Cette année, «Marxisme: un festival d'idées socialistes», organisé par le Socialist Workers Party (SWP, Parti des travailleurs socialistes) à Shoreditch, à Londres, s'est concentré sur la promotion de la récente annonce (article en anglais) des partisans de Jeremy Corbyn de la fondation d’un nouveau parti de gauche pour défier le Parti travailliste.
Samedi, le rassemblement du festival à l'heure du déjeuner, «Le moment du parti: de quelle gauche avons-nous besoin?» a vu des centaines de membres du SWP se comporter comme des fans enthousiastes, saluant l'arrivée de Corbyn à la tribune en scandant «Oh, Jeremy Corbyn!» sur fond sonore de «Seven Nation Army» des White Stripes.

Lewis Nielsen, secrétaire national du SWP, a salué l'annonce faite deux jours plus tôt par la députée indépendante (ex-travailliste) Zarah Sultana, qu’elle codirigerait un nouveau parti avec Corbyn. Décrivant cette annonce comme le « déclencheur » d'une mobilisation de masse, Nielsen a déclaré : « Le génie est sorti de la bouteille. »
Sous les acclamations et les applaudissements, il a déclaré: «Des millions de personnes dans le pays sont prêtes à répondre à l'appel au combat. Chacun dans cette salle peut contribuer à cet appel et à mener une lutte qui affirme que demain sera meilleur qu'aujourd'hui. Nous vaincrons l'extrême droite. Nous mettrons fin aux coupes budgétaires imposées aux travailleurs. Nous serons solidaires de la Palestine et nous construirons un autre monde .»
Corbyn était visiblement sous une pression énorme. Il a évité toute mention du nouveau parti et n'a fait aucune allusion à l'annonce de Sultana. La veille, il avait publié sur X : « Les fondements démocratiques d'un nouveau type de parti politique prendront bientôt forme », ajoutant : « Les discussions sont en cours. »
Cela fait près de dix ans que Corbyn a été propulsé à la tête du Parti travailliste, avec pour mandat de lutter contre l'aile blairiste du parti. Au lieu de cela, il a constamment reculé, capitulant devant la droite sur tous les points fondamentaux : l'adhésion à l'OTAN, le maintien des armes nucléaires Trident, l'insistance pour que les conseils municipaux travaillistes appliquent les coupes budgétaires conservatrices et le refus de contester l'expulsion massive de ses partisans, diffamés comme « antisémites ».
L'objectif de Corbyn fut de bloquer le mouvement vers la gauche de la classe ouvrière et de sa jeune génération et de les rallier au Parti travailliste. En 2015, il définit sa mission comme étant d'empêcher une « pasokification » du Parti travailliste – une référence à l'implosion du PASOK, le parti social-démocrate grec, et à son dépassement par Syriza (Coalition de la gauche radicale).
«Il est très intéressant de constater que les partis sociaux-démocrates qui acceptent le programme d'austérité et finissent par le mettre en œuvre finissent par perdre beaucoup de membres et beaucoup de soutien», déclara Corbyn au journal pro-travailliste Daily Mirror en juillet de cette année-là: «Je pense que nous avons une chance de faire quelque chose de différent ici.»
En d’autres termes, il disait son intention de transformer le Parti travailliste en une sorte de Syriza, un parti populiste de gauche «pour le plus grand nombre, pas pour quelques-uns».
Andrew Murray, stalinien de longue date qui deviendra plus tard le principal conseiller politique de Corbyn, avait répondu en 2013 au groupe Left Unity de Ken Loach, aujourd'hui disparu, en rejetant ses prétentions à être un mouvement de type Syriza en Grande-Bretagne. Il avait insisté pour dire : « La classe ouvrière britannique soutiendra un “Syriza britannique” lorsqu'elle considérera le Parti travailliste britannique comme la classe ouvrière grecque considère le PASOK. On n’en est pas encore là à présent. »
C'est précisément là où les choses en sont aujourd'hui. La classe ouvrière est en colère contre les mesures autoritaires d'extrême droite du gouvernement Starmer, ses attaques contre les pauvres et les personnes handicapées, son soutien au génocide et à la guerre, et la mobilisation de la police contre les grévistes. Les travailleurs et les jeunes rompent avec le Parti travailliste, un virage historique à gauche qui couve depuis des décennies.
