La réunion tenue à Londres pour Momodou Taal remporte un fort soutien

Momodou Taal s'adresse à la réunion publique du SEP à Londres [Photo: WSWS]

Momodou Taal, l'étudiant britannico-gambien qui a défié la guerre anticonstitutionnelle menée par le président américain Donald Trump contre la liberté d'expression et le droit de manifester contre le génocide de Gaza, s'est exprimé lors d'une réunion publique à Londres samedi, organisée par le SEP (Socialist Equality Party – Parti de l'égalité socialiste au Royaume-Uni).

Taal a été obligé de quitter les États-Unis pour éviter d'être arrêté et détenu par les agents de l'ICE [la police de l’immigration] en représailles de sa plainte contre Trump. Il s'est exprimé aux côtés de son avocat, Eric Lee. Ils furent rejoints à la tribune par Joseph Kishore, secrétaire national du Socialist Equality Party aux États-Unis.

Plus de 100 travailleurs et jeunes ont participé à la réunion au Crowne Plaza de King's Cross. Parmi eux, plusieurs étudiants, victimes d'une répression étatique sans précédent en Grande-Bretagne en raison de leurs discours et de leur militantisme pro-palestiniens.

Chris Marsden s'exprimant lors de la réunion du SEP [Photo: WSWS]

Chris Marsden, secrétaire national du SEP au Royaume-Uni, présidait la réunion. Il a dénoncé le refus du gouvernement travailliste de Keir Starmer de défendre Taal contre une arrestation et une détention par l'administration Trump. Marsden a cité une lettre envoyée par le SEP au ministre britannique des Affaires étrangères, David Lammy, qui avertissait : « Si le gouvernement ne s'oppose pas à la détention illégale et arbitraire de ses propres citoyens aux États-Unis, il ne faudra pas attendre longtemps pour que des ressortissants étrangers soient expulsés du Royaume-Uni pour s'être opposés politiquement à la collusion du Royaume-Uni avec le génocide de Gaza et à ses visées guerrières et prédatrices. »

A la réunion, Taal a évoqué pour la première fois les circonstances entourant sa persécution par le gouvernement américain. Il a été accueilli par des applaudissements nourris pour sa prise de position courageuse.

Il se souvient avoir participé à une manifestation pro-palestinienne l'année dernière à l'université Cornell: «J'ai participé à la manifestation pendant cinq minutes en septembre 2024. J'ai quitté la manifestation, puis, en partant, un policier qui avait été vigile du campus m'a reconnu et m'a dénoncé.»

Taal a expliqué: «Cornell m'a soumis à des mesures extrêmement draconiennes.» Celles-ci comprenaient des restrictions à sa libre circulation sur le campus – où il résidait – et même l'obligation d'obtenir une autorisation écrite pour consulter un médecin.

«La police du campus m’a remis un formulaire me déclarant persona non grata, et on m’a également interdit d’enseigner, tout cela pour avoir participé à une manifestation pacifique», a-t-il déclaré.

Momodou Taal s'adresse à l’auditoire durant la réunion [Photo: WSWS]

Taal a fait référence à une déclaration faite par Trump durant sa campagne électorale l'année dernière, où il avait menacé les étudiants internationaux. S'ils participaient à des manifestations pro-palestiniennes, « nous les retrouverons et les expulserons » avait-il annoncé. C'est à ce moment-là, a dit Taal, que « j'ai compris que mon séjour aux États-Unis allait prendre fin à un moment donné. »

Trump est arrivé au pouvoir «et a signé un décret, intitulé ‘lutte contre l’antisémitisme’, obligeant les universités à abandonner les étudiants internationaux».

Taal a porté plainte contre Trump le 15 mars, après avoir discuté avec Lee et son équipe juridique, demandant une injonction nationale interdisant l'expulsion de tous les étudiants internationaux. Le lendemain, « j'ai rencontré Eric et mon équipe juridique et nous avons reçu un appel nous informant que le FBI et l'ICE recherchaient Momodou à ce moment précis. »

Forcé de se cacher, Taal se souvient : « Le lendemain, des agents de l’ICE se sont présentés à mon domicile. Ils ne m’ont pas trouvé. Deux jours plus tard, mes avocats ont reçu un courriel leur demandant de remettre Momodou à l’ICE, et deux jours plus tard, j’ai reçu un courriel du Département de la Sécurité intérieure m’informant que mon visa avait été révoqué, et tout cela avant même que nous ayons vu un juge. » Taal fut obligé de quitter les États-Unis peu après.

