Mardi, le Premier ministre français François Bayrou a présenté un budget proposant 44 milliards d'euros d'augmentations d'impôts et de coupes sociales. Ce budget de guerre des classes imposerait une austérité sociale draconienne afin de libérer des dizaines de milliards d'euros pour le réarmement français et européen et la guerre de l'OTAN contre la Russie.
Cela démasque le soutien du Nouveau Front populaire (NFP), dirigé par Jean-Luc Mélenchon, à Emmanuel Macron aux élections de 2024. Le NFP s'est allié à Macron, soi-disant pour barrer la route au RN d'extrême-droite et forcer Macron à écouter l'opposition massive à l'austérité et à la répression militaro-policière, comme les grèves et émeutes de masse contre la réforme des retraites et le meurtre policier de Nahel en 2023. Le NFP a remporté les élections, mais Macron a nommé des Premiers ministres de droite : Michel Barnier, puis Bayrou.
Le gouvernement ainsi installé avec l’aide du NFP se retourne violemment contre les travailleurs. Alors que les gouvernements européens réduisent les dépenses sociales pour se réarmer, ces politiques se heurtent partout à une opposition sociale explosive. Cependant, stopper l’austérité nécessite de tirer les leçons de la faillite du NFP et de construire un mouvement directement parmi les travailleurs et les jeunes, à la base, pour ôter le pouvoir à l’aristocratie financière qui piétine la volonté des masses.
91 pour cent des Français s'opposent à la réforme des retraites de 2023, mais Bayrou l’intensifie, tout en consacrant 4 milliards d'euros supplémentaires aux dépenses militaires. Il a réclamé au moins 7 milliards d'euros via un gel des retraites et des salaires du secteur public en 2026, 5 milliards d'euros de mesures d’austérité contre la santé ainsi qu’une «réforme» draconienne des allocations-chômage. Il a aussi annoncé des suppressions de postes de fonctionnaires et de fortes baisses des dépenses des collectivités territoriales.
Bayrou a avancé deux arguments mensongers pour justifier sa politique antidémocratique. Le premier est que la France, dont la dette atteint 114 pour cent du produit intérieur brut et qui dépense 100 milliards d'euros par an d’intérêts sur sa dette, doit intensifier l'exploitation des travailleurs. Le second est que des ennemis étrangers violents, menés par la Russie, ne laisse à la France et à ses alliés d'autre choix que de s'armer pour se défendre. À ce propos, Bayrou a déclaré :
Mais surtout, le grand basculement que nous avons vécu, c'est que la violence est devenue la loi universelle. Le basculement du monde qui a commencé avec l'invasion de l'Ukraine par les armées de la Russie de Poutine, ce basculement du monde nous a montré, avec d'autres, avec le 7 octobre, avec le drame à Gaza, que le monde était prêt à s'embraser. Et on nous annonce régulièrement des mouvements de cet ordre du côté de la mer de Chine. Et nous avons vu récemment, avec le conflit opposant l'Iran à Israël, que tout cela était en train de devenir une règle générale pour, hélas, toutes les régions de notre planète.
Un fait contredit l'argument de Bayrou pour le militarisme et l'austérité : la France et ses alliés impérialistes de l'OTAN ne sont pas des spectateurs innocents de ces conflits, mais ceux qui les incitent le plus agressivement. Les forces russes ont envahi l'Ukraine en 2022 après que l'OTAN a armé l'Ukraine jusqu'aux dents pour l'utiliser comme base militaire contre la Russie. Le génocide de Gaza et les frappes israéliennes contre l'Iran continue parce que toute l'OTAN, menée par Washington, fournit massivement des armes à Israël.
Alors que l'OTAN attise ces conflits, notamment en envoyant des navires à l'autre bout du monde menacer les voies maritimes chinoises, Bayrou affirme cyniquement que la France n'a d'autre choix que d'appauvrir les travailleurs pour contrer la menace étrangère. Ceci souligne que la défense des droits sociaux des travailleurs exige de s’opposer aux guerres de l'OTAN.
