Le gouvernement libéral du Canada a ordonné à 55 000 postiers de voter sur les « meilleures et dernières » offres contractuelles de Postes Canada, intervenant une fois de plus pour soutenir la direction dans un conflit qui dure depuis 18 mois.
Les votes sur les offres distinctes faites aux unités des opérations postales urbaines et des facteurs ruraux et suburbains seront administrés par le Conseil canadien des relations industrielles (CCRI), un organisme non élu que le gouvernement a déployé à plusieurs reprises au cours des dix derniers mois pour criminaliser les grèves en utilisant une réinterprétation manifestement illégale de l'article 107 du Code canadien du travail.
C'est le CCRI qui, en décembre dernier, a légalement appliqué l'ordre du gouvernement libéral d'interdire et de briser la grève militante d'un mois des postiers. Bien que les membres de la base aient massivement exprimé leur volonté de résister, les bureaucrates à la tête du Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes (STTP) ont immédiatement capitulé, sans permettre aux travailleurs de s’exprimer.
Les « dernières » offres de la société d'État constituent une attaque frontale contre les emplois et les droits des postiers. Elles contiennent des attaques radicales contre les conditions de travail et les salaires dans le but de restructurer ou d'« Amazonifier » Postes Canada. Parmi les principales mesures de démantèlement figurent la création de nouvelles catégories de travailleurs à temps partiel afin de permettre la distribution sept jours sur sept et l'introduction d'un « acheminement dynamique » afin d'imposer une charge de travail beaucoup plus lourde aux postiers.
Daniel Berkley, membre éminent du Comité de base des travailleurs des postes (CBTP), a écrit au World Socialist Web Site pour protester contre la décision du gouvernement d'imposer un vote sur les « dernières » offres de la direction, remplies de reculs, ainsi que contre la proposition de capitulation du syndicat visant à ce que les conventions collectives des travailleurs postaux soient déterminées par un arbitrage exécutoire.
Le CBTP a été créé en juin 2024 afin de retirer la direction de la lutte contractuelle des mains de la bureaucratie du STTP et de la confier aux travailleurs de la base. Vous pouvez contacter le CBTP en remplissant le formulaire à la fin de cet article.
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Le Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes a renoncé à notre droit de grève l'année dernière, puis a participé pleinement à la Commission d'enquête sur les relations de travail (CERT) truquée du gouvernement libéral. Aujourd'hui, nous sommes engagés dans une grève « du zèle » totalement inutile, tandis que d'autres entreprises de messagerie, dont Purolator, propriété de Postes Canada, absorbent tout notre volume de colis.
Le syndicat a creusé notre tombe et il veut maintenant nous jeter dedans !
Qui a donné au STTP le droit de renoncer à notre droit de grève ? Renoncer à notre droit de mener des grèves – déjà extrêmement limité et systématiquement attaqué, que ce soit sous le gouvernement libéral ou conservateur à Ottawa – revient à renoncer au pouvoir social des travailleurs et à nous condamner à l'isolement.
Cela garantirait notre défaite dans la lutte actuelle et affaiblirait la classe ouvrière à travers le Canada, dans un contexte où le droit de grève est attaqué par l'État. Suivant les traces de la « réinterprétation » de l'article 107 par le gouvernement libéral fédéral Trudeau/Carney afin d'interdire les grèves à volonté, le gouvernement de la Coalition Avenir Québec vient d'adopter une loi anti-grève radicale.
Il est grand temps pour les travailleurs postaux de faire le point.
En octobre dernier, nous avons voté à plus de 95 % en faveur de la grève. En décembre, il y a eu un large soutien pour défier l'ordre illégal briseur de grève. Nous savions tous que la CERT était truquée dès la première audience en janvier, mais le syndicat l'a présenté comme un moyen de donner une « voix » aux travailleurs.
En mai, le STTP est revenu en rampant vers le gouvernement, le suppliant de mettre fin à notre conflit contractuel en imposant un arbitrage exécutoire. Cela aurait signifié qu'un médiateur/arbitre gouvernemental du même acabit que William Kaplan, celui qui a dirigé la CERT, dicterait nos conventions collectives.
En fin de compte, le gouvernement a choisi de nous forcer à voter sur les concessions exigées par Postes Canada.
Il est clair que nous devons voter massivement et catégoriquement « non » !
