Dans une décision lourde de conséquences pour les droits démocratiques et l'éducation publique, la Cour suprême des États-Unis a autorisé lundi l'administration Trump à procéder à des licenciements collectifs au sein du ministère de l'Éducation. Par un vote de 6 contre 3, la Cour a annulé une décision rendue le 22 mai par le juge fédéral Myong Joun, dans le Massachusetts, qui avait temporairement bloqué les licenciements.
L'ordonnance spéciale non signée, rendue sans argumentation ni explication, permet à Trump de licencier 1400 employés du ministère, accélérant ainsi l'objectif de longue date de son administration de démanteler cette agence ministérielle créée par le Congrès en 1979.
Le ministère américain de l'Éducation supervise un large éventail de programmes répondant aux besoins de 70 millions d'étudiants. Il fournit chaque année plus de 120 milliards de dollars d'aide financière à plus de 13 millions d'étudiants à travers le pays. Pour la seule année scolaire 2020-2021, il a distribué plus de 100 milliards de dollars directement aux écoles publiques, soit environ 11 % de l'ensemble du financement de l'enseignement primaire et secondaire public à l'échelle nationale.
Au-delà de la question immédiate de l'enseignement public, la décision rendue lundi marque une nouvelle extension importante du pouvoir exécutif par la Cour suprême, sanctionnant la volonté de Trump d'instaurer une dictature présidentielle. Dans une opinion dissidente de 19 pages, la juge Sonia Sotomayor, rejointe par les juges Elena Kagan et Ketanji Brown Jackson, a cité l'engagement de longue date de Trump d'éliminer le ministère de l'Éducation, soulignant que cela était inconstitutionnel, car seul le Congrès a le pouvoir de créer ou d'abolir des ministères fédéraux.
Sotomayor a averti que la décision de la Cour accordait au président un pouvoir illimité pour annuler les lois promulguées par le Congrès. « Lorsque l'exécutif annonce publiquement son intention d'enfreindre la loi, puis met cette promesse à exécution, il est du devoir du pouvoir judiciaire de contrôler cette illégalité, et non de la faciliter », a-t-elle écrit. Elle a ajouté que cette décision « confère à l'exécutif le pouvoir d'abroger des lois en licenciant toutes les personnes nécessaires à leur application », ajoutant que « la menace qui pèse sur la séparation des pouvoirs prévue par notre Constitution est grave ».
La décision de la Cour suprême ignore les protections légales adoptées par le Congrès contre la réorganisation des départements fédéraux par l'exécutif, viole l'exigence constitutionnelle selon laquelle le président doit « veiller à ce que les lois soient fidèlement exécutées » et sape des lois fondamentales, notamment la Loi sur l'enseignement primaire et secondaire, la Loi sur l'enseignement supérieur et la Loi sur l'éducation des personnes handicapées.
Cette dernière décision s'inscrit dans une série de décisions prises par la bande de fascistes qui dirige la Cour dans le but de démanteler les droits démocratiques fondamentaux. En juillet 2024, la Cour a approuvé la revendication de Trump d'une « immunité pénale absolue » pour les mesures prises dans le cadre de ses « pouvoirs constitutionnels ». En avril 2025, elle a encore affaibli le contrôle judiciaire et le respect des procédures régulières en confirmant les expulsions de masse en vertu de la Loi sur les ennemis étrangers.
Dans la décision Trump c. CASA de juin 2025, la Cour a privé les tribunaux fédéraux du pouvoir de prononcer des injonctions à l'échelle nationale contre les actions anticonstitutionnelles du gouvernement, y compris la volonté de Trump d'abolir le droit du sol, un droit garanti par le 14e amendement.
La décision de cette semaine, qui fait suite à celle de la semaine dernière autorisant le licenciement collectif de fonctionnaires fédéraux, révèle clairement le caractère de classe du virage vers la dictature : le démantèlement des protections démocratiques fondamentales pour faire valoir les intérêts de l'oligarchie financière.
L'existence et l'expansion de l'enseignement public aux États-Unis sont le fruit de la Révolution américaine, de la guerre civile, de l'impact mondial de la Révolution russe de 1917, du mouvement des droits civiques et des luttes ouvrières de masse du XXe siècle. Les droits démocratiques et sociaux n'ont pas été accordés d'en haut, ils ont été conquis de haute lutte face à la résistance acharnée de la classe dirigeante capitaliste.
