Le gouvernement ultraconservateur de la Coalition avenir Québec (CAQ) est engagé dans une promotion débridée de l’industrie militaire dans le cadre du vaste programme de réarmement lancé par la classe dirigeante canadienne.
Le 9 juin dernier, le Premier ministre canadien Mark Carney, ancien dirigeant de la Banque du Canada et de la Banque d’Angleterre, a annoncé une augmentation massive des dépenses militaires canadiennes qui vont atteindre 62,5 milliards de dollars dès l’année fiscale 2025-26, soit une hausse immédiate de 17% ou 9,3 milliards de dollars.
Carney a aussi pris l’engagement de suivre la forte hausse des dépenses militaires des pays membres de l’OTAN qui a été décidée lors de son sommet des 24 et 25 juin derniers. Il a confirmé une hausse additionnelle du budget de la défense, qui passera de 2% à 5% du PIB canadien d’ici à 2035. Ces dépenses représenteront alors environ 150 milliards par année en dollars d’aujourd’hui, soit plus du double de ce que le gouvernement fédéral transfère aux provinces pour les soins de santé.
L’augmentation fulgurante des dépenses militaires sera accompagnée d’un assaut frontal contre la classe ouvrière et des coupes sociales d’une intensité sans précédent.
En avril dernier, le Premier ministre du Québec, le multimillionnaire et ex-PDG François Legault, s’était rendu à la foire industrielle de Hanovre en Allemagne où il avait présenté le plan «ReArm Europe» d’une valeur de 800 milliards d’euros comme une occasion de rendre les exportations québécoises moins dépendantes du marché américain en réponse aux tarifs douaniers du président Donald Trump.
Avec l’augmentation immédiate des dépenses militaires canadiennes, Legault a redoublé d’ardeur. Dès le 9 juin, il a qualifié la promesse de Carney «d’opportunité exceptionnelle pour l’économie du Québec».
En l’espace de quelques jours, Legault a organisé une rencontre entre des entreprises aéronautiques et le major-général Jeff Smyth qui dirige la force aérienne et spatiale du Canada, visité plusieurs fournisseurs de matériel militaire et annoncé l’injection de millions de dollars de fonds publics dans le fabricant de jumelles de vision nocturne Thales Canada et dans l’entreprise Reaction Dynamics spécialisée dans la propulsion de fusées.
Les actions et les déclarations de Legault ont reçu un appui unanime de tout l’establishment politique, y compris du Parti québécois et de son parti frère au niveau fédéral, le Bloc québécois, qui parlent au non des sections souverainistes de la classe dirigeante. Le Bloc, qui a toujours été favorable à l’augmentation des dépenses militaires canadiennes, a qualifié les promesses du Premier ministre Carney de «très positives» tout en demandant que l’argent soit «bien dépensé», c’est-à-dire que la grande entreprise québécoise reçoive sa juste part de la cagnotte.
Le patronat et le milieu des affaires ont réagi avec extase aux initiatives de Legault en faveur de la militarisation de l’économie québécoise, une source potentielle de juteux profits pour le Québec inc.
Charles Émond, le PDG de la Caisse de dépôt et placement du Québec, un organisme public qui gère et investit les fonds du Régime des rentes du Québec, a annoncé qu’il était temps pour l’organisation de mettre de côté les considérations éthiques et d’investir dans le secteur de la défense. La référence à l’éthique est purement hypocrite, la CDPQ venant d’être épinglée dans le rapport de l’ONU, De l’économie d’occupation à l’économie de génocide, pour avoir investi 9,6 milliards dans des entreprises directement impliquées dans la guerre génocidaire d’Israël contre les Palestiniens de Gaza.
Après la débâcle de la «filière batterie», il ne fait aucun doute que la promotion de l’industrie militaire québécoise est une nouvelle façon de canaliser des milliards de dollars de fonds publics dans les coffres de la grande entreprise et des banques et dans les poches des riches actionnaires.
Dans les dernières années, le gouvernement de la CAQ a misé sa crédibilité économique et investi des dizaines de milliards de dollars dans une série d’entreprises de «l’économie verte» qui ont fait faillite ou nécessité un sauvetage public, comme Northvolt ou Lion Électrique. Selon les dernières analyses, les investissements du gouvernement Legault dans la «filière batterie» résulteront en pertes d’au moins 2 milliards de dollars pour le trésor public.
Mais l’appui enthousiaste au réarmement ne s’explique pas seulement par le désir d’en faire profiter financièrement la classe capitaliste du Québec. La promotion de l’industrie militaire est partie prenante de l’appui de la classe dirigeante québécoise aux préparatifs militaires du Canada et de toutes les puissances impérialistes dans le cadre d’une Troisième Guerre mondiale en gestation.
Depuis des décennies, la pseudo-gauche et les nationalistes québécois entretiennent l’illusion que le Québec est désintéressé des enjeux militaires, voire pacifique. S’il est vrai que les travailleurs et les jeunes au Québec sont très majoritairement opposés à la guerre, la classe dirigeante québécoise et ses serviteurs politiques ont, au contraire, une longue tradition d’appui à l’impérialisme canadien et à ses déprédations.
Sous le couvert hypocrite de défendre les «droits humains», la classe dirigeante québécoise a soutenu la participation du Canada aux guerres impérialistes américaines dans les Balkans, en Irak, en Afghanistan, en Libye et en Syrie. Plus récemment, elle a appuyé pleinement la guerre de l’OTAN contre la Russie, le génocide d’Israël à Gaza soutenu par Washington et Ottawa et les préparatifs de guerre contre la Chine. La classe politique québécoise a gardé un silence complice au sujet de l’attaque illégale lancée par Trump contre l’Iran le 22 juin dernier.
En visite en France pour le Salon aéronautique du Bourget, où les questions liées au réarmement ont pris toute la place, Legault a intimé aux travailleurs québécois de se soumettre à la frénésie guerrière de la classe dirigeante et d’accepter qu’il «faut investir massivement dans la défense», ajoutant qu’il y a «un an, cela n’aurait pas été bien vu, mais actuellement, tout le monde comprend ça, avec ce qui se passe en Ukraine».
Présent aux côtés de Legault, le délégué général du Québec à Paris, Henri-Paul Rousseau, a déclaré que le tournant vers l’industrie militaire n’était pas nécessaire «uniquement sur le plan économique, c’est aussi pour défendre nos valeurs, notre civilisation». Autrement dit, la classe dirigeante québécoise se positionne pour obtenir sa part du butin de l’agression impérialiste.
Les initiatives de soutien à l’industrie de l’armement vont coûter des milliards de dollars au gouvernement Legault en subventions, prêts non remboursables, déréglementation, allégements fiscaux et hydroélectricité vendue à un prix dérisoire.
Mais c’est la classe ouvrière qui va en faire les frais, sous la forme d’un assaut patronal encore plus intense sur les emplois, les salaires et les services publics. Déjà en juin, tout juste avant les vacances scolaires estivales, le gouvernement de la CAQ a annoncé des compressions massives de 570 millions dans le système public d’éducation.
Conscient que ses attaques frontales sur les conditions de vie des travailleurs vont susciter une vive opposition, la classe dirigeante québécoise met en place des mesures antidémocratiques pour imposer ses politiques de guerre et d’austérité capitaliste. Le gouvernement Legault a fait adopter en mai dernier le projet de loi 89 qui élimine pratiquement le droit de grève au Québec, tout en intensifiant sa virulente campagne contre les immigrants et les minorités religieuses sur la base du chauvinisme québécois.