Mais cela ne suffira pas. Si nous rejetons les conditions de capitulation de l'entreprise, le gouvernement peut toujours se tourner vers l'arbitrage exécutoire et utiliser les conditions favorables aux entreprises élaborées par la CERT comme base pour la décision de l'arbitre. Tout comme la CERT, le processus d'arbitrage est totalement truqué. Un fonctionnaire nommé par le gouvernement déterminerait nos salaires et nos conditions de travail et nous n'aurions pas notre mot à dire, pas même le droit de voter « oui » ou « non ».
La seule façon pour nous d'empêcher cette issue est de transformer notre lutte en une contre-offensive plus large de tous les travailleurs contre les attaques patronales.
Le syndicat a l'intention de renoncer à notre droit de grève, permettant ainsi à Postes Canada et au gouvernement de poursuivre leurs plans visant à gérer la poste comme une entreprise à but lucratif en réduisant les services au public et en utilisant l'intelligence artificielle et d'autres nouvelles technologies pour tirer davantage de travail d'une main-d'œuvre considérablement réduite.
La présidente du STTP, Jan Simpson, le Conseil exécutif national et le reste de l'appareil du STTP font tout pour nous priver de notre pouvoir et nous isoler des autres travailleurs. Nous devons résister à cela en lançant un appel puissant à tous les travailleurs de la livraison et à tous les travailleurs de tous les secteurs, publics et privés.
Si nous renonçons à notre droit de grève et que les attaques prévues par Postes Canada sont imposées, cela servira de référence à l'élite dirigeante pour mettre en œuvre des attaques similaires à tous les niveaux. Ils veulent le faire pour financer la guerre à l'étranger et enrichir l'oligarchie ici.
Que ce soit par l'acceptation de l'offre de l'entreprise ou par l'arbitrage du gouvernement, l'imposition de nouvelles technologies d'IA puissantes contrôlées par les patrons sera utilisée pour précariser nos emplois en s'attaquant au soi-disant « temps perdu » et en utilisant l’« acheminement dynamique » pour ajuster nos itinéraires quotidiennement. Au Canada, cela créera un dangereux précédent pour d'autres catégories de travailleurs qui souffriront également d'un régime d'exploitation toujours plus intense, rendu possible par les technologies d'IA. Au sein du service postal américain, les PDT utilisent l'IA et les technologies de surveillance pour rédiger automatiquement des rapports disciplinaires. Au sein de la Royal Mail britannique, les travailleurs sont contraints de porter des moniteurs cardiaques, officiellement pour des raisons de sécurité, mais en réalité pour les pousser à leurs limites physiques. Ces attaques soulignent pourquoi notre lutte doit être élargie pour inclure toutes les catégories de la classe ouvrière canadienne et au-delà.
Elles montrent également clairement pourquoi, malgré tout ce que le syndicat a fait pour nous affaiblir matériellement, nous restons en position de force si nous élargissons la lutte et mobilisons le pouvoir social de la classe ouvrière.
Chaque travailleur a un intérêt dans notre lutte ! Les questions pour lesquelles nous nous battons – la défense des services publics et du droit de grève, la lutte contre les emplois précaires et mal rémunérés à la Amazon, et le contrôle des travailleurs sur l'utilisation de l'IA et d'autres technologies permettant d'économiser de la main-d'œuvre – sont d'une importance vitale pour tous les travailleurs.
Le Comité de base des travailleurs des postes (CBTP), qui dirige un réseau de comités de base basés dans chaque centre de tri et centre de distribution, offre le seul moyen pour nous de contrer le sabotage du STTP et de mobiliser le pouvoir des travailleurs pour défendre nos emplois et nos conditions de travail. Nous sommes liés à l'Alliance ouvrière internationale des comités de base (IWA-RFC), ce qui nous permet d'élargir notre lutte à tous les travailleurs du Canada et du monde entier.
J'invite vivement tous mes collègues de Postes Canada et de l'ensemble du secteur de la livraison à contacter le CBTP et à contribuer à renforcer notre lutte. Par-dessus tout, j'appelle tous les travailleurs à se joindre à nous dans notre combat pour la défense des services publics et des emplois bien rémunérés et sûrs pour tous, en rejetant l'insistance des entreprises et du gouvernement à sacrifier nos moyens de subsistance au profit des bénéfices privés capitalistes.
(Article paru en anglais le 22 juin 2025)