L'argument de Bayrou sur la dette était aussi un mensonge. La France est confrontée à un piège mortel, selon lui, car les travailleurs français seraient devenus paresseux et compteraient sur l'État pour résoudre tous leurs problèmes : « Nous sommes devenus accros à la dépense publique. Il n'y a pas de difficulté du pays, il n'y a pas de changement nécessaire, il n'y a pas d'obstacle à surmonter, ni d'ordre sanitaire, ni d'ordre climatique, ni d'ordre énergétique ou familial devant lesquels les élus, les citoyens, les médias n'aient eu chaque fois qu'une seule réponse à la bouche, se tourner vers l'État. »
Bayrou a refusé d'expliquer comment cela s'est produit. Evoquant le célèbre ouvrage de l'historien et résistant Marc Bloch, Étrange Défaite, sur la capitulation de l'état-major français lors de l'invasion nazie en 1940, il a déclaré : « Je ne vais pas refaire sur cette question des finances publiques la longue histoire de notre étrange défaite, comme disait Marc Bloch, pour un autre temps. Il y a plus de 50 ans que notre pays, tous courants politiques confondus, n'a pas présenté un budget en équilibre […] Je crois que c'est la dernière station avant la falaise ».
La responsabilité de l'envolée de la dette publique française n'incombe pas à la classe ouvrière, mais à la bourgeoisie. La dette française a explosé dans les années après le krach de 2008 et le début de la pandémie de COVID-19 en 2020. La Banque centrale européenne a imprimé des milliers de milliards d'euros de fonds publics et les a prêtés aux gouvernements européens, qui l'ont massivement dépensé dans des renflouements bancaires des ultra-riches.
Cela a conduit d’une part à la consolidation d’une oligarchie capitaliste grotesquement riche, incarnée par des personnalités comme Bernard Arnault ou François Pinault, avec des fortunes de plus de 100 milliards d’euros, et d’autre part, à un endettement massif de l’État et à des attaques incessantes contre les travailleurs.
En prétendant que la seule issue est une austérité draconienne piétinant la volonté du peuple, cette classe dirigeante démontre qu'elle est historiquement condamnée et inapte à gouverner. Si sa richesse, accumulée grâce au pillage des fonds publics, est incompatible avec des droits sociaux essentielle, elle doit être expropriée. Les grandes sociétés françaises et européennes qui ont bénéficié de ces renflouements devraient être nationalisées et placées sous le contrôle des travailleurs, car elles sont déjà financées par les deniers publics.
Un tel régime, fondé sur le contrôle ouvrier de l'industrie et pouvant ouvrir la voie au pouvoir ouvrier mettant en œuvre de politiques socialistes, apparaît de plus en plus clairement comme la seule alternative pratique au pillage de la société par les capitalistes. Bayrou a donc consacré une grande partie de son discours à insister sur le fait qu'il n'existe aucune alternative à sa politique et que toute résistance au diktat des banques est vaine.
Il a cité la capitulation en 2015 des alliés grecs du NFP, le gouvernement pseudo de gauche de SYRIZA (« Coalition de la gauche radicale »). La capitulation de SYRIZA face à la spéculation des banques sur la dette souveraine grecque, a-t-il affirmé, a démontré qu'il est impossible de s'opposer à l'austérité si l'État est endetté :
« il ne faut jamais oublier l'histoire de la Grèce ou l'exemple de la Grèce. Le Premier ministre d'alors s'appelait Aléxis Tsípras. Il était à la tête d'une coalition qui s'appelait Syriza, de gauche et d'extrême-gauche. Et pour éviter cet obstacle [de la dette], il a convoqué un référendum du peuple grec pour que son pays dise non et que, officiellement, son pays derrière lui refuse les conditions de redressement qui lui étaient faites par l'Union européenne et le FMI. Ce référendum pour dire non, Aléxis Tsípras l'a gagné très largement le dimanche et le jeudi, quatre jours après, il a été obligé de signer tout ce qu'on lui demandait tout ce qu'il avait juré de ne jamais accepter. »
En réalité, l'opposition à l'austérité en Grèce a été vaincue non pas parce que les travailleurs ne pouvaient pas lutter, mais par la trahison de SYRIZA et des bureaucraties syndicales. À l'instar du NFP, qui ont rejeté tout appel à mobiliser la classe ouvrière contre la réforme des retraites afin de faire chuter Macron, Syriza a refusé un appel à mobiliser les travailleurs de leur pays et de toute l'Europe pour défaire l'oligarchie capitaliste.
Une révolution socialiste est, en dernière analyse, la seule politique viable. La question est de construire parmi les travailleurs et les jeunes européens un mouvement capable de la préparer et de la mener à bien. Cela implique de construire des organisations de lutte, des comités de la base en France, en Europe et à l'international, ainsi qu’un mouvement pour le trotskisme et la révolution socialiste en opposition à des tendances comme SYRIZA et le NFP.