Le gouvernement libéral forcera les travailleurs de Postes Canada à voter sur la « meilleure et dernière » offre de la direction

La ministre fédérale libérale de l'Emploi et de la Famille, Patty Hajdu, a ordonné jeudi aux postiers de voter sur la « meilleure et dernière » offre contractuelle de Postes Canada.

Le vote sera organisé par le Conseil canadien des relations industrielles pro-patronal, le même mécanisme que le gouvernement a utilisé en décembre dernier pour déclarer illégale une grève postale d'un mois.

Si le gouvernement libéral peut intervenir une fois de plus de manière aussi effrontée du côté de l'employeur, et avec la certitude qu'il n'y aura pas de réponse efficace de la part des travailleurs, c'est avant tout en raison du sabotage de la lutte des postiers par la direction du Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes (STTP). Travaillant en étroite collaboration avec le Congrès du travail du Canada, la bureaucratie du STTP a réussi à démobiliser et à isoler les 55 000 travailleurs de Postes Canada à chaque étape de leur lutte contractuelle qui a duré 18 mois.

Le 30 mai, la société d'État a d'abord exhorté Hajdu à ordonner un vote sur ses propositions contractuelles pour les travailleurs des opérations postales urbaines (UPO) et les facteurs ruraux et suburbains (RSMC) en utilisant les pouvoirs draconiens qui lui sont conférés par l'article 108.1 du Code canadien du travail.

Le syndicat a répondu en plaidant pour un arbitrage exécutoire, proposant de renoncer au droit de grève des travailleurs et même au droit de voter sur leurs conditions d'emploi, si le gouvernement s'abstenait d'imposer un vote forcé sur les concessions radicales exigées par Postes Canada.

Celles-ci ouvriraient la voie à une restructuration massive des activités de Postes Canada au détriment des travailleurs, par la destruction massive d'emplois postaux à temps plein et l'utilisation de l'IA et d'autres nouvelles technologies pour augmenter considérablement la charge de travail.

Les offres de Postes Canada comprennent une « augmentation » salariale dérisoire de 13 % sur quatre ans, qui est bien inférieure à l'inflation et ne permet pas aux travailleurs de rattraper leur retard après des années de reculs. De nouvelles catégories d'emplois temporaires et à temps partiel seraient créées pour étendre la distribution à sept jours par semaine, tandis que l’acheminement dynamique serait mis en place dans tout le pays. L’acheminement dynamique signifie que les itinéraires des facteurs seraient soumis à des changements quotidiens afin d'assurer une charge de travail maximale.

Les postiers ont voté à plus de 95 % en faveur d'une grève l'automne dernier et ont fait preuve d'un grand militantisme pendant leur grève de 32 jours. Beaucoup étaient prêts à défier l'ordre briseur de grève du gouvernement.

Mais la direction du STTP a tout fait pour affaiblir et démoraliser les postiers. Ne voyant aucun moyen de gagner leur lutte, une partie importante d'entre eux pourrait voter « oui » aux offres contractuelles de Postes Canada. Quel que soit le résultat exact du vote, Postes Canada et le gouvernement comptent sur ce vote forcé pour diviser et frustrer davantage les travailleurs.

Des postiers en grève devant le centre de traitement Albert Jackson, dans l'est de Toronto, lors de la grève de l'automne dernier [Photo: WSWS]

Le principe de base des concessions radicales exigées par Postes Canada est que la poste doit fonctionner comme une entreprise capitaliste à but lucratif. Cet objectif est soutenu par la direction du STTP.

La direction du SCFP, le CTC et la bureaucratie syndicale dans son ensemble s'opposent farouchement à ce que la lutte des travailleurs postaux devienne le fer de lance d'une contre-offensive de la classe ouvrière pour défendre les services publics et le droit de grève et contre l'austérité capitaliste et la guerre.

Dans un article publié le mois dernier, le World Socialist Web Site a brièvement passé en revue la manière dont la direction du syndicat a systématiquement saboté la lutte des travailleurs postaux. Les actions de la direction du syndicat comprennent :

  • Retarder le début de la grève de l'année dernière de deux semaines en novembre pour « poursuivre les négociations à la table », en dépit d'un vote écrasant de plus de 95 % de la base en faveur de la grève.
  • L'isolement des travailleurs sur les lignes de piquetage pendant près d'un mois et l'opposition à tout élargissement du mouvement aux travailleurs de Purolator, propriété de Postes Canada, et d'autres entreprises de logistique.
  • Ne pas avoir alerté les travailleurs sur l'inévitabilité de l'intervention gouvernementale et ne pas avoir expliqué ce que la direction du syndicat proposait de faire pour s'y opposer ; puis avoir appliqué l'ordre illégal de retour au travail lorsque le gouvernement libéral l'a finalement émis en décembre, malgré les appels généralisés de la base pour qu'il soit défié.
  • La promotion de la Commission d'enquête sur les relations de travail (CERT) du gouvernement comme un forum ouvert où les travailleurs pourraient faire entendre leur voix, alors qu'en réalité il s'agissait dès le départ d'un piège qui visait à museler l'action collective des travailleurs et qui était dominé par des représentants de confiance des grandes entreprises. Comme prévu, la CERT, dirigée par l'arbitre fédéral de longue date Robert Kaplan, a servi d'instrument pour élaborer le plan de bataille des patrons contre les travailleurs postaux.
  • Une rencontre avec le ministre du Travail de l'époque, Stephen MacKinnon, celui-là même qui a criminalisé la grève des postiers, pour élaborer les mesures de guerre commerciale d'« Équipe Canada », que le STTP a présentées, comme l’ont fait tous les autres syndicats, comme étant destinées à protéger les travailleurs canadiens.
  • Avoir prétendu que les postiers avaient l'occasion, lors de la campagne électorale fédérale, de faire avancer leur lutte en votant pour les néo-démocrates, le même parti qui a assuré une majorité parlementaire aux libéraux briseurs de grève pendant plus de cinq ans. Lors de la réunion de jeudi soir, Simpson a eu l'audace d'affirmer que l'élection de l'ancien banquier central et dirigeant libéral Mark Carney au poste de premier ministre était le « deuxième meilleur » résultat que les postiers auraient pu espérer.

