Le rôle infâme joué par l'Institut Tony Blair dans la planification du nettoyage ethnique et de la «reconstruction» de Gaza

Plus tôt ce mois-ci, le Financial Times a révélé que deux membres du Tony Blair Institute (TBI) avaient participé à des discussions avec le Boston Consulting Group (BCG) au sujet de projets de nettoyage ethnique des Palestiniens de Gaza et de construction d'une « Riviera Trump » et d'une « Zone de fabrication intelligente Elon Musk ». Des plans commandités par un groupe de businessmen israéliens.

Le très honorable Sir Tony Blair KG (Chevalier) a créé le Tony Blair Institute for Global Change (pour lui donner son titre complet) en 2016. Il déclara au Financial Times qu'il souhaitait qu'il devienne le cabinet de conseil de référence pour les dirigeants mondiaux: «Je veux que [l'institut] soit entrepreneurial, vif et qu'il donne aux gouvernements de bons conseils solides.»

Tony Blair en 2010 dans son rôle de représentant du Quatuor pour le Moyen-Orient [Photo by European Union, 2010 / CC BY 4.0]

Sa déclaration de mission dit : « Sous la direction de Tony, TBI collabore avec les dirigeants politiques du monde entier pour créer un véritable changement pour leurs populations en les conseillant sur la stratégie, les politiques et la mise en œuvre, la technologie étant un levier pour ces trois objectifs. » L’accent mis sur la technologie reflète les intérêts de l’un des principaux bailleurs de fonds de TBI, Larry Ellison, fondateur de l’entreprise de technologie informatique Oracle. L’objectif de TBI est de « contribuer à bâtir des pays plus ouverts, plus inclusifs et plus prospères pour tous ».

Ce que cela signifie concrètement peut être constaté dans un document rédigé par un membre du TBI et soumis au BCG pour examen. Il incluait un projet de « Riviera de Gaza » avec des îles artificielles au large, similaires à Palm Island à Dubaï, des initiatives commerciales basées sur la ‘blockchain’, un port en eau profonde qui assurerait la liaison avec le corridor économique Inde-Moyen-Orient-Europe, et des « zones économiques spéciales » à faible fiscalité, synonymes de bas salaires et de conditions de travail abusives.

Le document indique que la guerre dévastatrice de Gaza a «créé une opportunité unique dans tout un siècle de reconstruire Gaza à partir de ses principes fondamentaux… en tant que société sûre, moderne et prospère» – et, bien sûr, sans aucun Palestinien.

L'Institut Blair a d'abord tenté de nier son implication, puis a minimisé son rôle dans la proposition, plaidant qu'il n'avait pas produit ni approuvé la soumission finale de 30 pages du BCG : The Great Trust (la Grande confiance): From a Demolished Iranian Proxy to a Prosperous Abrahamic Ally (d’un mandataire iranien démoli à un allié abrahamique prospère) — « Great » est l'acronyme de Gaza Reconstitution, Economic Acceleration and Transformation. Le BCG a présenté le plan au gouvernement Trump ainsi qu'à d'autres gouvernements du Moyen-Orient.

Le Boston Consulting Group (BCG) a également contribué à la création de la Fondation humanitaire pour Gaza (GHF), soutenue par Israël et les États-Unis, qui fournit une aide au compte-gouttes à Gaza, accessible uniquement au risque d'être abattu, pour légitimer le blocage de toute autre aide et le fait d’affamer systématiquement les Palestiniens.

Des Palestiniens se pressent pour obtenir des dons de nourriture dans une cuisine communautaire de la ville de Gaza, au nord de la bande de Gaza, le lundi 14 juillet 2025. [AP Photo/Jehad Alshrafi]

Le GHF a selon la presse élaboré un plan de création de camps, appelés « zones de transit humanitaire », à l'intérieur et à l'extérieur de Gaza. De ces camps de concentration, les Palestiniens seraient ensuite expulsés du pays. L'ONU a qualifié le GHF de «feuille de vigne » cachant les objectifs de guerre israéliens, tandis que les organisations humanitaires ont refusé de collaborer avec lui. Depuis le lancement du GHF en mai, les forces israéliennes ont tué plus de 800 Palestiniens qui tentaient d'atteindre ses sites de distribution.