Alors que le parti Reforme d’extrême droite dirigé par Nigel Farage a gagné du soutien parmi les électeurs travaillistes et conservateurs les plus âgés et mécontents, le changement le plus large et le plus puissant s’effectue vers la gauche, contre l’immense concentration de richesses dans l’oligarchie des milliardaires, contre la guerre et le génocide, et pour la défense des droits démocratiques et sociaux de la classe ouvrière.
Cela explique les efforts acharnés déployés par des sections de la bureaucratie travailliste et syndicale et par ses alliés de la pseudo-gauche comme le SWP pour bricoler un nouveau véhicule politique confinant les travailleurs et les jeunes à une politique réformiste et empêchant le développement d’un mouvement socialiste et révolutionnaire contre le système capitaliste.
Corbyn n'a lui-même évoqué que vaguement samedi la question de « mobiliser les citoyens pour apporter le changement ». Sa réticence à soutenir le nouveau parti de Sultana s'explique par une crainte bien fondée que tout défi lancé à l'emprise du Parti travailliste sur la classe ouvrière puisse échapper à son contrôle. Dianne Abbott et John McDonnell, principaux alliés de Corbyn au sein du Groupe de campagne socialiste du Parti travailliste, ont déclaré au Telegraph, un journal pro-conservateur, qu'ils n'y adhéreraient pas.
Andrew Feinstein, ancien député du Congrès national africain (ANC) qui a été candidat fait campagne contre Keir Starmer aux élections générales de l'année dernière, s'est imposé comme le porte-parole public de la nouvelle initiative de parti. Il aurait joué un rôle clé dans l'annonce surprise de Sultana, cherchant à forcer la main à Corbyn.
Feinstein a déclaré au rassemblement du SWP que le «nouveau parti du mouvement» en formation «garantirait la représentation de nos militants, de nos mouvements sociaux et de nos communautés» au Parlement de Westminster. Son objectif? «Changer en profondeur les structures, les règles et le fonctionnement du Parlement, de nos conseils municipaux, de l’Etat, afin qu'ils soient au service du plus grand nombre et non d'une minorité ».
Autrement dit, un parti qui subordonne la classe ouvrière à l’État capitaliste, promouvant l’illusion fatale que celui-ci peut être conquis et mis au service des intérêts du «peuple».
«Bienvenue Yanis»
« Marxisme 2025 » a clairement indiqué le type de parti pro-capitaliste que le SWP s'apprête à construire. La présence de Yanis Varoufakis comme orateur principal, lors d'une session intitulée « Combattre l'oligarchie : la pertinence de Marx », était un exercice d'apologétique et de dissimulation que seule une organisation ancrée dans les couches les plus complaisantes de la classe moyenne « radicale » anglaise peut tolérer.
Varoufakis, ministre des Finances du gouvernement Syriza en Grèce, en 2015, a joué un rôle central dans l'imposition des diktats d'austérité de l'Union européenne, de la Banque centrale européenne et du FMI à la classe ouvrière grecque. Son accueil chaleureux illustre bien ce que le SWP s'apprête à faire en Grande-Bretagne.
Varoufakis s'est entretenu via Zoom avec Alex Callinicos, théoricien en chef du SWP, qui est monté sur scène devant une séance bondée samedi après-midi. Le sujet officiel de leur débat était l'ouvrage de Varoufakis, un ouvrage prétentieux et pessimiste, intitulé « Technoféodalisme : ce qui a tué le capitalisme ».
