Postes Canada rejette l’offre du syndicat d’un arbitrage exécutoire visant à mettre fin à la lutte contractuelle

Pour vous impliquer dans le Comité de base des travailleurs des postes, qui lutte pour que les postiers prennent la direction de leur lutte en la retirant des mains de l'appareil pro-patronal du STTP, remplissez le formulaire à la fin de cet article ou envoyez un courriel à canadapostworkersrfc@gmail.com.

Des travailleurs de Postes Canada sur une ligne de piquetage à Windsor, en Ontario, pendant leur grève d'un mois à l'automne 2024 [Photo: WSWS]

La direction de Postes Canada a annoncé dimanche qu'elle avait rejeté l'offre d'arbitrage exécutoire du Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes (STTP) pour mettre fin au conflit contractuel en cours. Au lieu de cela, la direction continue de faire pression sur le gouvernement libéral fédéral dirigé par Mark Carney pour qu'il oblige les 55 000 membres du STTP à voter sur ses « meilleures et dernières » offres aux postiers urbains et ruraux.

Vendredi dernier, la Société canadienne des postes, qui appartient au gouvernement, a officiellement demandé au gouvernement d'utiliser l'article 108.1 du Code canadien du travail, qui est hostile aux travailleurs, pour forcer la tenue d'un vote sur les conventions collectives.

La direction du syndicat s'est pliée en quatre pour conclure un accord avec Postes Canada, empêcher la reprise de la grève d'un mois de l'automne dernier et éviter un affrontement direct avec le gouvernement libéral. Mercredi dernier, les bureaucrates du STTP ont été contraints d'admettre que les « dernières » offres de Postes Canada étaient essentiellement une copie conforme de leurs demandes antérieures de vastes reculs qui ouvriraient la porte à l’« amazonification » des bureaux de poste et à la suppression massive d'emplois à temps plein.

Cependant, même si elle accuse la direction de « jouer dur », la direction du STTP est déterminée à empêcher les postiers d'utiliser leur pouvoir social et de rallier la classe ouvrière derrière eux dans une lutte pour défendre les services publics et le droit de grève, et pour assurer le contrôle des travailleurs sur l'IA et d'autres nouvelles technologies afin de s'assurer qu'elles soient utilisées pour améliorer la vie des travailleurs et les services publics, et non pour supprimer des emplois et accroître l'exploitation des travailleurs.

C'est ainsi que le syndicat a répondu à la provocante « dernière offre » de Postes Canada en proposant aux travailleurs de renoncer à leur droit de grève et à leur droit de déterminer, par la négociation collective, leurs conditions d'emploi.

Après que Postes Canada a rejeté la proposition du syndicat, le STTP a continué à plaider en faveur de l'arbitrage exécutoire – c'est-à-dire pour qu'un laquais de la grande entreprise nommé par le gouvernement dicte les conventions collectives des travailleurs postaux – en affirmant que c'était la seule façon d'obtenir un « résultat raisonnable ».

« Un vote forcé », s'est inquiété le syndicat dimanche, « ne pas mettre fin au conflit de travail et risquerait d’aggraver les divisions et de prolonger l’incertitude pour toutes les parties. L’arbitrage mettrait immédiatement fin au conflit de travail et créerait un climat de certitude au sein de la population ».

La direction de Postes Canada s'est opposée à l'arbitrage exécutoire au motif qu'il prolongerait le conflit de travail d'une année supplémentaire et qu'il «accélérerait les défis financiers importants de l'entreprise ». Elle prétend également craindre que l'arbitrage prive les postiers de leur droit de vote sur leurs « conventions collectives ».

Quelle hypocrisie ! Dans chaque négociation de contrat depuis des décennies, Postes Canada a considéré la menace d'une intervention gouvernementale pour priver les travailleurs de leur droit de grève et imposer l'arbitrage comme sa carte maîtresse. Chaque fois qu'elle a jugé que c'était dans son intérêt, Postes Canada a réclamé une loi antigrève et un arbitrage exécutoire.

Tout au long des 18 mois de négociations contractuelles, Postes Canada est restée intransigeante dans ses demandes de concessions radicales. Celles-ci comprennent la création d'une nouvelle catégorie de travailleurs à temps partiel pour permettre la livraison de colis le week-end, et la mise en œuvre d'un « acheminement dynamique », qui utiliserait l'intelligence artificielle pour modifier quotidiennement les itinéraires et la charge de travail des facteurs.

