Perspectives

Les démocrates et les médias applaudissent l'intensification par Trump de la guerre russo-ukrainienne

Un lanceur mobile de missiles Patriot est exposé à l'extérieur du poste militaire de Fort Sill, près de Lawton, en Oklahoma, le 21 mars 2023. [AP Photo/Sean Murphy]

Donald Trump a effectivement inversé la politique de son gouvernement sur la guerre que l'OTAN mène contre la Russie en Ukraine ; il a annoncé ce week-end que le Pentagone reprendrait ses livraisons massives d'armes, pour un montant total pouvant atteindre 10 milliards de dollars. Celles-ci comprendront des systèmes de défense aérienne Patriot et des missiles longue portée capables de frapper Moscou et d'autres grandes villes russes.

Lundi, Trump est apparu à la Maison Blanche aux côtés du secrétaire général de l'OTAN Mark Rutte avec lequel il a échangé compliments et promesses de solidarité renouvelée. Rutte a ensuite rencontré les principaux dirigeants du Congrès, tandis que le ministre allemand de la Défense Boris Pistorius s'entretenait avec le secrétaire à la Défense Pete Hegseth et le général Dan Caine, chef d'état-major interarmées, afin de finaliser le détail des livraisons d'armes.

Comme c'est généralement le cas avec Trump, l'augmentation des profits des grandes entreprises américaines au détriment de leurs concurrents étrangers a été un argument clé pour parvenir à cet accord. Les pays européens achèteront des milliards de dollars d'armes fabriquées aux États-Unis, dont deux systèmes de missiles Patriot, et les enverront en Ukraine, consolidant ainsi à la fois un régime Zelensky aux abois et les bénéfices d'entreprises militaires comme Raytheon et Lockheed Martin.

Lors de sa conférence de presse de lundi, Trump a annoncé qu'il donnait 50 jours au président russe Vladimir Poutine pour conclure un accord de cessez-le-feu avec l'Ukraine. Dans le cas contraire, a-t-il averti, il imposerait des droits de douane d'au moins 100 pour cent à tout pays achetant du pétrole et du gaz russes.

Ces droits de douane viseraient la Chine, l'Inde et le Brésil, qui, avec la Russie, sont membres fondateurs des BRICS, le bloc économique créé pour promouvoir les échanges commerciaux et financiers hors dollar américain. Par son ultimatum, Trump lie ainsi directement sa politique de guerre commerciale contre les rivaux du capitalisme américain, en particulier la Chine, à la guerre menée contre la Russie par les États-Unis et l'OTAN, lancée par son prédécesseur, le démocrate Joe Biden, qu'il attaque régulièrement.

La réaction des principaux démocrates et de leurs alliés dans les médias grand public a été, comme on pouvait s'y attendre, de saluer ce virage. « Ce serait une bonne nouvelle si le président s'engageait à tenir ses promesses» a déclaré la sénatrice Jeanne Shaheen, démocrate de premier plan à la Commission sénatoriale des Affaires étrangères. Dans une interview au New York Times, elle a applaudi «un changement de discours bienvenu », ajoutant toutefois : « On ne sait pas si cela durera très longtemps. »

L’opposition des démocrates à Trump depuis son premier gouvernement a toujours été principalement centrée sur des questions de politique étrangère, en particulier sur ce qu’ils considéraient comme une attitude insuffisamment agressive envers la Russie.

Lorsque les Démocrates ont tenté de destituer Trump en 2019, ce n'était pas pour ses crimes contre la classe ouvrière, comme la persécution brutale des immigrés ou la séparation d'enfants de leurs parents, ni pour ses préparatifs ouverts en vue d’instaurer une dictature. La Chambre des représentants contrôlée par les Démocrates a bien plutôt réclamé sa destitution pour avoir retardé l'aide militaire américaine à l'Ukraine dans le but de faire pression sur le président Zelensky pour qu'il l'aide dans sa campagne de réélection.

Une fois Biden entré à la Maison Blanche, il mit rapidement de côté le danger d'une dictature fasciste révélée par la tentative de coup d'État du 6 janvier 2021 fomentée par Trump. Il exprima le vœu d’un Parti républicain «fort» pour soutenir sa politique anti-Russie, qui parvint à provoquer l'invasion de Poutine en février 2022.

Les Démocrates ont favorisé l'assaut lancé par le second gouvernement Trump contre les immigrants et les droits démocratiques et sa contre-révolution sociale, et y ont collaboré. Ils ont assuré le financement du gouvernement, se sont opposés à une destitution et ne font rien face à la dictature politique qu’il est en train d’instaurer. À l'instar des Républicains, les Démocrates sont un parti de Wall Street et de l'appareil militaire et de renseignement ; leur engagement à défendre le système de profit aux États-Unis et les intérêts mondiaux de l'impérialisme américain est inébranlable.