Se sachant entouré d'amis, Varoufakis a souligné en ouverture que c'était le 10e anniversaire du référendum du gouvernement Syriza, qui avait demandé au peuple grec de voter « oui » ou « non » à l'austérité. Le résultat du vote a été « un événement historique qui a eu des répercussions. Il a eu un impact sur la gauche, pas de manière positive, comme il s'est avéré, mais il pourrait rester l'une des leçons les plus précieuses de la gauche que la gauche marxiste aurait pu, je pense, apprendre ».
Donnant un bref historique de la crise financière mondiale de 2008 («pour ceux d’entre vous qui sont trop jeunes pour s’en souvenir ou s’en soucier») dans laquelle «le capitalisme s’est écroulé», Varoufakis a rappelé que «la partie la plus fragile de notre système était la Grèce, l’État grec».
Le plan de l'oligarchie européenne était de « transformer la Grèce en un laboratoire dystopique d'austérité extrême […] puis d'exporter ce modèle de la Grèce vers l'Irlande, le Portugal, l'Espagne et l'Italie. George Osborne a contribué à l'implanter sur vos côtes. Finalement, il a atteint l'Allemagne».
Il a rappelé les débuts de Syriza: «On avait l'habitude d'avoir des réunions comme ça, vous savez, 100 personnes, 500 personnes, 400 personnes», et puis soudain elles sont passées « d’un tout petit parti» à 36 pour cent des voix, et «le 5 juillet 2015, [le jour du référendum, c'est] devenu 62 pour cent».
« Je peux vous dire que je l'ai vu dans les yeux des pouvoirs en place […] des gens comme Christine Lagarde, la Banque centrale européenne, la Banque d'Angleterre, la Réserve fédérale […] Je l'ai vu parce que, par un accident historique, j'ai été hissé pendant quelques mois au poste de ministre des Finances de la République. Ils paniquaient ».
S’ensuivit une description stupéfiante de la nuit du référendum, où les électeurs grecs ont répondu par un «Non» retentissant à l’austérité:
Quelques heures plus tard, mon camarade, le Premier ministre [Alexis Tsipras], est venu me voir […] Nous avons eu un affrontement violent. J'ai démissionné […] Je ne veux pas vous ennuyer avec ça. Ceux qui s'en souviennent, s’en souviennent. Ceux qui ne s'en souviennent pas, eh bien, vous pouvez vous renseigner. Ce fut un épisode intéressant. C'était totalement imprévu, spontané, un petit parti qui, à ce tournant historique, avait formulé des revendications et des promesses radicales à la population, à ce moment propice dans le processus historique, a réussi à obtenir un mandat écrasant pour, en substance, la révolution. Ce fut notre propre faiblesse qui l'a trahi. C'est une grande leçon pour nous, à gauche. Camarades, l'ennemi, quand il nous attaquera, viendra de l'intérieur.
Ici, Varoufakis dépeint Syriza (et lui-même) comme les victimes malheureuses de la défection imprévue de Tsipras au profit des forces réactionnaires. La démission de Varoufakis du poste de ministre des Finances est présentée sous un jour noble, un acte de conscience contre les projets de Syriza de trahir la volonté du peuple grec et d'imposer la politique de la terre brûlée de l'UE.
Mais ni la trahison de Syriza, ni celle de Tsipras et Varoufakis n'étaient accidentelles ou imprévues. Le Comité international de la Quatrième Internationale a signalisé la marche à la trahison de Syriza dans des centaines d'articles, de reportages sur le terrain et de déclarations politiques, visant à mobiliser la classe ouvrière grecque contre cet infâme piège politique.
En tant que ministre des Finances du gouvernement Syriza, élu le 25 janvier 2015, Varoufakis se comporta dès le départ en fidèle serviteur de la troïka UE-BCE-FMI. En février, quelques semaines seulement après son arrivée au pouvoir, il signa un accord avec l'UE pour prolonger son premier programme d'austérité en Grèce.