L'ancien Premier ministre israélien Ehud Olmert a dénoncé le projet de «ville humanitaire», affirmant qu'il s'agirait d'un camp de concentration et que forcer les Palestiniens à y entrer serait du nettoyage ethnique.

Le travail du BCG a été commandité dans le cadre des plans plus larges et à long terme du gouvernement fasciste du Premier ministre Benyamin Netanyahou pour le nettoyage ethnique de Gaza, qui a utilisé les événements du 7 octobre 2023 comme prétexte pour mettre en œuvre cet objectif.

Si le BCG, dans une tentative de limiter les dégâts pour sa réputation, a annoncé que deux de ses principaux associés démissionnaient en raison de leur rôle dans le projet, et que le directeur général du GHF, Jake Wood, avait également démissionné, peu de choses ont été dites sur le rôle joué par le Tony Blair Institute for Global Change.

La proposition du BCG est l'un des nombreux plans d'après-guerre pour Gaza élaborés par des gouvernements et des groupes indépendants, parmi lesquels le programme de reconstruction de 53 milliards de dollars de la Ligue arabe, présenté par l'Égypte en mars, ainsi que ceux de groupes de réflexion tels que Rand.

Ensemble, ils mettent en lumière le rôle joué par les grandes sociétés, qui se cachent derrière les groupes de réflexion, les cabinets de conseil et autres, dans les négociations et les discussions sur l’avenir de Gaza, maquillées en «pourparlers de paix» et largement invisibles au grand public.

L'héritage de Tony Blair en tant que Premier ministre

Blair rivalise avec son mentor Margaret Thatcher pour le rang de personnalité politique la plus détestée de Grande-Bretagne en raison des crimes commis lorsqu'il dirigeait le gouvernement du New Labour, de 1997 à 2007, son soutien surtout à la «guerre mondiale contre le terrorisme» menée par les États-Unis contre l'Afghanistan et l'Irak, ses mesures antidémocratiques et autoritaires et son engagement ouvert en faveur du «libre marché».

Margaret Thatcher, à droite, et Tony Blair, à gauche, photographiés ensemble en 2002 [Photo by UK Government/OGL 3]

Ce criminel de guerre non inculpé restera dans l’histoire comme l’homme qui a justifié l’invasion et l’occupation illégales de l’Irak en 2003 sur la base de mensonges et a défié l’opposition populaire massive à la guerre.

Son gouvernement du New Labour (Nouveau Parti travailliste) n'a pas abrogé la législation anti-syndicale virulente des conservateurs; il n'a pas remplacé le parc de logements sociaux vendu sous Thatcher; il a conservé les services publics clés tels que le rail, l'énergie et l'eau dans le giron du privé; il a fait appel au secteur privé pour financer et gérer les services publics; il a développé un système de protection sociale ultra-punitif; et il a encore plus déréglementé le secteur financier avant la crise financière de 2008.

Il s'est donné pour objectif d'achever la révolution économique de Thatcher, en démantelant l'État social d'après-guerre, si longtemps associé au gouvernement travailliste de 1945, et en passant d'une protection sociale universelle à des prestations sociales soumises au contrôle des ressources.

Blair a supervisé un transfert massif de richesses des travailleurs vers les grandes sociétés, les 1 000 Britanniques les plus riches ayant plus que triplé leur fortune durant son mandat. Son bras droit, Peter Mandelson, aujourd'hui ambassadeur du gouvernement Starmer aux États-Unis, s'est vanté de la « très grande décontraction» du gouvernement face à « l'enrichissement excessif de certains».

Blair travailla en étroite collaboration avec la bureaucratie syndicale pour imposer son programme économique de droite, la montée notamment du secteur des emplois à bas salaires et de la précarisation, ainsi que la destruction de l’État social ; et pour étouffer l’opposition à la guerre.

Il se vanta d'avoir lancé l'Initiative de financement privé mise au point par les conservateurs, la rebaptisant Partenariats Public-Privé (PPP). Il a transféré au secteur privé une grande partie des services publics britanniques, comme le Service National de Santé, l'éducation, les services sociaux et les prisons, ainsi que les infrastructures publiques, offrant ainsi à de nouvelles entreprises un revenu stable grâce à l'argent des contribuables. Il accueillit des oligarques étrangers au paradis fiscal de Londres, transformant la ville en terrain de jeu pour riches et en véritable blanchisserie mondiale de l'argent sale.

