Une nouvelle fosse commune découverte à Chemmani, dans le nord du Sri Lanka

L'équipe d'exhumation observe une fosse récemment ouverte à Chemmani [Photo: WSWS]

Rappel effrayant de cette guerre raciste anti-tamoule qui a duré des décennies, une nouvelle fosse commune a été découverte à Sittupatthu, dans la zone de Chemmani, en périphérie de la ville de Jaffna, au nord du Sri Lanka. Il s’agit de l’un des nombreux sites de fosses communes retrouvés par hasard dans différentes zones du Nord ces dernières années.

Ces fosses constituent une preuve supplémentaire des atrocités commises pendant la guerre communautaire brutale déclenchée par des gouvernements successifs de Colombo, qui ont déployé des centaines de milliers de soldats contre les séparatistes des Tigres de libération de l’Eelam tamoul (LTTE).

Pendant cette guerre de 26 ans, qui s’est terminée en mai 2009 par la défaite des LTTE, on estime que plus de 100 000 personnes – principalement des Tamouls ethniques du Nord et de l’Est – ont été tuées. Des milliers d’autres ont été victimes de disparitions forcées. L’ONU estime qu’environ 40 000 civils ont été tués durant les derniers mois de la guerre.

Ces deux provinces restent sous un contrôle militaire strict, et les cicatrices du conflit refont régulièrement surface.

Lors d'une fouille pour la construction d'un crématorium électrique sur le terrain de crémation hindou Sindhubathi de Chemmani, une nouvelle fosse commune contenant des fragments d'os humains avait été découverte le 20 février. Agissant sur directive du tribunal, une équipe d'archéologues dirigée par le professeur Raj Somadeva avait commencé les fouilles officielles le 15 mai.

Depuis, on y a trouvé environ 42 squelettes humains. Selon les médias, 37 restes squelettiques complets ont été exhumés et soigneusement conservés pour une analyse médico-légale.

L'un des squelettes retrouvés lors de l'exhumation de fosses communes à Chemmani [Photo: WSWS]

Le Sunday Times a rapporté que la semaine dernière, les travailleurs des fouilles ont également trouvé une robe, un sac, des pantoufles et un jouet. Auparavant, des vêtements avaient été découverts, de petits bracelets en verre et un cartable en tissu bleu, identifié comme une aide distribuée par une organisation humanitaire à des écoliers du nord et de l'est. Jusqu'à présent, selon des informations, trois restes squelettiques ont été classés comme ceux de bébés de moins de 10 mois.

L’article indique que les restes humains avaient été enterrés à seulement 1,6 pied (49 centimètres) sous la surface, un enterrement inhabituellement peu profond en contraste frappant avec la profondeur d'enterrement typique de six pieds (1,8 mètre)

Ces corps seront finalement analysés par des experts médicaux pour tenter de déterminer la cause du décès. Le professeur Somadeva examinera des artefacts tels que des emballages et des vêtements en cellophane datés pour estimer l'heure de l'enterrement. On a également noté que l'imagerie satellite et la photographie par drone avaient permis d'identifier un deuxième lieu de sépulture probable dans l’enceinte du cimetière.

Si l'on tient cependant compte de ce qui s'est passé précédemment lorsque des fosses communes ont été mises au jour dans le Nord et l'Est, il est probable qu'une enquête approfondie sera abandonnée et que la vérité sera enfouie.

C'est la deuxième fois qu'une fosse commune est découverte sur le même site de Chemmani. Il y a vingt-cinq ans, en 1999, une fosse contenant 15 restes squelettiques avait été découverte à la suite d’aveux du caporal Somaratna Rajapakse, qui avait servi dans le nord du Sri Lanka en 1995-1996.

Les révélations de Rajapakse intervenaient après qu'il eut été reconnu coupable et condamné à mort avec quatre autres membres de l'armée sri-lankaise, pour le viol et le meurtre de l'écolière tamoule Krishanthi Kumaraswamy et de membres de sa famille partis à la recherche de la jeune fille disparue.

Il avait donné un compte rendu glaçant de la façon dont l'armée avait capturé, torturé et exécuté sommairement des personnes arrêtées ou enlevées en tant que «suspects présumés des LTTE». L'incident avait été largement rapporté par le World Socialist Web Site à l'époque. Selon les informations recueillies au cours de la période 1995-1996, on avait fait disparaître plus de 600 personnes dans le Nord.

C'était à l'époque où le gouvernement de la présidente Chandrika Kumaratunga avait repris la guerre sanglante, en avril 1995, mettant fin à ses pourparlers de paix bidon avec le LTTE.

Lorsque cette fosse commune a été découverte en 1999, des proches de personnes disparues ont porté plainte devant les tribunaux de Jaffna. Selon le Centre pour les droits de l'homme et le développement, l'armée s'est plainte par la suite de ne pouvoir obtenir justice des tribunaux de Jaffna et a demandé que les procès soient transférés à Anuradhapura, la capitale de la province du Centre-Nord.

Cependant, après avoir assisté à plusieurs audiences, les personnes qui ont déposé les plaintes ont refusé de continuer à y assister, invoquant des harcèlements de la part de l'armée, ce qui a entraîné l’abandon des procès.