Le 11 février, avant sa rencontre avec les ministres des Finances de l'UE, Varoufakis a fait l'éloge de la chancelière allemande Angela Merkel et de son ministre des Finances Wolfgang Schäuble (un «homme politique de grande stature intellectuelle»). Il a ensuite qualifié ses propres propositions aux banquiers européens de «thatchériennes ou reaganiennes classiques».
Comme Tsipras, Varoufakis s'attendait à un vote « oui ». Le peuple grec, le pistolet sur la tempe, était confronté à un chantage économique d'une ampleur gigantesque, l'UE menaçant de mettre l'économie en faillite si ses protocoles d'austérité étaient rejetés. Une fuite des capitaux privait des millions de Grecs ordinaires de leurs salaires et de leur épargne personnelle. Syriza ne prit aucune mesure pour protéger la population, excluant toute nationalisation ou toute mesure visant à bloquer le retrait des capitaux, s'opposant à toute mesure contre la richesse de l'oligarchie et des riches investisseurs grecs.
Dans le texte tortueux du référendum de Syriza, les Grecs avaient été invités à accepter ou à rejeter la proposition en deux parties de la troïka, intitulée « Réformes pour l'achèvement du programme actuel et au-delà » et « Analyse préliminaire de la viabilité de la dette ». Le rejet populaire a été massif – et fut suivi d'une trahison d'ampleur historique.
«Yanis, c'est un plaisir de vous parler», a déclaré Callinicos lors de la séance du SWP. Il a poursuivi: «Vous nous avez rappelé un jour historique, celui du référendum grec, il y a exactement dix ans. Pour moi, pour vous et pour de très nombreux militants socialistes, ouvriers et anticapitalistes du monde entier, ce fut un moment exceptionnel, un moment qui a permis d'entrevoir qu'il existe une alternative au néolibéralisme, alors dominant, et qu'un autre monde fondé sur la solidarité, la démocratie et la liberté était possible, même si cet espoir n'a malheureusement duré que très peu de temps, pour les raisons évoquées par Yanis.»
Le soutien de Callinicos aux «raisons» avancées par «Yanis» n'est pas surprenant. La théorie d'un coup de poignard dans le dos imprévu de Tsipras occulte le rôle prépondérant du SWP dans le fait de conférer une crédibilité socialiste et révolutionnaire à ce qui était, depuis sa création en 2004, une alliance électorale pro-capitaliste pourrie.
Lors de la séance de questions-réponses qui a suivi, un membre du SWP présent dans l'assistance a poliment interpellé Varoufakis. «J'adore Yanis», a-t-il assuré, mais pourquoi une «personne aussi intègre que vous», qui nous a «donné tant d'espoir», n'est-elle pas restée se battre? Au lieu de démissionner, «auriez-vous pu rester un peu plus longtemps et lutter contre toutes ces banques et entreprises technologiques iniques?»
Sa question a suscité quelques applaudissements, mais Callinicos, qui avait le droit de réponse en premier, a refusé d’en tenir compte et a encore moins de fourni une réponse. Varoufakis a bénéficié d'un espace sûr pour monter sa propre défense effrontée : « Dire non et démissionner, alors que l'alternative est la corruption et le passage à l'autre camp, est un acte révolutionnaire », a-t-il déclaré.
En présentant un choix binaire entre deux formes de capitulation, Varoufakis a omis une troisième option, posée directement par le résultat du référendum: mobiliser la classe ouvrière grecque dans la lutte contre les diktats d'austérité de l'UE – un combat qui aurait retenti dans toute l'Europe.
En novembre 2015, le CIQI a publié une déclaration intitulée « Les leçons politiques de la trahison de Syriza en Grèce », qui devrait être étudiée attentivement par tous les travailleurs et les jeunes. Soumettant les événements en Grèce – « une immense expérience stratégique pour la classe ouvrière » – à une analyse marxiste, ce document constitue une préparation essentielle aux événements explosifs qui se déroulent actuellement en Grande-Bretagne.