Eric Lee s'exprimant à la réunion de Londres [Photo: WSWS]

Intervenant à la réunion, Lee a clairement indiqué que Taal était l’un des étudiants internationaux arrêtés par centaines, détenus, disparus ou expulsés des États-Unis en raison de leurs activités politiques. Mahmoud Khalil, diplômé de l'Université de Columbia et militant palestinien, par exemple, est toujours en détention après trois mois, séparé de sa famille depuis son enlèvement par des agents de l'ICE agissant pour le compte de l'administration Trump.

Sous les applaudissements du public, Lee a déclaré: « À cette réunion, nous adressons nos plus sincères salutations à Mahmoud, à sa femme Noor, à sa famille et à son équipe juridique alors qu'ils se battent pour sa liberté.»

Lee a discuté l’importance de la guerre de Trump contre la Constitution américaine:

Il n'existe aucun précédent historique, à aucun moment au cours des 250 ans d'histoire du pays, à ce qui se passe actuellement. Le président tente d'instaurer une dictature, d'abolir les droits démocratiques les plus fondamentaux, notamment le droit à l'habeas corpus, le droit à la liberté d'expression, le droit de demander réparation et de déposer plainte en poursuivant le gouvernement pour violation de la Constitution, comme l'a souligné Momodou.

Lee a souligné que c’était le Parti démocrate qui avait préparé le terrain pour l’attaque de Trump contre la démocratie et l’avait rendue possible.

Mais l'opposition aux mesures dictatoriales de Trump se développait au sein de la population et chez les travailleurs américains. Le cas de Taal montrait qu'il existait « de formidables possibilités d'alerter la population» et de développer une opposition massive à cette politique.

Le secrétaire national du SEP (États-Unis), Joseph Kishore, prend la parole à la réunion [Photo: WSWS]

Kishore a passé en revue la situation politique plus large dans laquelle s’est déroulée l’affaire Taal:

Cela fait maintenant plus de quatre mois que Trump est au pouvoir, et le rythme de la réaction politique s'accélère de jour en jour. L'arrestation et l’expulsion d'opposants au génocide de Gaza ; l'invocation de la loi sur les ennemis étrangers (l’Alien Enemies Act de 1798) pour procéder à des expulsions massives ; le mépris flagrant des décisions de justice, voire l'arrestation de juges ; le ciblage des étudiants et des immigrants ; l'atteinte systématique à la liberté d'expression, notamment sur les campus universitaires.

Il a ajouté :

Nous pourrions certainement passer beaucoup de temps à parler des actions dictatoriales de l'administration Trump, mais j'imagine que vous n'avez pas besoin d'être convaincus. La question est bien plutôt : que faire ?

Kishore a souligné qu’«au cours des cinq dernières années, la trajectoire politique de la classe dirigeante a été marquée par un virage accéléré vers la réaction, la guerre et la dictature. Mais ce n'était pas le seul processus en cours. Parallèlement, un puissant contre-courant a émergé sous forme d’une radicalisation sociale et politique croissante de la classe ouvrière internationale.»

La lutte des classes s'amplifiait, mais l'opposition au sein de la classe ouvrière n'avait « pas encore atteint le niveau de généralisation politique nécessaire pour modifier fondamentalement le rapport des forces de classe. C'est une question de leadership politique. Le Parti de l'égalité socialiste se bat pour doter ce mouvement d'une vision claire de ses tâches : unifier la classe ouvrière au-delà des frontières nationales et diriger sa force contre le système capitaliste même ».

Une séance de questions-réponses animée suivit les discours; y ont participé plusieurs étudiants et jeunes. Les questions portaient notamment sur le rôle joué par le sionisme libéral sur les campus américains ; l'histoire et le rôle de la politique d’identité ; les implications de la « théorie de l'exécutif unitaire » concernant la Constitution américaine ; et l'abus des ordonnances de la part du président. Les discussions ont également porté sur l'attaque de grande envergure menée par le gouvernement travailliste contre le droit de manifester contre le génocide de Gaza, notamment le recours aux lois antiterroristes pour museler la dissidence.

Au cours des prochains jours, le WSWS publiera les remarques de Taal, Lee et Kishore, ainsi que des entretiens avec les participants.

(Article paru en anglais le 2 juin 2025)

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