Un squelette, que l'on pense être celui d'un enfant, trouvé dans la fosse commune de Chemmani [Photo: WSWS]

Les fosses communes de Chemmani ne représentent qu’une fraction des crimes de guerre généralisés commis en toute impunité par l’armée, sous le patronage des gouvernements successifs de Colombo.

D'autres fosses communes ont été découvertes dans les provinces du Nord et de l'Est, notamment à Thiruketheeswaram, dans le district de Mannar, en 2013; dans l’enceinte de l'Établissement coopératif de vente en gros à Mannar en 2018; à Kokkuthoduvai, dans le district de Mullaitivu en 2021; et à Kalavanchikudy, dans le district de Batticaloa, en 2014.

Des fouilles ont été menées à ces endroits, mais aucune autre enquête n'a eu lieu par la suite.

La découverte de la dernière fosse commune a intensifié les inquiétudes quant au sort des disparus et suscité l'opposition de la population tamoule. Le 5 juin, l'Association des familles des disparitions forcées dans les provinces du Nord et de l'Est (initiales anglaises ARED) a publié une déclaration et organisé une manifestation près de la fosse commune de Chemmani.

Les manifestants ont soulevé cinq demandes principales, dont une enquête internationale conforme aux normes mondiales et impliquant l'ONU.

Depuis 2011, le groupe restreint du Conseil des droits de l'homme de l'ONU, dirigé par les États-Unis, le Royaume-Uni, le Canada et la France, a parrainé des résolutions sur les violations des droits humains commises pendant le conflit au Sri Lanka.

Mais loin de se préoccuper des crimes de guerre, les États-Unis en particulier ont exploité ces résolutions pour faire pression sur les gouvernements sri-lankais afin qu'ils prennent leurs distances avec Pékin et s'alignent sur les préparatifs militaires menés par Washington contre la Chine.

Sous Trump, les États-Unis se sont retirés du Conseil des droits de l'homme de l'ONU, l'accusant de partialité contre Israël. Le Royaume-Uni est désormais à la tête de ce que l'on appelle le groupe central.

Depuis 2017, l'ARED est active dans les manifestations et lance des appels à ces puissances internationales.

Le Front national populaire tamoul (TNPF), l'Ilankai Tamil Arasu Kachchi (ITAK) et divers autres groupes nationalistes tamouls et organisations de la diaspora sont responsables de la culture du mythe selon lequel ces puissances impérialistes s'intéressent à la justice.

Ceci est politiquement criminel. Ces mêmes puissances impérialistes sont toutes responsables de crimes de guerre et soutiennent actuellement pleinement le génocide d'Israël contre les Palestiniens.

Les partis tamouls font appel à cette «communauté internationale» non pas pour qu'elle s'occupe des droits de l'homme, mais pour qu'elle fasse pression sur Colombo afin qu'il concède de plus grands pouvoirs et privilèges aux élites tamoules du Nord et de l'Est.

Le gouvernement sri-lankais actuel est dirigé par le parti chauviniste cinghalais Janatha Vimukthi Peramuna (JVP), qui a soutenu la guerre communautaire contre les LTTE dès son lancement. Il reste fermement opposé à toute véritable enquête sur les crimes de guerre perpétrés par l'armée.

En octobre 2024, le gouvernement dirigé par le JVP a réaffirmé son opposition à toute enquête internationale sur les crimes de guerre en rejetant une résolution du Comité des droits de l’homme de l’ONU appelant à une telle enquête.

Le JVP a remporté le pouvoir pour la première fois l'année dernière en capitalisant sur l'opposition généralisée aux partis capitalistes traditionnels et ses promesses de protéger les droits démocratiques, y compris ceux de la population tamoule. Depuis, il a abandonné ses engagements, ainsi que ses autres promesses électorales vides.

Le peuple tamoul ne peut faire confiance ni aux puissances impérialistes ni aux politiciens capitalistes sri-lankais – cinghalais ou tamouls – pour défendre leurs droits démocratiques. Le seul parti politique qui s'est constamment opposé à la guerre raciste du gouvernement de Colombo et aux violations flagrantes des droits démocratiques depuis le début est le Parti de l'égalité socialiste (SEP - Socialist Equality Party).

Pendant des décennies, le SEP et son prédécesseur, la Ligue communiste révolutionnaire (LCR), ont seuls exigé le retrait inconditionnel de l'armée du Nord et de l'Est, et défendu les droits démocratiques des Tamouls dans le cadre de la lutte pour unir la classe ouvrière sur la base d'un programme socialiste et internationaliste.

Depuis plus d'une décennie, les travailleurs tamouls manifestent et mènent des campagnes pour réclamer justice et exiger la fin d’une discrimination persistante. Leur dure expérience est que ni les grandes puissances, ni les gouvernements de Colombo, ni les partis tamouls alignés sur l'impérialisme ne répondront à aucune de leurs demandes.

Le SEP s'est toujours battu pour unir les travailleurs tamouls, cinghalais et musulmans et pour rallier les pauvres des zones rurales dans la lutte pour une République socialiste du Sri Lanka et de l'Eelam dans le cadre d'une Fédération des républiques socialistes d’Asie du Sud. Cela reste la seule solution viable au conflit ethnique, et c'est le moyen politique afin de lutter pour les droits démocratiques et sociaux fondamentaux de la classe ouvrière et des masses opprimées dans leur ensemble.

(Article paru en anglais le 10 juillet 2025)

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