À propos de la trahison de Syriza, le CIQI écrivait : « Des masses de gens sont confrontés à la traîtrise de partis politiques qui ont dominé les mouvements de protestation et à la faillite de ce qui a passé pour une politique de gauche pendant toute une période historique. Adeptes des théories d'universitaires postmodernes comme Ernesto Laclau, ces organisations qualifiaient notre époque de ‘post-marxiste’. Issues de couches aisées des classes moyennes, elles soutenaient que la classe ouvrière n'était plus une force révolutionnaire mais qu’elle avait été remplacée par une multitude de forces sociales définies par des identités nationales, raciales, de genre, ou sociétales. »
« Pendant des décennies, ces partis ont donné une teinte radicale ou anticapitaliste à leur politique, alors qu’elle ne l'était pas du tout. Leur première expérience au pouvoir a révélé que cette posture était une fraude qui servait de couverture politique à une ligne pro-capitaliste visant à préserver aux dépens des travailleurs les intérêts des 10 pour cent les plus riches. »
Pas un autre Syriza !
En 2015, le SWP a été un partisan éhonté de Syriza. Le 31 janvier, son organe, Socialist Worker, saluait la victoire électorale de Syriza par ce titre en première page : « Alors que la Grèce rejette l'austérité, NOUS POUVONS LE FAIRE ICI », et par un éditorial en deuxième page : « La victoire de Syriza signifie que l'espoir est arrivé en Grèce. » Évoquant la « jubilation dans les rues », le SWP, aux côtés de son frère de pensée grec ANTARSYA (Antikapitalistiki Aristeri Synergasia gia tin Anatropi), a amené les sections les plus militantes et les plus critiques des travailleurs, des jeunes et des étudiants derrière un gouvernement pro-capitaliste.
Notant la pression exercée sur Tsipras pour qu'il fasse des «compromis», le SWP écrivait: « La question clé est désormais de savoir si Syriza tiendra tête aux banquiers et aux créanciers.» Le rôle attribué à la classe ouvrière était celui d'un groupe de pression, le SWP prônant «des grèves, des mobilisations de masse, des occupations et une démocratie par la base qui peuvent aller plus loin que ce que Syriza propose». Cette promotion de la spontanéité, caractéristique de la politique du SWP, a servi à bloquer toute compréhension de la perspective réformiste et pro-impérialiste de Syriza qui visait à obtenir des concessions de la troïka, laissant la classe ouvrière sans défense pour ce qui allait suivre.
Dix ans plus tard, le SWP reprend les mêmes arguments pour promouvoir un nouveau parti de gauche, qu'il espère voir dirigé par Corbyn. S'exprimant aux côtés de Corbyn lors de la session précédente, Nielsen avait déclaré : « Quand ils nous déversent tout dessus, nous avons besoin d'une force qui ne fera pas de compromis, qui ne reculera pas. Nous avons besoin d'une force qui mobilisera le mouvement. La classe ouvrière, le mouvement palestinien, le mouvement antiraciste, nous nous ancrerons dans ce mouvement. Ainsi, lorsqu'ils viendront nous chercher, plutôt que d'annuler ce mouvement, nous ferons appel à lui pour nous défendre. C'est le genre de parti dont nous avons besoin. Nous avons donc besoin d'une alliance, d'un réseau, d'une organisation coordinatrice. »
Un parti ou une organisation coordinatrice (!) dirigés par Corbyn et ses collègues peut être contraint de se battre, insiste le SWP. Mais se battre pour quoi?
