Les dockers de Marseille-Fos bloquent l’embarquement d’armes à destination d’Israël

Le 4 juin, des dockers du port de Marseille-Fos ont refusé de charger sur un navire à destination d’Israël un conteneur contenant des pièces détachées servant à fabriquer des fusils-mitrailleurs ainsi que des tubes à canon. Cette initiative des dockers marseillais souligne la volonté de la classe ouvrière de passer à l’offensive contre le génocide à Gaza et les gouvernements impérialistes complices de ce crime.

Cette action des travailleurs du port méditerranéen est l’expression d’une large opposition internationale de la classe ouvrière au génocide à Gaza, qui cherche à entrer en lutte. L’action de ces dockers a trouvé un fort écho parmi d’autres sections de travailleurs à l’international.

Dans un communiqué, la CGT des ports de Marseille-Fos indique ne pas vouloir « participer au génocide en cours orchestré par le gouvernement israélien. C'est avec écœurement que nous avons découvert deux autres conteneurs qui devaient embarquer sur le Contship Era. Il s'agit, d'après nos informations, de tubes de canons fabriqués par la société Aubert et Duval à Firminy (Loire). Le port de Fos (...) ne doit pas servir à expédier des munitions ou des armes pour n'importe quelle guerre que ce soit. Les travailleurs du port de Fos ne veulent pas être complices de massacres, de pertes de vies humaines. »

D'autres fédérations CGT, notamment celle des douanes, ont apporté leur soutien à l'action des dockers de Fos-sur-Mer. « Des douaniers ne veulent pas être complices de ce génocide », écrivent-ils dans un communiqué vendredi, ajoutant: « la douane peut mettre en place une interdiction d'exportation d’armes et de pièces d'armement, alors faisons-le ! »

Des dockers génois qui, en solidarité également, devaient bloquer l'activité du port italien ce vendredi après-midi, ont reporté leur action à samedi matin, le temps de vérifier que « les accords conclus avec les dockers de Marseille étaient respectés », notent-ils sur leur page Facebook. Le navire en question a suscité d'autres protestations dans les ports italiens de Salerne et de Scilla.

Ce n'est pas la première fois qu'un tel mouvement syndical touche les ports européens, depuis le début de la guerre le 7 octobre 2023. Seulement un mois plus tard, à Barcelone, les dockers espagnols refusaient de charger les bateaux contenant des armes à destination d’Israël.

C’est le site d’enquête Disclose qui a révélé qu’un cargo israélien allait faire escale le jeudi 5 juin à Fos-sur-Mer et embarquer 19 palettes contenant 14 tonnes de pièces pour cartouches de fusils mitrailleurs. Ce cargo devait se rendre ensuite dans le port de Gênes et ensuite à Salerne avant de mettre le cap sur Haïfa.

Comme le révèle Disclose : « Ces pièces détachées, appelées maillons, sont fabriquées à Marseille par la société française Eurolinks. Utilisées pour relier entre elles des balles d’armes automatiques, elles ont été commandées par Israel Military Industries (IMI), une filiale d’Elbit Systems, l’un des principaux industriels de l’armement israélien. L’entreprise, qui se présente comme « le fournisseur exclusif des forces israéliennes de défense », approvisionne Tsahal en balles de petit et gros calibre. ». Disclose nous apprend qu’avec l’autorisation du gouvernement français Eurolinks a exporté en octobre 2023, 100 00 maillons depuis son usine marseillaise.

En plus des pièces détachées pour fusils-mitrailleurs, le cargo devait embarquer des pièces détachées produites par la société Aubert et Duval dont les actionnaires sont Airbus et Safran, servant à équiper des canons. D’après le site d’enquête Disclose, c’est la troisième expédition entre Fos-sur-Mer et Haïfa depuis le début de 2025.

