L'imposition par l'administration Trump des droits de douane les plus élevés aux États-Unis depuis la désastreuse Loi Smoot-Hawley des années 1930 est une déclaration de guerre contre la classe ouvrière américaine et internationale.
Trump a affirmé que « des milliards de dollars de droits de douane affluent désormais vers les États-Unis d'Amérique ». C'est un mensonge éhonté : les droits de douane sont internes, ce n'est pas de l'argent qui afflue de l'étranger.
Il s'agit d'une taxe sur les importateurs de marchandises qui est finalement répercutée sur les consommateurs sous forme de prix plus élevés.
Les mesures de Trump sont déjà payées par les travailleurs sous la forme d'une hausse des prix de tous les biens de consommation. Elles entraîneront rapidement des suppressions d'emplois, une détérioration des conditions de travail – en particulier en matière de sécurité – et des réductions de salaire, les employeurs cherchant à compenser l'augmentation générale des coûts de l'industrie américaine.
L'un des principaux objectifs est de financer les vastes sommes offertes aux ultra-riches et aux entreprises par le biais des réductions d'impôts prévues dans le projet de loi sur le budget.
Mais les implications vont bien au-delà de cet objectif immédiat. L'histoire ne se répète pas, mais il y a des leçons à en tirer. L'imposition de droits de douane dans les années 1930 a joué un rôle majeur dans le déclenchement puis l'aggravation de la Grande Dépression, qui a finalement conduit à la Seconde Guerre mondiale. La même logique objective se retrouve dans la guerre économique que Trump mène contre le monde.
Le système capitaliste n'a été reconstruit qu'après le plus grand bain de sang de l'histoire, sur la base de la puissance économique du capitalisme américain. Mais ce développement même a conduit à l'affaiblissement de la suprématie économique des États-Unis, qui s'est d'abord manifesté par la décision prise en 1971 par le président américain Nixon de supprimer la couverture-or du dollar américain.
Un nouvel ordre monétaire a été établi, basé sur le dollar comme monnaie fiduciaire, sans aucune base réelle sous forme d'or. Mais la crise historique sous-jacente du capitalisme américain a continué à s'aggraver, conduisant à une situation où, au lieu d'être la puissance industrielle mondiale, il s'est transformé en épicentre de la spéculation financière et du parasitisme.
Les États-Unis sont aujourd'hui le pays le plus endetté de l'histoire, avec une dette de 37 000 milliards de dollars qui ne cesse d'augmenter. Depuis le krach boursier d'octobre 1987 – suivi de la crise de 2008 et de l'effondrement quasi total du système financier en 2020 au début de la pandémie de COVID – le pays a été secoué par une série de crises financières de plus en plus graves, et d'autres se profilent à l'horizon.
L'essence des politiques du régime Trump consiste à chercher à surmonter cette crise existentielle par ce que ses partisans appellent un « nouvel ordre commercial mondial » dans lequel l'impérialisme américain occupe la position d'un suzerain sur l'économie mondiale, dictant sa loi à ses amis comme à ses ennemis sous la menace de les écraser économiquement s'ils ne se conforment pas, tout en prenant des mesures tout aussi impitoyables contre la classe ouvrière dans son propre pays.
Les mesures tarifaires du régime Trump sont mises en œuvre par deux voies.
Les droits de douane généraux imposés aux pays – allant de 10 % à 40 %, voire 50 % – sont appliqués en vertu de la loi de 1977 sur les pouvoirs économiques d'urgence internationaux (IEEPA), qui, selon Trump, donne au président le pouvoir de prendre de telles mesures en raison de « l'urgence nationale » résultant des déficits commerciaux.
Cette décision a été jugée illégale par la Cour du commerce international en mai, mais elle fait actuellement l'objet d'un recours en appel de la part de l'administration Trump, d'abord devant un tribunal fédéral, puis éventuellement devant la Cour suprême, au motif que l'annulation des droits de douane entraînerait une crise financière majeure comparable à la Grande Dépression.
Exprimant la volonté de l'administration de poursuivre malgré tout, le secrétaire au Trésor Scott Bessent a déclaré que « plus nous concluons d'accords, plus l'argent afflue, plus il devient difficile » pour la Cour suprême de « se prononcer contre nous ».
Outre les droits de douane imposés en vertu de l'IEEPA, il existe des droits de douane sur certaines marchandises, notamment l'acier, l'aluminium, les automobiles, le cuivre, les puces informatiques et, à terme, les produits pharmaceutiques, sur lesquels Trump a menacé d'imposer une taxe de 200 %.
Les objectifs de la guerre tarifaire contre le monde ont été exposés par Trump dans des déclarations et des décrets présidentiels indiquant clairement qu'elle vise ni plus ni moins à détruire le système d'après-guerre qui, selon lui, a permis aux États-Unis d'être « escroqués », a affaibli leur capacité de production et, par conséquent, a compromis leur capacité militaire.
Ces décrets ont désigné la Chine comme cible principale, l'administration, les démocrates, l'armée et les services de renseignement déclarant sans cesse que son développement économique et technologique constitue une menace existentielle qui doit être écrasée à tout prix.
Les raisons qui ont motivé la guerre économique menée par Trump ont été clairement exposées dans un article publié par Jamieson Greer, représentant américain au commerce, dans le New York Times du 7 août, intitulé «Pourquoi nous avons refait l'ordre mondial » (Why We Remade the Global Order).
Le système précédent, mis en place immédiatement après la guerre et qui s'est poursuivi jusqu'à la création de l'Organisation mondiale du commerce en 1995, était « intenable et non viable », le « grand gagnant » étant la Chine.