Cherchant à couvrir ses traces, le STTP a publié une déclaration dénonçant l'ordre de Hajdu obligeant les travailleurs à voter sur la « meilleure et dernière offre » de Postes Canada. La présidente nationale Jan Simpson a appelé les travailleurs postaux à « rester unis et à voter non ». Elle a ajouté : « Nous ne resterons pas les bras croisés pendant que le gouvernement et Postes Canada s'allient pour tenter de saper nos droits durement acquis, saccagent nos conventions collectives et les réécrivent à leur guise. Les travailleurs postaux savent se défendre. Nous l'avons déjà fait et nous sommes prêts à le refaire. »

Le fait est que les travailleurs n'ont aucun moyen de riposter s'ils « restent unis » avec la direction du STTP. Lorsque les travailleurs des postes ont retrouvé leur droit de grève le mois dernier, après l'expiration de l'interdiction de grève de six mois imposée par le gouvernement, le STTP a bloqué une grève nationale en faveur d'une interdiction des heures supplémentaires sans effet, qui n'a pratiquement aucun impact sur les activités de Postes Canada en raison du détournement du courrier vers d'autres services de livraison.

Il est nécessaire de voter « non », mais cette mesure seule est insuffisante. Si les travailleurs rejettent l'accord, le gouvernement aura toujours la possibilité d'imposer un arbitrage exécutoire. Et s'il le fait, il demandera invariablement à l'arbitre de se baser sur le rapport anti-travailleurs de la CERT pour dicter les contrats.

Le syndicat a déjà légitimé une telle action, d'abord en soutenant le processus truqué et ouvertement anti-travailleurs de la CERT, puis en demandant que les conventions collectives des travailleurs soient dictées par un arbitre.

Un vote « non » des travailleurs doit s'accompagner d'une stratégie entièrement nouvelle. Les travailleurs doivent élargir la lutte des postiers à une contre-offensive sociale et politique de l'ensemble de la classe ouvrière pour défendre le droit de grève et des emplois bien rémunérés et sûrs. Les questions pour lesquelles les postiers se battent, notamment la manière dont l'IA et les nouvelles technologies sont déployées, concernent tous les travailleurs, qu'ils travaillent dans l'automobile, le secteur public, le secteur de l'énergie, les soins de santé ou ailleurs.

C'est précisément pour cette raison que toutes les entreprises canadiennes et leur gouvernement, dirigé par l'ancien banquier central Mark Carney, soutiennent fermement Postes Canada. Ils veulent infliger une défaite exemplaire aux postiers afin de marquer le début d'une intensification de l'offensive contre les droits et les conditions de travail de tous les travailleurs, et du démantèlement des services publics, afin de financer un renforcement massif de l'armée et l'enrichissement accru d'une oligarchie déjà fabuleusement riche.

Pour défendre leurs intérêts contre ce programme de guerre de classe, les postiers doivent créer des comités de base dans chaque centre de distribution et centre de tri à travers le pays. Ces comités donneront aux travailleurs sur le terrain les moyens de prendre la direction de la lutte contractuelle et de faire valoir leurs revendications en fonction de leurs besoins, et non de ce que l'entreprise estime être abordable pour rester « rentable ». Ils pourront également servir de base pour étendre la lutte à d'autres secteurs de travailleurs, en premier lieu les livreurs de Purolator, Amazon et d'autres entreprises privées, ainsi qu'aux travailleurs de tous les secteurs économiques dans une lutte commune pour la prise du pouvoir par les travailleurs et le socialisme.

Cette perspective de lutte est la seule réaliste dans les conditions actuelles. Alors que la guerre menée par la classe dirigeante contre la classe ouvrière s'intensifie – comme en témoignent l'annonce par le gouvernement libéral d'une augmentation immédiate de 17 % des dépenses militaires et ses efforts continus pour conclure un accord économique et sécuritaire avec le fasciste dictateur en puissance Trump –, la classe ouvrière est la seule force sociale capable de défendre les droits sociaux et démocratiques. Les travailleurs postaux doivent se placer à la tête de cette lutte.

(Article paru en anglais le 15 juin 2025)

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