Son règne n'a rencontré aucune contestation de la part de l'aile gauche du parti. Il fut contraint de quitter le pouvoir pour des raisons purement pragmatiques après que les élections de mai 2007 eurent fortement réduit la majorité parlementaire du Parti travailliste en raison de l'opposition à l'occupation continue de l'Irak, dont le nombre de victimes s'accroissait. Il confia les rênes du pouvoir à Gordon Brown, son ministre de la Finance pendant dix ans.

La carrière du Blair post-gouvernemental : les affaires sous le couvert d'un envoyé de la paix

Suivant une longue lignée d'anciens Premiers ministres britanniques, Blair s'est construit une nouvelle carrière lucrative en dehors de la politique : négociateur de paix, conférencier vedette et consultant auprès de banques et d'institutions financières américaines, européennes et moyen-orientales, accumulant ainsi une fortune personnelle d’environ 60 millions de livres. Malgré sa fortune, Blair et son épouse ont pu éviter de payer 312 000 livres d'impôts sur des biens immobiliers londoniens en acquérant une société offshore, comme l'ont révélé les Pandora Papers (article en anglais) en 2021.

29 Connaught Square, Londres, W2. En octobre 2004, la maison a été achetée par Tony Blair et Cherie Booth pour une somme estimée à 3,5 millions de livres sterling. [Photo by Andrew Dunn, 3 December 2004. / undefined]

À sa sortie du gouvernement, il fut immédiatement intégré – avec le soutien de son complice dans le crime, le président américain George W. Bush – au poste d'envoyé spécial pour le Moyen-Orient auprès des Nations Unies, de l'Union européenne, des États-Unis et de la Russie. Il fut chargé de contribuer au développement de l'économie palestinienne sous occupation israélienne et d'«améliorer la gouvernance», mais il fut d'emblée perçu comme trop proche du gouvernement israélien.

Ce rôle lui a surtout permis de fréquenter les despotes de toute la région et de cultiver ce faisant des contacts commerciaux lucratifs.

Blair a rejoint JP Morgan en 2008, l'une des banques les plus réputées de Wall Street, avec un salaire annuel estimé à plus d'un million de dollars. Il a confié au Financial Times qu'il comptait accepter quelques postes similaires dans d'autres entreprises de différents secteurs. Il a déclaré : « J'ai toujours été intéressé par le commerce et l'impact de la mondialisation. Aujourd'hui, l'intersection entre la politique et l'économie dans différentes régions du monde, y compris dans les marchés émergents, est très forte. »

Ce poste, ainsi que ses autres postes de conseiller, notamment auprès de Zurich Financial Services sur le changement climatique, lui ont valu de généreuses rémunérations. Ses conférences données à des banques d'investissement, des sociétés de capital-investissement et des chambres de commerce, rapportant apparemment 250 000 dollars pour une intervention de 90 minutes, ont fait de lui l'orateur le mieux payé du monde en 2008 et ont enrichi son compte en banque de 12 millions de livres sterling, soit plus de six fois ses revenus de toute une vie jusqu'alors.

Les mémoires de Tony Blair, « Tony Blair: A Journey (un voyage)», publiées en 2010, sont devenus un best-seller des deux côtés de l'Atlantique. Il y a défendu sans vergogne son soutien à la guerre en Irak et a promis de recommencer.

Il a défendu Dick Cheney, vice-président de Bush de 2001 à 2009 et moteur de la guerre en Irak. Si Cheney avait eu gain de cause, après la chute de Saddam Hussein, les États-Unis se seraient attaqués aux dirigeants iraniens, au Hezbollah, au Hamas, à la Corée du Nord et à tout « l'Axe du Mal ».

Blair écrit: «Il [Cheney]pensait que le monde devait être refait […] par la force et dans l'urgence.» Et ajoute: «Pour la gauche, il est une figure de haine pure et dure. Son attitude terrifiait et rebutait les gens. Mais je ne la trouvais pas aussi fantaisiste que le laissait entendre la sagesse populaire.» Il écrit encore qu'on ne pouvait pas simplement «rejeter» le point de vue de Cheney, qui était que le monde devait être refait après le 11 septembre 2001.