Le nouveau parti envisagé par le SWP n’est même pas associé à des mesures socialistes. S'exprimant samedi aux côtés de Corbyn, Michael Lavalette, membre de longue date du SWP et de son rejeton Counterfire, n'a posé que trois conditions au nouveau mouvement : 1. « Il doit être ancré dans les communautés abandonnées et dans la classe ouvrière » ; 2. Ses conseillers et députés doivent servir de « porte-voix aux mouvements et aux syndicats de nos communautés » ; et 3. « Nous ne devons jamais nous retrouver dans une situation où un député de ce nouveau parti appellerait les forces armées à briser des grèves comme ils l'ont fait à Birmingham » (!).
Il s'agissait d’un allusion diplomatique de Lavalette au député Ayoub Khan, membre de l'Alliance indépendante de Corbyn, qui a appelé la vice-première ministre Angela Rayner à mobiliser l'armée pour aider à briser la grève des éboueurs de Birmingham.
Il existe un lien direct entre le refus du SWP d'énoncer clairement les mesures socialistes pour lesquelles un nouveau parti de gauche doit se battre et son entretien amical avec Varoufakis sur le «technoféodalisme». Son livre soutient que le capitalisme a été remplacé par un système de rente basé sur le cloud qui avait «démoli les deux piliers du capitalisme: les marchés et les profits». Ces derniers «ne menaient plus la danse». Les capitalistes traditionnels, qui emploient des salariés, étaient devenus les «vassaux» d'une nouvelle classe de seigneurs féodaux. «Quant à nous, nous sommes retournés à notre ancien statut de serfs.»
L'humanité avait été envahie par «une forme de féodalisme technologiquement avancée», qui « n'est certainement pas ce que nous espérions voir remplacer le capitalisme». Le prolétariat traditionnel, analysé par Marx, était remplacé par des «prolétaires du cloud» et des «serfs du cloud». Varoufakis écrit: «Nous n'avons plus le capital d'un côté et le travail de l'autre», la théorie marxiste du prolétariat créateur du socialisme était selon lui «un vœu pieux».
Les conclusions politiques sont clairement énoncées: «Pour avoir une chance de renverser le technoféodalisme et de réintégrer le démos dans la démocratie», une «grande coalition» était nécessaire, unissant les restes du prolétariat traditionnel, les prolétaires du cloud, les serfs du cloud et «au moins une partie des capitalistes vassaux».
En réponse au discours anticommuniste de Varoufakis, Callinicos a proposé une «discussion fructueuse» sur un «livre très intéressant». L'appel de Callinicos à l'orthodoxie, lors d'une présentation décousue de 15 minutes – contestant le remplacement du capitalisme par le féodalisme et citant la description du prolétariat par Marx comme classe universelle de l'émancipation humaine – fut conclu par ses derniers mots à Varoufakis : « Je pense que nous avons les mêmes ennemis. J'aimerais que nous puissions simplement nous mettre d'accord pour les traiter de salauds. »
Ce que le CIQI écrivait en 2015 s'applique pleinement à la Grande-Bretagne : « L'expérience Syriza souligne la nécessité d'une réorientation fondamentale des travailleurs, des jeunes et des intellectuels attachés au socialisme. Face à une crise économique mondiale sans précédent depuis les années 1930 et à un assaut féroce mené par toute la classe capitaliste, la classe ouvrière ne peut se défendre en élisant de nouveaux gouvernements capitalistes de «gauche».
« La seule voie vers l'avant, en Grèce et à l'échelle internationale, c'est une politique véritablement révolutionnaire qui mobilise la classe ouvrière dans la lutte. Cela exige un assaut direct contre la classe capitaliste, la confiscation de ses biens, la saisie des grandes banques et forces productives afin de les placer sous le contrôle démocratique des travailleurs, et la création d'États ouvriers à travers l'Europe et partout dans le monde. De telles luttes requièrent la construction de partis marxistes offrant une direction révolutionnaire à la classe ouvrière, dans une lutte sans merci contre les partis comme Syriza. »
(Article paru en anglais le 11 juillet 2025)