Pour l’instant du moins, Trump, dont l’attention principale est portée sur la Chine, apporte son concours aux exigences d’agression intensifiée contre la Russie.

La politique bipartite de guerre avec la Russie a été clairement affichée lors de l'intervention conjointe du sénateur républicain Lindsey Graham et de son collègue démocrate Richard Blumenthal dans l'émission matinale de CBS, « Face the Nation ». Graham est un belliciste enragé quelle que soit la cible de l'impérialisme américain. Blumenthal était son partenaire à la réunion de l'OTAN la semaine dernière où ils ont rencontré le président ukrainien Zelensky.

Graham s'est vanté d'avoir obtenu, avec Blumenthal, 85 co-sponsors (parmi 100 membres du Sénat) pour une loi autorisant Trump à «imposer des droits de douane de 500 pour cent à tout pays qui aide la Russie et soutient la machine de guerre de Poutine». C'était là « vraiment un marteau-pilon à la disposition du président Trump pour mettre fin à cette guerre», s'est-il réjoui (c'est-à-dire pour provoquer la défaite et l'écrasement de la Russie).

Le démocrate Blumenthal a adopté le même terme, déclarant: « C’est vraiment là un moment crucial pour ces sanctions et la nécessité d’asséner ce marteau-pilon à ce moment précis a été soulignée par tous les alliés européens présents à la réunion à laquelle le sénateur Graham et moi avons assisté en Europe. Ils sont absolument solidaires.»

Blumenthal de poursuivre: «Mais le plus important, je pense, en ce moment, c'est notre unité. Le sénateur Graham et moi, républicain et démocrate, réunis, les dirigeants européens aux opinions diverses, unis également.» Cette «unité » inclut selon la presse une détermination commune à utiliser 300 milliards de dollars d'actifs russes, gelés sur des comptes en Europe, pour contribuer au financement de la guerre, notamment de la nouvelle tranche d'achats massifs d'armes aux États-Unis.

Blumenthal a ensuite soutenu une politique américaine bipartite visant à briser les alliances de la Russie avec la Corée du Nord, la Chine et l'Iran, et a qualifié avec admiration les récentes frappes aériennes de Trump contre l'Iran de «succès contre le programme nucléaire iranien».

Le revirement de Trump sur la Russie a entraîné un changement de ton notable dans les médias proches du Parti démocrate. Le Washington Post, propriété de Bezos, qui s'est toujours montré le plus agressif envers la Russie, a publié lundi un éditorial approuvant les actions de Trump sur l'Ukraine mais mettant en garde contre tout abandon de l’affrontement avec la Russie. «Dans l'intérêt de l'Ukraine en particulier et de la crédibilité américaine en général», écrit le Post, «Trump ne peut reculer.»

L'éditorial appelait à «davantage d'armes offensives pour frapper des cibles derrière la ligne de front» et critiquait le précédent gouvernement Biden pour sa timidité, «craignant toujours que des attaques ukrainiennes plus directes contre la Russie ne déclenchent un conflit régional plus large contre une puissance nucléaire. (Elles ne l'ont pas fait)». Après avoir écarté avec désinvolture le danger d'un holocauste nucléaire, le Washington Post a exhorté Trump à poursuivre la politique adoptée à la fin par Biden, celle de fournir des missiles balistiques ATACMS à longue portée capables de frapper les principales villes russes, dont Moscou et Saint-Pétersbourg.

L'adhésion totale du Parti démocrate à l'escalade militaire de Trump en Ukraine révèle une réalité politique fondamentale : il n'est pas un parti d'opposition. Il partage avec Trump les objectifs fondamentaux de l'impérialisme américain, le soutien à Wall Street et la défense du système capitaliste.

L'opposition à la marche de Trump vers la dictature, à l’offensive militarisée contre les immigrants et à l'escalade des attaques contre les services sociaux est massive et elle grandit. Mais cette opposition ne peut pas s’effectuer à travers le Parti démocrate, qui fonctionne comme un instrument de la même classe dirigeante. Ce qui est nécessaire, c'est le développement d'un mouvement politique indépendant de la classe ouvrière, luttant pour l'abolition du capitalisme et la réorganisation de la société sur des bases socialistes. Tel est le programme du Parti de l'égalité socialiste.

(Article paru en anglais le 15 juillet 2025)

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