Le président George W. Bush applaudit l'ancien Premier ministre Tony Blair après lui avoir remis la Médaille présidentielle de la Liberté 2009, le mardi 13 janvier 2009, lors d'une cérémonie dans la salle Est de la Maison-Blanche.

Outre ses liens lucratifs avec le monde des affaires, il lança en juillet 2009 son Initiative Foi et Mondialisation avec l'Université de Yale aux États-Unis, l'Université Durham au Royaume-Uni, l'Université nationale de Singapour et l'Université McGill à Montréal, afin de promouvoir la mondialisation et une «meilleure compréhension» entre les trois «religions abrahamiques», christianisme, judaïsme et islam. L'un de ses bailleurs de fonds était la Fondation de la famille Milken, créée par Michael Milken, le roi des obligations à haut risque condamné à dix ans de prison pour fraude, qui a également versé des fonds substantiels aux Amis des Forces de défense israéliennes et aux colonies de Cisjordanie.

Blair, la révolution égyptienne et le soutien à al-Sissi

La même année, il créa Tony Blair Associates (TBA), sur le modèle de Henry Kissinger Associates, pour « fournir, en partenariat avec d'autres, des conseils stratégiques, à titre commercial et bénévole, sur les tendances politiques et économiques et les réformes gouvernementales », les bénéfices du cabinet soutenant « le travail de Tony Blair sur la foi, l'Afrique et le changement climatique ». TBA a remporté une série de contrats de conseil de plusieurs millions de dollars auprès de certains des régimes les plus répressifs du monde, notamment le Kazakhstan, le Koweït, les Émirats arabes unis et la Colombie.

L'un de ses clients était le dictateur kazakh notoirement corrompu, Noursoultan Nazarbaïev. En 2012, il lui prodigua des conseils pour limiter les dégâts et gérer les critiques après que la police ait tué 14 ouvriers et en ait blessé 86 lors de manifestations dans la ville pétrolière de Janaozen, au Kazakhstan, en décembre 2011 ; cela avait déclenché d’autres manifestations dans la région caspienne orientale.

Son client le plus controversé fut le dictateur égyptien Abdel Fattah al-Sissi, qui a renversé en 2013 le premier président démocratiquement élu d'Égypte, Mohammed Morsi, affilié aux Frères musulmans. Les Émirats arabes unis, le Koweït et l'Arabie saoudite auraient payé la facture de TBA pour ses conseils sur la manière d'attirer les investissements étrangers en Égypte. Blair envisageait d'ouvrir un bureau à Abou Dhabi, capitale des Émirats arabes unis, afin de renforcer ses liens avec les despotes du Golfe.

Le président Abdel Fattah el-Sissi (à gauche) serre la main du président américain Joe Biden lors du sommet du CCG+3 à Djeddah, en Arabie saoudite, le 16 juillet 2022. Le secrétaire d'État américain Antony Blinken est à l'arrière-plan.

Selon Blair, «le gouvernement des Frères musulmans n'était pas simplement un mauvais gouvernement. Il s'appropriait systématiquement les traditions et les institutions du pays. La révolte du 30 juin 2013 n'était pas une simple manifestation. C'était le sauvetage absolument nécessaire d'une nation ».

Le coup d'État militaire d'Al-Sissi a inauguré une dictature brutale responsable de la mort de plus d'un millier de civils dans les semaines qui ont suivi, lors du massacre de Rabaa, au centre du Caire. Des tribunaux militaires ont également condamné à mort des centaines de prisonniers lors de procès collectifs qui ne duraient que quelques minutes. La junte militaire d'al-Sissi a rétabli l'État militaro-policier tel qu'il existait sous Hosni Moubarak avant la révolution égyptienne de 2011, et a renforcé l'emprise de l'armée sur l'économie et emprisonné quelque 60 000 militants et opposants politiques.

Lorsqu'al-Sissi a remporté la présidence en mai 2014 avec une majorité de 96 pour cent des voix lors d'une élection dictatoriale entachée d'irrégularités, de répression de ses opposants politiques et de suppression de la liberté d'expression, Blair s'est empressé de le féliciter d'avoir «gagné le soutien du peuple». Il a déclaré qu'al-Sissi méritait le soutien de l'ensemble de la communauté internationale.

