À Gaza, le dernier massacre commis par Israël près d’un centre de distribution d’aide fait trois morts et des dizaines de blessés

Des Palestiniens inspectent les décombres de la mosquée Al-Ansar après une frappe israélienne à Deir al-Balah, dans la bande de Gaza, lundi 2 juin 2025 [AP Photo/Abdel Kareem Hana]

Israël a poursuivi lundi ses massacres quotidiens de demandeurs d'aide dans ses centres officiels de distribution d'aide, tuant trois personnes et en blessant des dizaines.

Le massacre de lundi fait suite au meurtre de plus de 31 personnes et aux plus de 170 blessés survenus lors d'un massacre similaire perpétré dimanche dans un centre de distribution d'aide situé au même endroit.

Amr Abu Teiba, un témoin du massacre de dimanche, a déclaré à Politico: «Il y avait des tirs venant de toutes les directions, de navires de guerre, de chars et de drones.»

Un témoin a déclaré au Monde: «Ils ont ouvert le feu de tous les côtés: à gauche, à droite, à côté de nous, devant, derrière, on ne pouvait même pas dire où étaient les soldats», ajoutant que les ambulances étaient également visées.

Dans un communiqué sur la fusillade de dimanche, la Croix-Rouge a indiqué que «tous les patients ont déclaré qu'ils essayaient de se rendre à un site de distribution d'aide. Il s'agit du plus grand nombre de blessés par arme dans un seul incident depuis la création de l'hôpital de campagne il y a plus d'un an ».

Depuis l'ouverture la semaine dernière de centres d'aide gérés par la Fondation humanitaire pour Gaza (GHF), opérée par les États-Unis et Israël, des massacres de demandeurs d'aide par l'armée israélienne ont eu lieu presque tous les jours. Après chacun de ces meurtres, l'armée israélienne a admis avoir tiré ce qu'elle a appelé des «coups de semonce».

Dans un communiqué publié lundi, le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, a exigé une enquête sur ces meurtres.

«Je suis consterné par les informations faisant état de Palestiniens tués et blessés alors qu'ils cherchaient de l'aide à Gaza hier», a déclaré Guterres. «Il est inacceptable que des Palestiniens risquent leur vie pour obtenir de la nourriture. Je demande qu'une enquête soit menée immédiatement et de manière indépendante sur ces événements et que les responsables présumés soient amenés à rendre des comptes. »

Il a ajouté: «Israël a des obligations claires, en vertu du droit international humanitaire, d'accepter et de faciliter l'aide humanitaire. L'entrée sans entrave de l'aide à grande échelle pour répondre aux énormes besoins à Gaza doit être rétablie immédiatement. »

Les massacres quotidiens de demandeurs d'aide confirment les avertissements des Nations Unies et d'autres organisations humanitaires selon lesquels les centres de distribution d'aide gérés par le GHF ne sont rien de plus que la composante logistique de l'effort d'Israël pour rassembler les Palestiniens de Gaza dans des camps de concentration en préparation de leur expulsion forcée du territoire.

Cela fait près de trois mois qu'Israël a annoncé le blocus total de la nourriture, du carburant et de l'électricité à Gaza. Le 19 mai, le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou a annoncé qu'il autoriserait les livraisons d'aide «minimales» à Gaza pour les centres d'aide du GHF, qui n'ont eu aucun impact significatif sur la réduction de la faim de masse.

L'ONU et d'autres organisations d'aide humanitaire ont refusé toute coopération avec ce stratagème.

Vendredi, Jens Laerke, porte-parole du bureau humanitaire de l'ONU, a déclaré aux journalistes lors d'un briefing que « cent pour cent de la population est menacée de famine », ajoutant que l'enclave assiégée était « l'endroit le plus affamé de la terre ».

Un rapport publié le mois dernier par le Cadre intégré de classification de la sécurité alimentaire, soutenu par l'ONU, estime qu’il est attendu que près de 71 000 enfants de moins de cinq ans souffriront de «malnutrition aiguë » au cours des 11 prochains mois.

Le rapport indique que «l'ensemble de la population est confrontée à des niveaux élevés d'insécurité alimentaire aiguë, un demi-million de personnes – une sur cinq – risquant de mourir de faim.»

Les attaques contre les demandeurs d'aide ont été accompagnées d'assauts lancés dans toute la bande de Gaza lundi. L’attaque d’un immeuble d’habitation dans le nord de la bande de Gaza a tué 14 personnes.

Lundi, quatre personnes ont été tuées dans une frappe aérienne sur une école servant d'abri à Deir al-Balah, dans le centre de Gaza. Le Guardian a publié lundi un article citant des sources selon lesquelles ce bombardement faisait partie d'un changement de politique délibéré visant à cibler plus facilement les écoles utilisées comme abris.

Le Guardian écrit que «cela faisait suite à un relâchement des contrôles sur les actions visant les membres du Hamas sur des sites où un grand nombre de civils étaient présents, selon des sources familières avec cette stratégie».

Quatre-vingt-quinze pour cent des écoles de Gaza ont été endommagées lors de l'assaut israélien sur Gaza, et plus de 400 écoles ont fait l’objet d’une «frappe directe», selon les chiffres de l'ONU.

Le génocide israélien à Gaza a tué plus de 54 000 personnes depuis le 7 octobre 2023.

Une analyse approfondie publiée par le Financial Times (FT) a révélé que les centaines d'ordres de déplacement émis par l'armée israélienne ont interdit aux Palestiniens quatre cinquièmes de Gaza. L’article note que Gaza était déjà l'un des territoires les plus densément peuplés du monde avant même le début du génocide.

«Mais Israël n’en a pas fini. Le gouvernement du Premier ministre Benjamin Netanyahou a laissé entendre qu’il souhaitait regrouper toute la population dans un petit coin du sud de Gaza, le long de la frontière avec l’Égypte, tandis que le reste de l’enclave serait interdit d’accès», note le Financial Times.

«Même selon les calculs les plus généreux, chacun des civils de Gaza épuisés par la guerre aura moins d’espace physique qu’une petite pièce pour survivre. Si l’on soustrait les zones inutilisables – prises par les décombres, marécages, routes et décharges – l’espace restant pour chaque Palestinien pourrait être encore moindre. Selon les moins bons calculs, il pourrait bien n’être guère plus grand qu’un canapé de salon», ajoute le journal.

C’est la le sens de cette déclaration faite le mois dernier par le ministre israélien des Finances, Bezalel Smotrich: «D’ici quelques mois… Gaza sera détruite… Les citoyens de Gaza seront regroupés dans le sud», ajoutant qu’«en comprenant qu’il n’y a plus d’espoir et plus rien à attendre à Gaza», les Palestiniens accepteraient leur déplacement hors de Gaza, «ils seront totalement désespérés.»

(Article paru en anglais le 3 juin 2025)

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