Le ministre des armées, Sébastien Lecornu a assuré en conférence de presse que ces livraisons étaient destinées à la « réexportation » vers des clients d’Israël. Comme le rappelle le site Disclose : « Une affirmation identique à celle formulée à l’époque par [le PDG d’Eurolinks] Jean-Luc Bonelli auprès de Disclose : ‘‘Les licences qui nous sont octroyées par les autorités [françaises], contraignent IMI à n’utiliser nos maillons que pour les cartouches destinées à leurs clients étrangers.’’ Mais, de l’aveu même du fabricant, aucun contrôle n’a été réalisé par les services de l’ambassade de France à Tel-Aviv pour vérifier l’identité du destinataire final. ».

Le gouvernement Macron ne peut pas prétendre ne pas savoir que ces armes sont utilisées par l’armée israélienne.La mitrailleuse pour laquelle ces pièces seraient compatibles est employée à Gaza et a été utilisée par l’armée israélienne dans le « massacre de la farine » le 29 février 2024, où plus d’une centaine de civils palestiniens ont été tués à proximité d’un convoi humanitaire. Le PDG d’Eurolinks Bonelli n’avait pas souhaité faire de commentaire.

Le gouvernement français est embarrassé par ce blocage du matériel militaire, lui qui a ratifié les ordonnances de la CIJ (Cour Internationale de Justice), en l’occurrence la résolution 55/L.30 du Conseil des Droits Humains disant que «le peuple palestinien court un grave risque de génocide» et ordonne à Israël et aux États signataires de tout mettre en œuvre pour le prévenir. Lecornu prétend que ces armes vont vers Israël provisoirement pour couvrir sa responsabilité dans le génocide de Gaza et ne pas s’exposer à la colère des travailleurs.

Le député LFI des Bouches-du-Rhône Manuel Bompard a écrit sur le réseau X : « Gloire aux dockers du port de Marseille-Fos », « partout dans le monde, la lutte s'organise contre le génocide à Gaza ! ». Le leader du parti, Jean-Luc Mélenchon, a posté un message similaire, réclamant au passage un « embargo maintenant sur les armes du génocide ».

L’initiative des dockers de Marseille-Fos doit être l’étape initiale d’un mouvement généralisé de la classe ouvrière contre le génocide mais pas seulement. Les gouvernements impérialistes d’Europe et d’Amérique sont complices des crimes commis à Gaza dans le cadre de leurs guerres pour un « nouveau Moyen-Orient » sous leur domination directe.

En dépit des salutations des dockers de la part de la bureaucratie syndicale et de la pseudo gauche, ces organisations bloquent la généralisation d’un tel mouvement. Depuis le début du génocide la CGT n’a pas cherché à mobiliser les travailleurs contre le génocide à Gaza malgré l’opposition des travailleurs. La bureaucratie syndicale a du réagir à l’enquête de Disclose car la colère s’étend parmi les dockers de Marseille-Fos face au génocide.

Dans le cadre du ‘‘dialogue social’’, la bureaucratie syndicale négocie l’imposition aux travailleurs de la politique du gouvernement Macron qui dégage des dizaines de milliards pour l’économie de guerre à travers des mesures drastiques d’austérité. En 2023 alors que deux-tiers des français voulaient faire chuter Macron et vaincre son attaque des retraites, les appareils syndicaux se sont mis à discuter avec Macron lui laissant le soin de mettre fin aux grèves par la répression policière.

Malgré ses dénonciations du génocide, LFI s’est allié, dans le cadre de la Nupes [Nouvelle Union populaire écologique et sociale], au Parti Socialiste de Hollande qui défend bec et ongles le régime de Netanyahou contre les Palestiniens. La pseudo-gauche ne compte pas mobiliser les travailleurs mais subordonner leur opposition au génocide à la bureaucratie syndicale.

Le blocage d’armes par les dockers de Marseille-Fos doit être le début d’une lutte politique internationale contre le génocide et les puissances impérialistes. Pour cela les travailleurs doivent rompre avec la bureaucratie syndicale et former leurs propres organisations en rejoignant l’Alliance Internationale ouvrière des comités d’actions et construire le Parti de l’égalité socialiste en France, la section du CIQI.

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