En tant qu'envoyé au Moyen-Orient, Blair a critiqué ce qu'il considérait comme une réticence à s'engager en Libye après le renversement du régime de Kadhafi en 2011. Il a attaqué la décision du président américain Barack Obama d'abandonner, en septembre 2013, son projet d'intervention en Syrie directement aux côtés des rebelles islamistes soutenus par les États du Golfe, la Turquie, la CIA et Israël, contre le gouvernement Assad, suite au vote surprise contre une telle démarche au Parlement britannique.

Après avoir souligné le rôle de l’Occident dans le financement des groupes d’opposition ayant des liens bien documentés avec Al-Qaïda, il a déploré amèrement: «Nous appelons au changement de régime, nous encourageons l’opposition à se soulever, mais lorsque l’Iran active le Hezbollah aux côtés du gouvernement Assad, nous nous abstenons même d’une intervention aérienne pour donner une chance à l’opposition.»

Malgré sa prétendue mission de contribuer à la paix entre Israël et les Palestiniens, il a été peu loquace sur l'occupation israélienne de la Cisjordanie et de la bande de Gaza et son rôle dans le fait d’engendrer des conflits dans toute la région. En janvier 2014, il rendit hommage à Ariel Sharon – honni comme criminel de guerre par les Palestiniens et les groupes de défense des droits humains – le qualifiant de «géant de cette terre» à la cérémonie commémorative nationale pour l'ex-Premier ministre israélien. Un homme qui portait la «responsabilité personnelle» du massacre de 3 000 réfugiés palestiniens dans le camp de Sabra et Chatila, à Beyrouth, et qui ne fut jamais obligé de rendre des comptes.

Le contrat de Blair avec al-Sissi a provoqué une vague de protestations, un groupe d'anciens ambassadeurs et personnalités politiques britanniques ayant rejoint une campagne pour son limogeage du poste d'envoyé au Moyen-Orient. Ils citèrent sa défense de l'intervention militaire en Irak et en Syrie et le conflit d'intérêts entre sa fonction publique d'envoyé et ses relations d'affaires privées au Moyen-Orient.

Sous les auspices de Blair, la prétendue solution à deux États devint lettre morte ; des explorations et des négociations avec les principales sociétés pétrolières et gazières concernant les ressources énergétiques offshore et les pipelines associés dans les eaux bordant Israël et Gaza ont eu lieu ; et Israël lança trois attaques meurtrières contre Gaza. En Cisjordanie, les colonies et les barrages routiers et points de contrôle se multiplièrent. Face à la multiplication des critiques, Blair démissionna finalement en mai 2015.

En 2016, Blair regroupa tous ses intérêts commerciaux – l'Initiative pour la gouvernance en Afrique, la Fondation Tony Blair pour la foi et son Initiative pour le Moyen-Orient – au sein d'une nouvelle entreprise, le Tony Blair Institute for Global Change (TBI), qui compte aujourd'hui plus de 900 employés. Parmi les clients du TBI figurent l'Azerbaïdjan, le Rwanda et l'Arabie saoudite, que le TBI a continué de conseiller même après l'assassinat du journaliste Jamal Khashoggi en 2018.

Le site Web du Tony Blair Institute for Global Change – capture d'écran. [Photo by https://institute.global]

Blair a déclaré au Financial Times: «Si nous ne travaillons pas dans un seul pays où il y a des problèmes de droits de l'homme, nous allons travailler avec un petit nombre de pays.» TBI a reçu des dons du Département d'État américain et de l'Arabie saoudite.

Blair, l'impérialisme britannique et le Parti travailliste de Starmer

Le bilan de Blair, pendant et après son mandat de Premier ministre, n’est pas juste celui d’un individu mais celui d’un dirigeant du Parti travailliste dont la politique et les actes, tant au niveau national qu’international, ont été façonnés pendant près de 120 ans par son programme pro-capitaliste et son histoire de décennies passées à défendre les intérêts de l’impérialisme britannique – de ses trusts et de ses institutions financières.

