menacerait sa viabilité.

En 2024, Glencore a enregistré des revenus de 230 milliards de dollars américains et des profits de 14,4 milliards. Elle a versé 2,2 milliards de dollars en dividendes à ses actionnaires et utilisé 1 milliard pour racheter ses propres actions, une forme de spéculation qui profite aux actionnaires. La multinationale dispose de plus de 11 milliards de dollars en liquidités.

Si la fonderie Horne a procédé à une cinquantaine de licenciements en 2024, ce n’est pas en raison d’investissements extrêmement limités pour réduire ses émissions de métaux lourds, mais à la suite de la chute du prix mondial du cuivre, des menaces de tarifs du président américain Donald Trump et d’opérations de «rationalisation» – c’est-à-dire de maximisation des profits aux dépens des emplois – de la part de Glencore.

Dans un contexte de guerre commerciale mondiale, les gouvernements partout à travers le monde s’attaquent de front aux normes réglementaires adoptées à une époque où l’élite dirigeante avait les moyens d’appliquer – de façon limitée, insuffisante et à contre-cœur – certaines réformes visant à protéger la santé et la vie des travailleurs, ainsi que l’environnement. En pleine crise du système capitaliste, ces limites à l’exploitation des travailleurs et des ressources sont désormais considérées par la classe capitaliste comme un frein inacceptable aux profits.

Aux États-Unis, l’aspirant-dictateur Trump a éliminé des milliers de normes réglementaires et réduit drastiquement les effectifs d’agences fédérales telles que l’EPA (protection de l’environnement) et OSHA (santé et sécurité au travail).

Au Canada, le gouvernement fédéral-libéral du banquier Mark Carney vient de faire adopter la Loi visant à bâtir le Canada qui élimine le processus d’évaluation environnemental des projets dits «d’intérêt national».

La lutte des travailleurs de Rouyn-Noranda pour mettre fin à l’empoisonnement de leur environnement par la multinationale Glencore pose donc des questions cruciales qui vont au-delà des agissements d’une entreprise au Québec. Qui doit décider de l’organisation économique de la société et l’utilisation des nouvelles technologies, et sur quelles bases? La classe capitaliste sur la base du profit privé? Ou la classe ouvrière internationale sur des bases socialistes afin de satisfaire les besoins de tous, y compris de pouvoir vivre en santé dans un environnement sain?

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