Un jour après que le président Donald Trump ait annoncé la prise de contrôle fédérale de la police de Washington DC et l'envoi de 800 soldats de la Garde nationale pour occuper la capitale, une étape importante dans l'établissement d'une dictature fasciste aux États-Unis, le Washington Post a rapporté l'existence de plans secrets visant à déployer rapidement des troupes dans les villes confrontées à des « manifestations ou autres troubles».
L'article du Post dénonce le mensonge que constitue la déclaration de «situation d'urgence pour la sécurité publique » dans la capitale par Trump, prétexte invoqué au nom de la loi et de l'ordre pour normaliser le recours à l'armée afin de réprimer l'opposition populaire et écraser les droits démocratiques de la classe ouvrière. Dans sa diatribe à la Maison-Blanche lundi, Trump, entouré des chefs du Pentagone, du FBI et du ministère de la Justice, a menacé de mobiliser des troupes régulières en service actif et d'étendre l'utilisation de l'armée à l'intérieur du pays à des villes telles que Chicago et New York.
La prise de contrôle militaire et policière de Washington marque le troisième déploiement de troupes pour le maintien de l'ordre intérieur depuis le début du second mandat de Trump en janvier, les autres étant l'envoi de troupes à la frontière sud et la mobilisation de 5000 gardes nationaux et 500 marines américains à Los Angeles au début de l'année pour réprimer les manifestations contre les rafles de l'ICE (Immigration and Customs Enforcement). Sans opposition sérieuse de la part du Parti démocrate, des tribunaux ou des syndicats, Trump a effectivement rendu caduque la Loi Posse Comitatus. Cette loi, qui date de 1878, interdit le recours à l'armée pour faire respecter la loi sur le territoire national.
L'article du Post commence ainsi :
Selon des documents internes du Pentagone examinés par le Washington Post, l'administration Trump évalue actuellement des plans visant à créer une « force de réaction rapide en cas de troubles civils internes » composée de centaines de soldats de la Garde nationale chargés de se déployer rapidement dans les villes américaines confrontées à des manifestations ou à d'autres troubles.
Le journal explique que le projet prévoit que 600 soldats de la Garde nationale « soient en état d'alerte afin de pouvoir être déployés en moins d'une heure ». Les soldats seraient répartis en deux groupes de 300 personnes chacun et stationnés dans des bases militaires en Alabama et en Arizona.
Compilés par des responsables de la Garde nationale, les documents portent des dates aussi récentes que fin juillet et début août, selon l'article du Post. Le reportage exclusif du Post fait suite à un article publié le 2 août par The New Republic sur une note interne du département de la Sécurité intérieure (DHS) évoquant une réunion du 21 juillet entre des responsables du DHS et du Pentagone sur une action coordonnée pour « défendre le territoire national ». The New Republic écrit que la note « suggère que le DHS prévoit de recourir beaucoup plus souvent à l'armée dans les centres urbains, soulignant que des opérations de type Los Angeles pourraient être nécessaires “pendant des années” ».
L'article du Post note que Trump a ordonné un test du dispositif de « force de réaction rapide » pendant son premier mandat. Durant les manifestations de masse qui ont secoué le pays à la suite du meurtre de George Floyd par la police, 600 soldats de la Garde nationale ont été mis en état d'alerte en Arizona et en Alabama. À cette occasion, Trump a mobilisé la Garde nationale pour réprimer les manifestations à Washington DC et a menacé d'invoquer la loi sur l'insurrection le 20 juin 2020.
Cette force militaire spéciale serait autorisée à intervenir en vertu du titre 32 du Code des États-Unis, qui a été utilisé pour mobiliser des troupes de la Garde nationale de différents États à Washington DC en juin 2020.