De gauche à droite, l’actuel chef du Parti travailliste Sir Keir Starmer, les anciens premiers ministres Sir Tony Blair et Gordon Brown avant la cérémonie du Conseil d'accession au palais St James de Londres où le roi Charles III est officiellement proclamé monarque, le 10 septembre 2022 [AP Photo/Kirsty O'Connor]

En octobre 2015, mettant en garde contre les affirmations illusoires que l'accession récente de Jeremy Corbyn à la tête du Parti travailliste annonçait sa transformation en parti «de gauche», le World Socialist Web Site écrivit (article en anglais)

Ce fut le Parti travailliste et pas seulement Blair qui a soutenu la seconde guerre en Irak, tout comme il l'avait fait pour la première en 1990, et comme il l'avait fait au Kosovo, en Sierra Leone et en Afghanistan. Les députés travaillistes l'ont fait non pas parce qu'ils croyaient à la menace posée par des armes de destruction massive (ADM) – des millions de personnes ont percé à jour les mensonges de Blair – mais parce que le parti a été façonné par son programme pro-capitaliste et par une longue histoire de défense des intérêts de l'impérialisme britannique.

Les députés ont voté pour Blair car ils partageaient son objectif principal : garantir les intérêts mondiaux de la bourgeoisie britannique par une alliance militaire avec Washington. De fait, la question demeure si sensible politiquement qu’en 2012, le procureur général de l’époque, Dominic Grieve, a maintenu le veto opposé en 2009 par le secrétaire à la Justice de l’époque, Jack Straw, à toute divulgation de comptes rendus des réunions du Cabinet en 2003, où l’Irak était évoqué.

En 2011, seuls 11 députés travaillistes ont voté contre la participation à la guerre contre la Libye, ceux en faveur déployaient la même rhétorique «humanitaire» que celle utilisée pour justifier l’assaut dévastateur contre l’Irak.

L’élection de Corbyn ne change rien de fondamental à cet égard.

L’histoire nous apprend que tout dirigeant perçu comme étant en conflit avec l’orientation impérialiste fondamentale du Parti travailliste risque soit d’être remplacé, comme ce fut le cas de George Lansbury en 1935 à l’instigation du Trades Union Congress [la confédération syndicale] soit d’être obligé d’abandonner ses prétentions pacifistes, comme le fit Michael Foot en 1982 au sujet des Malouines.

Cet avertissement s’est confirmé, Corbyn a trahi tous ceux qui lui avaient confié la conduite d’une lutte politique contre les blairistes et a au contraire ouvert la voie à leur retour au pouvoir avec Keir Starmer.

Jeremy Corbyn (à gauche) et Sir Keir Starmer lors d'un événement pendant les élections générales de 2019, lorsque Corbyn était chef du parti et Starmer son secrétaire d'État fantôme chargé du Brexit [AP Photo/Matt Dunham, File]

Moins d'un an après son accession à la tête du Parti travailliste, le 5 août 2021, Starmer a confié au Financial Times sa promesse de « remodeler le Parti travailliste », et avait « exhorté les militants à s'inspirer de l'héritage politique de Tony Blair pour aider le principal parti d'opposition britannique à remporter les prochaines élections. Il a ajouté qu'il était essentiel de démontrer que le Parti travailliste n'était pas un parti de la protestation, mais qu'il était déterminé à conquérir le pouvoir, ce qui impliquait d'être ‘‘très fier’’ de ce qu'il avait accompli avec Blair et son successeur au poste de Premier ministre, Gordon Brown, durant son dernier mandat. » Il avait agi ainsi car il était « conscient que l'une de [ses] premières tâches était de reconstruire les relations entre le Parti travailliste et le monde des affaires ».

Aujourd’hui, si grotesque que soit l’implication de Blair dans le sale travail consistant à élaborer des plans pour un Gaza post-génocide, elle est largement égalée par celle de son disciple Starmer. Celui-ci déploie les ressources militaires et de renseignement britanniques pour faciliter le nettoyage ethnique nécessaire à la réalisation de la vision de Blair et mobilise l’appareil d’État pour réprimer l’opposition intérieure d’une façon telle que Blair ne pouvait qu’en rêver.

(Article paru en anglais le 16 juillet 2025)

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