Les travailleurs doivent élargir la grève qui touche un secteur de la construction au Québec

Quelque 60.000 travailleurs du secteur résidentiel de la construction au Québec, dont les conventions collectives sont échues le 30 avril, sont en grève depuis mercredi dernier.

Leurs revendications légitimes couvrent les mêmes enjeux auxquels sont confrontés l’ensemble des travailleurs au pays. Ils réclament des hausses salariales substantielles pour combler la hausse du coût de la vie et des conditions de travail décentes.

La partie patronale, représentée par l’Association des professionnels de la construction et de l’habitation du Québec (APCHQ), adopte une ligne dure qui s’inscrit dans l’assaut généralisé de la grande entreprise sur les salaires, les emplois et les services publics.

L’Alliance syndicale de la construction, de son côté, a déjà accepté des hausses salariales insuffisantes de 22% sur quatre ans dans les trois autres secteurs de la construction (industriel, civil et commercial) qui regroupent 140.000 travailleurs au Québec. L’Alliance demande la même hausse pour le résidentiel lourd (cinq étages et six étages) et à peine plus (24,35%) pour le résidentiel léger (quatre étages et moins) où les salaires sont moindres.

Sans surprise, l’APCHQ maintient son offre dérisoire de 18% sur quatre ans pour tout le secteur résidentiel. La partie patronale exige également, selon les syndicats, «des reculs considérables» dans les conditions de travail, notamment en ce qui a trait au droit de rappel dans un contexte où la sécurité d’emploi n’existe pas dans l’industrie de la construction.

Pas la moindre mesure n’est envisagée, par ailleurs, pour améliorer la santé et la sécurité sur les chantiers, où la liste d’accidents de travail graves ou mortels continue de s’allonger.

Des travailleurs de la construction du Québec manifestent à Montréal durant leur grève de 2017

Les syndicats ont lancé une grève dans le secteur résidentiel afin de dissiper la colère des membres de la base restés sans convention collective et faisant face aux nombreuses demandes patronales de concessions.

Présentant les ententes au rabais imposées à une majorité des travailleurs de la construction comme un modèle à suivre, le porte-parole de l’Alliance syndicale Alexandre Ricard a déclaré: «obtenir une telle entente dans le secteur résidentiel aurait favorisé le maintien de la paix industrielle et aurait permis d’éviter la grève».

Cet aveu direct d’un haut bureaucrate syndical jette une lumière crue sur le rôle joué par les syndicats depuis des décennies pour étouffer l’opposition des travailleurs aux attaques patronales et torpiller le moindre mouvement de résistance à ces attaques – au nom de «la paix industrielle».

Cette politique de trahison des intérêts les plus élémentaires des membres de la base suscite aujourd’hui de plus en plus d’opposition.

L’annonce des ententes de principe et des résultats des votes dans les secteurs industriel, civil et commercial avait laissé place à une explosion de colère de la part des travailleurs sur les réseaux sociaux.

Plusieurs avaient saisi l’occasion pour dénoncer une nouvelle attaque sur leurs conditions de vie et signaler la nécessité de relancer la lutte. En plus des nombreux appels à la grève, plusieurs travailleurs avaient dénoncé les ententes comme étant insuffisantes pour compenser l’augmentation du coût de la vie, notamment au niveau des loyers.

Plusieurs avaient également signalé des irrégularités dans le processus de vote, notamment l’incapacité d’avoir accès aux procédures et aux hyperliens pour exercer leur droit de vote.

Tous les travailleurs de la construction doivent se joindre activement à leurs confrères du secteur résidentiel maintenant en grève pour en faire le coup d’envoi d’une contre-offensive de toute la classe ouvrière, pas seulement dans la province, mais au Canada et en Amérique du Nord.

Il ne s’agit pas d’un simple conflit autour d’une convention collective: l’enjeu est plus large et doit être compris comme une lutte politique contre l’austérité capitaliste et les lois anti-grève de l’élite dirigeante.

Cela ne pourra se faire que si les travailleurs de la base prennent le contrôle de la lutte entre leurs propres mains en brisant la camisole de force des appareils syndicaux dédiés à supprimer la lutte de classe.

Alors que les attaques sur les conditions de vie et les droits démocratiques se sont intensifiées ces dernières années, les travailleurs du Canada ont assisté dans le même temps à une attaque frontale renouvelée contre le droit de grève.

Les travailleurs de la construction du Québec ont subi des lois spéciales de retour au travail à plus d’une reprise, le plus récemment en 2017. À l’échelle du Canada, de nombreux groupes de travailleurs ont également été visés par des lois anti-grève, notamment les débardeurs, les cheminots et les travailleurs des postes.

Le gouvernement ultra-droitier de la Coalition Avenir Québec (CAQ), dirigé par l’ex-PDG millionnaire François Legault, vient d’adopter le projet de loi 89 qui abolit à toutes fins pratiques le droit de grève dans la province, ce qui représente une attaque majeure contre la classe ouvrière, non seulement au Québec, mais à travers le Canada.

Le ministre québécois du Travail, Jean Boulet, a déclaré sur un ton menaçant que son gouvernement «ne sera pas patient» envers les grévistes de la construction. Questionné sur le recours éventuel à une loi spéciale pour briser la grève, il a sèchement répondu: «On n’exclut rien».

Après les décennies de trahisons et d’ententes au rabais imposées par la bureaucratie syndicale, les travailleurs de la construction doivent en tirer les leçons. Ils doivent rejeter les tentatives de division des syndicats, tant au sein de la construction qu’avec les autres secteurs d’activité, et se tourner vers la classe ouvrière de manière transversale et indépendante.

Mais pour cela, il faut de nouvelles organisations de lutte, des comités de base, réellement démocratiques et sous le contrôle des travailleurs. Seuls de tels comités peuvent mobiliser toute la force sociale de la classe ouvrière pour garantir à tous des emplois, des salaires et des services publics de qualité, ainsi que la défense des droits démocratiques essentiels, dont le droit de grève.

Les travailleurs de la construction intéressés à former de tels comités de lutte devraient contacter le World Socialist Web Site dès aujourd’hui.

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