Dans un acte de censure politique, la Deutsche Bank résilie le compte de l'éditeur Mehring Verlag

L'édition russe de Défense de Léon Trotsky aux côtés d'autres livres de Mehring Verlag en exposition au Salon du livre de Moscou [Photo: WSWS]

Fin mai, la Postbank, désormais détenue à 100 % par la Deutsche Bank, a résilié le compte professionnel de Mehring Verlag, la maison d'édition en langue allemande du World Socialist Web Site et du Sozialistische Gleichheitspartei (Parti de l'égalité socialiste). En juin, elle a également fermé le compte personnel de son directeur général, Wolfgang Zimmermann. Ces fermetures ont été effectuées sans explication, mais constituent clairement un cas de censure politique.

Mehring Verlag est le principal éditeur des œuvres de Léon Trotsky en Allemagne. Il a publié et réédité à plusieurs reprises le chef-d'œuvre de Trotsky, Histoire de la révolution russe, son analyse du stalinisme, La Révolution trahie, ses écrits sans pareil sur la montée du nazisme en Allemagne, et de nombreuses autres œuvres du marxiste le plus important du XXe siècle, dans des éditions abordables et de grande qualité.

Mehring Verlag a également publié de nombreux ouvrages sur des questions contemporaines, examinant des questions politiques, théoriques et culturelles clés sur la base de la méthode marxiste.

Parmi ceux-ci figure A Quarter Century of War: The US Drive for Global Hegemony (Un quart de siècle de guerre : la course des États-Unis à l'hégémonie mondiale) de David North, rédacteur en chef du World Socialist Web Site (WSWS) et président du Parti de l'égalité socialiste aux États-Unis. Cet ouvrage analyse les guerres menées par les États-Unis de 1990 à 2020 et est essentiel pour comprendre l'explosion du militarisme américain sous la présidence de Trump. D'autres livres de North traitent du sionisme, de l'idéologie de l'école de Francfort et du postmodernisme, des conséquences de l'effondrement de l'Union soviétique, de la pertinence de Trotsky aujourd'hui et du danger grandissant de la guerre.

Le livre de Christoph Vandreier, Why Are They Back? publié en 2018, explore la résurgence du fascisme en Allemagne et reste d'actualité compte tenu de la montée en puissance de l'Alternative pour l'Allemagne (AfD), un parti d'extrême droite. Mehring Verlag a également publié DDR—40 Jahre Stalinismus (La RDA : 40 ans de stalinisme) de Wolfgang Weber, une critique marxiste des régimes d'Ulbricht et d'Honecker dans l'ancienne Allemagne de l'Est.

Ce n'est là qu'une petite partie du programme de l'éditeur, qui est entièrement répertorié sur le site web de Mehring Verlag.

La fermeture du compte professionnel, qui sera effective à compter du 28 juillet, vise clairement à saboter le travail de Mehring Verlag et à entraver la distribution de ses livres. Il n'existe aucune autre explication plausible. Mehring Verlag et son prédécesseur ont maintenu un compte auprès de la Postbank, désormais entièrement intégrée à la Deutsche Bank, pendant 45 ans sans aucun incident.

La fermeture du compte privé du directeur général, qui n'a aucun lien avec la maison d'édition, constitue du harcèlement personnel.

Depuis quelque temps, les banques allemandes ciblent les voix dissidentes en fermant leurs comptes. Si cette pratique visait initialement l'extrême droite, les fanatiques du complot et les groupes anti-vaccins, elle touche désormais de plus en plus les organisations de gauche, socialistes et pacifistes.

L'année dernière, la Deutsche Bank a également fermé le compte du Sozialistische Gleichheitspartei (SGP), qui travaille en étroite collaboration avec Mehring Verlag. La même année, la Berliner Sparkasse a fermé le compte de l'association Jewish Voice for a Just Peace in the Middle East et a exigé la liste complète de ses membres. Le MLPD maoïste, qui avait réussi à poursuivre la Commerzbank en justice en 2009 pour avoir fermé son compte, a perdu un procès similaire en 2022.

Les banques travaillent en étroite collaboration avec l'agence de renseignement intérieure (Verfassungsschutz), qui a été dirigée pendant des années par Hans-Georg Maaßen, une figure d'extrême droite. Les organisations dénoncées par cet organisme opaque et irresponsable comme étant « d'extrême gauche » – telles que le SGP, pour s'être opposées à l'austérité, à la guerre et au capitalisme – risquent de perdre la base financière nécessaire à leurs activités et à leur subsistance.

Les agences de sécurité influencent directement les banques. L'année dernière, s'adressant à l'émission Report Mainz, Thomas Seidel, ancien officier de la police criminelle fédérale, a exhorté les banques à consulter les rapports des services de renseignement comme « base » pour fermer des comptes bancaires.

L'attaque contre Mehring Verlag est indissociable du retour à la guerre et au militarisme et de l'atteinte aux droits sociaux et démocratiques. Ce qui se passe dans l'Amérique de Trump – la chasse aux migrants par la Gestapo de l’ICE, le déploiement de l'armée sur le territoire national, la politique étrangère de type gangster et le bombardement illégal de l'Iran – se développe également, sous différentes formes, dans tous les pays impérialistes, y compris en Allemagne.

Les centaines de milliards d'euros dépensés pour le réarmement, les coupes budgétaires associées dans les programmes sociaux et les inégalités croissantes sont incompatibles avec la démocratie. À mesure que les partis traditionnels perdent de leur influence, ils répriment plus agressivement toute opposition. Alors qu'eux-mêmes et leurs fondations sont généreusement financés par des dizaines de millions d’euros provenant des caisses de l'État, ils cherchent à étrangler financièrement les socialistes.

La Deutsche Bank, responsable de la fermeture du compte, était profondément complice des crimes nazis : elle a financé Auschwitz, soutenu la préparation de la guerre du Reich et les projets des SS, et tiré profit du commerce de l'or volé aux Juifs assassinés. Elle a également participé à l'« aryanisation » de la maison d'édition Ullstein, dont les livres – notamment le classique anti-guerre d'Erich Maria Remarque, À l'Ouest, rien de nouveau – ont été interdits et brûlés par les nazis.

Après la guerre, les Alliés ont prévu de démanteler la Deutsche Bank et de poursuivre ses dirigeants pour crimes de guerre. Mais le capital allemand a prévalu, et la banque a été rétablie en tant qu'institution financière nationale dirigée par des gestionnaires liés aux nazis.

L'attaque contre Mehring Verlag révèle ce que la classe dirigeante allemande craint le plus : la propagation d'idées qui menacent les fondements de son système capitaliste chancelant et corrompu, à savoir le programme du socialisme. Comme l'a dit le grand écrivain français Victor Hugo il y a 150 ans : « On peut résister à l'invasion d’armées, on ne peut résister à l'invasion d’une idée dont l'heure est venue. »

Nous appelons à une vaste campagne pour réagir à l'attaque de la Deutsche Bank, faire connaître les livres de Mehring Verlag et soutenir le développement de son programme d'édition.

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(Article paru en anglais le 24 juin 2025)

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