Le démantèlement de l'enseignement public est un élément clé de la contre-révolution sociale bipartisane menée depuis des décennies par les démocrates et les républicains. Sous Trump, cette offensive est entrée dans une nouvelle phase, beaucoup plus avancée.
Trump a fait des étudiants, des universités et la culture en général une cible prioritaire. Des milliards ont été supprimés des subventions fédérales destinées aux sciences, aux arts et aux sciences sociales. Le projet de loi de finances signé par Trump au début du mois, qui réduit considérablement les aides médicales et alimentaires, prévoit également une réduction de 300 milliards de dollars des aides fédérales aux étudiants au cours de la prochaine décennie. Il impose des calendriers de remboursement draconiens, refuse des prêts à des milliers d'étudiants potentiels et impose de nouvelles taxes aux universités.
La décision de la Cour suprême ouvre la voie à une intensification des attaques contre tous les niveaux de l'enseignement public et au pillage de ses ressources par l'oligarchie financière par le biais de la privatisation. Elle vise à rendre une véritable éducation inaccessible à la classe ouvrière. L'exposition aux cultures du monde, à l'histoire, aux arts et aux sciences doit être supprimée et remplacée par une formation professionnelle étroite. La classe dirigeante cherche à canaliser les jeunes vers deux voies : la réindustrialisation brutale des États-Unis au niveau national et le service militaire dans les guerres prédatrices de l'impérialisme américain à l'étranger.
Si c’est Trump qui mène cette offensive, elle est pleinement soutenue par l'ensemble de l'establishment politique. Les démocrates ne font rien pour s'opposer au démantèlement des programmes sociaux, car ils l’appuient. Dans les villes de tout le pays, les maires démocrates mettent eux-mêmes en œuvre des coupes sombres dans les services sociaux et l'enseignement public. Leur opposition à Trump ne repose pas sur une défense de principe des droits démocratiques ou sociaux, mais se concentre plutôt sur des divergences tactiques en matière de politique étrangère, notamment la guerre contre la Russie. Les démocrates ont salué la décision de la Maison-Blanche de reprendre les livraisons d'armes à l'Ukraine.
La décision de la Cour suprême révèle également la faillite des affirmations des syndicats selon lesquelles Trump – et l'oligarchie financière qu'il représente – peut être arrêté par les tribunaux. En réponse à cette décision, l'American Federation of Teachers (AFT) a publié une déclaration de pure forme avertissant que « les enfants seraient particulièrement touchés » et insistant sur le fait que le syndicat « ne cesserait jamais de se battre ».
En réalité, l'appareil syndical n'a jamais « commencé à se battre ». L'AFT et la National Education Association (NEA) ont systématiquement bloqué la mobilisation des enseignants, des étudiants et des travailleurs contre le démantèlement de l'éducation publique. Au lieu de cela, ils ont donné de fausses assurances selon lesquelles les recours judiciaires et les appels aux politiciens démocrates finiraient par obtenir gain de cause.
Les enseignants ont été invités à participer à des « journées de lobbying » et à des « manifestations spontanées » symboliques, à porter des chemises rouges et à attendre passivement que leurs droits leur soient retirés. Il faut se débarrasser de toute illusion restante dans les organisations dirigées par des ennemis avérés de la classe ouvrière, comme la présidente de l'AFT, Randi Weingarten.
Le Parti de l'égalité socialiste exhorte les enseignants, les étudiants, les parents et tous les travailleurs à créer des comités de base dans chaque école, chaque lieu de travail et chaque quartier dans le cadre de l'Alliance ouvrière internationale des comités de base (IWA-RFC). Ces comités doivent unir toutes les couches de la classe ouvrière dans une contre-offensive déterminée contre la contre-révolution sociale menée par l'oligarchie financière.
La défense de l'éducation publique ne peut être laissée entre les mains des tribunaux, des démocrates ou de l'appareil syndical. Elle nécessite un mouvement de masse, indépendant, de la classe ouvrière. Le droit à l'éducation, ainsi que tous les autres droits démocratiques et sociaux – y compris les soins de santé, le logement, la sécurité de l'emploi et une planète habitable – dépendent de la fin de la domination de la société par une élite dirigeante parasitaire.
Cela signifie lutter pour exproprier la richesse des oligarques, démanteler leur dictature et réorganiser la société sur la base du socialisme : le contrôle démocratique de l'économie par la classe ouvrière dans l'intérêt des besoins humains, et non du profit privé.