Greer a salué l'accord conclu fin juillet entre Trump et l'Union européenne, annoncé sur le terrain de golf de Trump à Turnberry, en Écosse, comme un «accord historique » et un modèle à suivre.
Il n'y a pas eu d'« accord ». L'UE s'est simplement vu signifier que si elle n'acceptait pas les conditions dictées par les États-Unis, ses exportations seraient soumises à un droit de douane de 30 %, ce qui porterait un coup dur à son économie, déjà proche de la récession.
Outre le respect d'un droit de douane de 15 %, les États-Unis ont obtenu un accord pour l'augmentation des achats d'équipements militaires et d'énergie sans rien donner en retour et en laissant ouverte la possibilité d'imposer de nouveaux droits de douane sur certains produits, notamment les produits pharmaceutiques.
Passant en revue les accords conclus avec d'autres pays, Greer a déclaré que les engagements pris étaient « exécutoires » et que les États-Unis «surveilleraient de près » la situation et « réimposeraient rapidement des droits de douane plus élevés en cas de non-respect, si nécessaire », qualifiant les droits de douane de « bâton puissant ».
Il a souligné que ces accords s'accompagnaient également d'« engagements d'investissement importants », notamment 600 milliards de dollars dans le cas de l'UE et 350 milliards de dollars dans le cas de la Corée du Sud.
« Ces investissements, dix fois supérieurs à la valeur ajustée en fonction de l'inflation du plan Marshall qui a permis de reconstruire l'Europe après la Seconde Guerre mondiale, accéléreront la réindustrialisation des États-Unis », a-t-il écrit.
Bien qu'il n'y ait aucune perspective que cette vision se réalise, l'intention est claire. Avec la menace de sévères droits de douane, les États-Unis chercheront à obtenir un tribut du reste du monde à la manière d'un gangster mafieux.
Si la Chine est la principale cible du nouvel ordre mondial, les États-Unis n'ont pas réussi à lui imposer leurs diktats aussi facilement. Après avoir tenté une attaque frontale en annonçant des droits de douane de 145 %, la Chine a riposté en imposant des contrôles à l'exportation sur les terres rares et les aimants à terres rares, dont elle détient le quasi-monopole et qui sont essentiels pour des secteurs importants de l'industrie automobile et militaire.
Ces mesures ont contraint Trump à conclure une trêve, qui a été prolongée de trois mois, de la première semaine d'août à novembre. Cette trêve n'est toutefois pas le début d'un processus de résolution, mais sera utilisée par les États-Unis pour rassembler les ressources nécessaires afin de pouvoir reprendre leur offensive à grande échelle.
L'ampleur de l'offensive contre la classe ouvrière américaine est illustrée par les premiers chiffres des coûts des droits de douane actuellement supportés.
Les grandes entreprises ont déjà subi des pertes importantes. General Motors a déclaré avoir payé plus d'un milliard de dollars de droits de douane sur les pièces automobiles au deuxième trimestre. Stellantis a déclaré que les droits de douane sur les importations réduiraient son résultat net de 350 millions de dollars, et Nike a déclaré que ses bénéfices seraient réduits d'un milliard de dollars.
Les petites industries sont confrontées à des conséquences dévastatrices. Selon un rapport de Bloomberg, la Chambre de commerce américaine a estimé qu'environ 236 000 petites entreprises importatrices (celles qui comptent moins de 500 employés) ont acheté pour environ 868 milliards de dollars de marchandises en 2023. La Chambre a déclaré que le coût annuel total des droits de douane pour ces entreprises s'élèverait à 202 milliards de dollars, soit une moyenne de 856 000 dollars par entreprise.
Ces sommes colossales, et celles encore plus importantes à venir, seront payées par la classe ouvrière, car l'effet des hausses tarifaires se répercutera sur l'ensemble de l'économie, entraînant une hausse des prix et une augmentation des suppressions d'emplois – telle est la logique inexorable du système capitaliste basé sur le profit.
Le régime Trump soutient que les droits de douane stimulent l'emploi, ce qui est un autre mensonge, réfuté par des données concrètes. On estime que les droits de douane sur l'acier introduits en 2018 ont permis de créer 1000 emplois dans le secteur sidérurgique. Mais le nombre d'emplois perdus dans les industries qui utilisent l'acier a été estimé à 75 000 en raison de la hausse des prix.
Les problèmes auxquels sont confrontés les travailleurs américains et internationaux apparaissent clairement. Le Comité international de la Quatrième Internationale et ses partis affiliés, les Partis de l'égalité socialiste, appellent les travailleurs à lutter pour un programme indépendant contre la guerre économique et de classe menée par Trump. Le mot d'ordre doit être « l'ennemi principal est au pays ».
Autrement dit, l'opposition implacable au nationalisme économique destructeur de Trump doit s'accompagner d'une opposition tout aussi déterminée des travailleurs du reste du monde au nationalisme économique de leur « propre » classe dirigeante.
C'est là le fondement de l'unification de la classe ouvrière internationale et de l'élaboration d'un programme socialiste pour faire face à la crise historique du système capitaliste mondial, dont la guerre économique de Trump est l'expression maligne.
Cette crise trouve son origine dans la contradiction inhérente au capitalisme – celle entre l'économie mondiale et la division du monde en États-nations rivaux et en puissances impérialistes – intensifiée à un degré énorme par la mondialisation de la production au cours des quatre dernières décennies.
L'impérialisme américain cherche à la « résoudre » par une guerre contre ses rivaux à l'étranger et une guerre contre la classe ouvrière aux États-Unis. La classe ouvrière doit la résoudre par la lutte pour le programme du socialisme internationaliste et la construction du parti révolutionnaire nécessaire pour mener cette lutte. Il n'y a pas de troisième voie.