Le Post cite Joseph Nunn, avocat au Brennan Center for Justice, qui déclare : « Il ne faudrait pas normaliser la participation systématique de l'armée au maintien de l'ordre. Il ne faudrait pas normaliser le déploiement systématique de l'armée sur le territoire national. »
Citant les documents, le Post rapporte que la proposition prévoit une rotation des militaires des unités de la Garde nationale de l'armée de terre et de l'armée de l'air basées dans plusieurs États, notamment l'Alabama, l'Arizona, la Californie, l'Illinois, le Maryland, le Michigan, le Mississippi, le Missouri, le Nebraska, le Nouveau-Mexique, la Caroline du Nord, le Dakota du Nord, la Pennsylvanie, la Caroline du Sud et le Tennessee.
L'article poursuit :
Les 300 soldats présents dans chacun des deux quartiers généraux seraient équipés d'armes et de matériel anti-émeute, selon les documents. Les 100 premiers seraient prêts à intervenir dans l'heure, les deuxième et troisième vagues dans les deux et douze heures suivant l'alerte, précisent les documents, ou tous immédiatement déployés en cas d'alerte maximale.
La réaction des démocrates et des médias bourgeois à la prise de contrôle militaire et policière de Washington par Trump va de l'indifférence complaisante au soutien enthousiaste. Il n'y a absolument aucun appel à la résistance publique contre ce coup d'État de facto contre la Constitution américaine et ce qui reste des droits démocratiques. Cela reflète la vision de la classe dirigeante, qui maintient son pouvoir grâce au système bipartite et contrôle les médias.
Cela se produit dans un contexte d'opposition de masse montante de la classe ouvrière, de la jeunesse et de certaines couches de la classe moyenne aux politiques de Trump. Au sein de la classe ouvrière, on observe une évolution vers la gauche en opposition aux politiques dictatoriales et militaristes de Trump, à son soutien au génocide israélien à Gaza, à la persécution des immigrés, aux réductions d'impôts record pour les riches et aux coupes budgétaires de plus de 1000 milliards de dollars dans Medicaid, les bons alimentaires, l'allègement de la dette étudiante et d'autres programmes sociaux afin de financer les réductions d'impôts pour les oligarques et les dépenses militaires record. En juin dernier, les plus grandes manifestations de protestation de l'histoire des États-Unis ont eu lieu lors de la journée « No Kings », où quelque 15 millions de personnes ont défilé à travers le pays pour s'opposer à Trump.
Les démocrates et la bureaucratie syndicale craignent bien plus un mouvement de masse de la classe ouvrière contre le système existant qu'ils ne craignent la dictature.
Muriel Bowser, la maire démocrate de Washington, une ville à forte population ouvrière qui n'a accordé que 6,5 % de ses voix à Trump en novembre 2024, a annoncé qu'elle accepterait la prise de contrôle de Trump. Elle s'est contentée de se plaindre que les taux de criminalité étaient en baisse et que l'ajout de forces de police serait plus efficace que l'occupation militaire ordonnée par la Maison-Blanche. Elle n'a rien dit sur la diabolisation des sans-abri par Trump, qualifiés de « sales », ni sur sa promesse de purger la ville des campements de sans-abri. Les syndicats sont restés largement silencieux.
Les journaux télévisés de mardi soir ont minimisé l'annonce de Trump, la plaçant en troisième ou quatrième position. Le New York Times n'a publié aucun commentaire éditorial. Le Washington Post ne s'est pas opposé au caractère dictatorial des mesures prises par Trump. Il s'est plutôt plaint qu'elles n'iraient pas assez loin dans la réduction de la criminalité. Le Wall Street Journal a écrit dans un éditorial :
M. Trump aime se présenter comme un homme d'action, et il est désormais le chef de la police. S'il contribue réellement à nettoyer Washington, en démantelant les camps de sans-abri et en rendant les espaces publics plus sûrs pour les habitants et les touristes, il méritera notre reconnaissance.
Aucune institution officielle, y compris les syndicats corporatistes, ne s'est opposée ou ne s'opposera à l'instauration d'une dictature présidentielle fasciste sous Trump. Cela s'explique par le fait que la démocratie est incompatible avec les niveaux d'inégalité sociale qui existent sous le capitalisme, surtout aux États-Unis. La défense des droits démocratiques dépend de la mobilisation de masse, indépendante, sociale et politique de la classe ouvrière contre le capitalisme et pour le socialisme.