En décembre dernier, Postes Canada a accueilli chaleureusement l'utilisation par le ministre du Travail Steven MacKinnon d'une « réinterprétation » manifestement illégale de l'article 107 du Code du travail pour rendre illégale la grève d'un mois des postiers, ainsi que la création par le gouvernement d'une Commission d'enquête sur les relations de travail (CERT) chargée d'approuver sans discussion les demandes de la direction en vue d'une restructuration massive des bureaux de poste aux dépens des travailleurs.

Aujourd'hui, la direction s'attend à ce que le gouvernement libéral, dirigé par l'ex-banquier central Carney, lui vienne à nouveau en aide et l'oblige à voter sur une « dernière offre ».

Bien qu'étant une société d'État, Postes Canada fonctionne comme une entreprise à but lucratif depuis les années 1980. Soutenue par le gouvernement et l'ensemble des entreprises canadiennes, elle insiste sur la nécessité de réduire massivement les coûts de main-d'œuvre pour redevenir rentable. La baisse de l'utilisation du courrier et la montée de la concurrence des messageries privées pour la livraison des colis ont gravement compromis la capacité de l'entreprise à dégager des bénéfices. Le dernier rapport financier, publié la semaine dernière, montre que Postes Canada a enregistré une perte avant impôts de 841 millions de dollars en 2024, ce qui porte les pertes totales à 3,8 milliards de dollars depuis 2018. Le gouvernement libéral a accordé à Postes Canada un prêt de sauvetage d'un milliard de dollars plus tôt cette année, après que la direction a déclaré qu'elle serait bientôt à court des liquidités nécessaires pour poursuivre ses activités.

Les « dernières et meilleures offres » de Postes Canada prévoient l'introduction de travailleurs à temps partiel pour la livraison de colis dans les zones urbaines, la mise en œuvre de la livraison sept jours sur sept et le lancement de l'acheminement dynamique à l'échelle nationale. Le temps de toilette de 5 minutes avant l'heure du repas serait supprimé et tous les nouveaux employés devraient avoir 6 mois d'« emploi régulier » avant de bénéficier des prestations de santé et de retraite.

La direction espère inciter les postiers à accepter le démantèlement de leurs droits et de leurs emplois en leur offrant une prime à la signature de 1000 dollars.

La ministre de l'Emploi et de la Famille, Patty Hajdu, devrait bientôt rendre une décision sur l'opportunité de forcer la tenue de votes en vertu de l'article 108.1 du Code canadien du travail. Les représentants du STTP ont rencontré Hajdu et John Zerucelli, secrétaire d'État au Travail, vendredi, et auraient reçu l'assurance que le gouvernement libéral continuerait à jouer un rôle d'intermédiaire mais « n'interviendrait pas pour l'instant ».

Tout au long de la lutte contractuelle, l'appareil du STTP a tout fait pour isoler et démobiliser les postiers. Il a fait traîner les négociations tout au long de l'année 2024, tenant les travailleurs de la base dans l'ignorance avant de finalement appeler à un vote de grève qui a été adopté avec plus de 95 % de soutien en octobre. Ce n'est que sous la pression de la base qu'une grève nationale a finalement été déclenchée fin novembre. La direction du syndicat a accepté que le gouvernement brise les grèves, ne permettant pas aux travailleurs de se prononcer sur l'opportunité de défier l'ordre illégal de retour au travail. Par la suite, elle a fait croire que la CERT permettrait aux travailleurs de se faire entendre. Lorsque les travailleurs ont finalement retrouvé leur droit de grève le 23 mai, le STTP a refusé d'appeler à une reprise de la grève nationale, préférant mettre en place une interdiction des heures supplémentaires qui a maintenu les postiers au travail.

Comme il était évident depuis le début, la CERT, dirigée par l'arbitre fédéral William Kaplan, s'est avérée être un mécanisme de plus pour attaquer les travailleurs postaux. Son rapport, publié le mois dernier, a soutenu à fond les plans de la direction pour une vaste attaque contre les postiers. « Postes Canada est confrontée à une crise existentielle : elle est effectivement insolvable, ou en faillite », déclare le rapport. « Sans changements réfléchis, mesurés, échelonnés, mais immédiats, sa situation financière continuera de se détériorer. » Parmi les changements approuvés, on trouve une attaque de grande envergure contre les services, y compris la fin de la distribution quotidienne du courrier de porte à porte et la fermeture des bureaux de poste ruraux.

Le rassemblement du 31 mai du STTP pour « Protéger la poste publique » au centre de tri Albert Jackson de Toronto [Photo: WSWS]

Entre-temps, le STTP n'a rien fait pour mobiliser la base, et encore moins des sections plus larges de la classe ouvrière. Une série de manifestations organisées par le syndicat à travers le pays pour « protéger le bureau de poste public » samedi a attiré quelques dizaines de personnes à Toronto et à Ottawa – en grande partie des responsables syndicaux et leurs acolytes de la pseudo-gauche – et n'a attiré que peu de monde ailleurs.

La bureaucratie syndicale au sens large, du Congrès du travail du Canada à Unifor, n'a fait aucun effort pour mobiliser les travailleurs en appui aux postiers. Ils sont occupés à collaborer avec le gouvernement libéral, à rejoindre des conseils tripartites gouvernement-patronat-syndicat comme le Conseil consultatif du Premier ministre sur les relations Canada–États-Unis et à se vanter de leur présence à l'ouverture du Parlement par le roi Charles III la semaine dernière, tout en promouvant un poison nationaliste canadien en réponse à la guerre commerciale du président américain Donald Trump.

S'adressant au Financial Post à la fin du mois de mai, Ian Lee, professeur agrégé à la Sprott School of Business de l'Université Carleton et ancien dirigeant de Postes Canada, a présenté un programme de « chirurgie radicale » pour « sauver » Postes Canada. Ce programme prévoit la suppression de 40 000 postes, l'arrêt complet de la distribution du courrier à domicile – même dans les boîtes aux lettres communautaires –, la fin de l'obligation de service universel pour les zones urbaines imposée par la loi fédérale et l'annulation des conventions collectives existantes. « Il est minuit moins le quart et ils doivent agir rapidement », a déclaré Lee. Ce qui resterait, c'est une Société canadienne des postes « restructurée » et « beaucoup plus petite », qui ne desservirait que les communautés rurales et éloignées qui n’ont pas d’alternative privée.

Le rapport de la CERT et les commentaires de Lee montrent clairement que les plans d'une attaque totale contre les salaires, les emplois et les conditions de travail des travailleurs postaux sont très avancés – même au-delà de ce qui est inclus dans les « dernières et meilleures » offres de Postes Canada.

Les travailleurs des postes ont fait preuve d'un grand militantisme. Cependant, leur lutte est maintenant en grave danger en raison du sabotage mené par le STTP et la bureaucratie syndicale en général, qui ont tout fait pour isoler et étouffer leur lutte.

Pour l'emporter, les travailleurs doivent prendre la lutte en main et en faire le fer de lance d'une contre-offensive de la classe ouvrière contre l'austérité et la guerre capitaliste.

C'est pour cette raison que des travailleurs de Postes Canada se sont réunis l'année dernière pour former le Comité de base des travailleurs des postes (CBTP), affilié à l'Alliance ouvrière internationale des comités de base. Le Comité a élaboré une stratégie pour lutter contre les demandes de concessions de Postes Canada et le sabotage du STTP, et pour étendre la lutte aux travailleurs de tout le Canada, des secteurs public et privé, et à l'échelle internationale, notamment en s'unissant aux travailleurs des postes des États-Unis.

Le CBTP a présenté des revendications fondées sur les besoins des travailleurs, et non sur les exigences des gouvernements et des conseils d'administration d'entreprises à la recherche de profit. Ces revendications restent essentielles dans la lutte actuelle :

  • Une pension complète, le plein salaire et tous les avantages sociaux pour tous les employés !
  • Finie la sous-traitance des emplois !
  • Les travailleurs doivent avoir le contrôle sur l'introduction et le développement de toutes les nouvelles technologies, afin qu'elles soient utilisées pour améliorer les conditions de travail et les services, et non pour accroître l'exploitation des travailleurs !
  • Le service postal ne doit pas être géré comme une entreprise à but lucratif !

Toutes les personnes qui veulent lutter pour la perspective et la construction du CBTP doivent remplir le formulaire ci-dessous ou écrire à canadapostworkersrfc@gmail.com.

(Article paru en anglais le 3 juin 2025)

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