L’influent opérateur politique ukrainien Andriy Portnov a été abattu la semaine dernière dans un parking de Madrid, après avoir déposé ses enfants à une école américaine située dans un quartier huppé de la capitale espagnole.
Portnov était un ex-membre du parlement ukrainien et adjoint à la direction de le gouvernement du président pro-russe Viktor Ianoukovitch, renversé lors d’un coup d’État soutenu par les États-Unis et l’Union européenne en février 2014. Son assassinat ajoute un nouveau nom à la longue liste de personnalités politiques pro-russes de la classe dirigeante ukrainienne tuées lors d’assassinats ciblés depuis le déclenchement de la guerre par procuration soutenue par l’OTAN entre Kiev et Moscou en février 2022.
Selon la presse, l’assassinat été perpétré par un tireur solitaire, mince, vêtu d’un survêtement bleu, qui aurait pu être aidé par un complice à moto l’aidant à fuir. Le meurtre a été observé par des enfants et des enseignants qui entraient encore à l’école au moment des faits. Aucun suspect n’a été arrêté jusqu’à présent.
Avocat de profession, Portnov a fait son entrée dans la politique ukrainienne comme député du parti de l’ex-Première ministre soutenue par l’Occident Yulia Tymochenko, de 2005 à 2010. Il a ensuite changé de camp pour rejoindre le gouvernement de Ianoukovitch où il est resté jusqu'en 2014. Il était bien connu pour s’être opposé au coup d’État soutenu par l’Occident qui a conduit à la destitution de Ianoukovitch et à l’éclatement de la guerre civile dans la région du Donbass.
Après le coup d’État de 2014 appuyé par l’Occident, qui a violemment écarté Ianoukovitch du pouvoir avec l’aide des forces politiques d’extrême droite du pays, Portnov aurait fui en Russie puis en Autriche. Il est ensuite retourné en Ukraine après l’élection de l’ex-comédien et actuel président Volodymyr Zelensky, qui n’était alors le candidat de prédilection ni des États-Unis ni de l’impérialisme européen en raison de ses propres liens politiques et commerciaux avec Moscou.
En 2019, Portnov a été impliqué dans une première série d’accusations de «haute trahison» à l’encontre de l’ancien président soutenu par les États-Unis, Petro Porochenko, lancées par le gouvernement Zelensky nouvellement élu à l’époque, et il a remporté plusieurs procès contre des médias ukrainiens rivaux qui l’avaient qualifié de «pro-russe».
En 2021, alors que le gouvernement Zelensky se tournait résolument vers la droite et persécutait les forces politiques d'orientation russe, les États-Unis ont imposé des sanctions à Portnov pour des violations présumées des droits de l'homme et une implication dans la corruption de masse.
Après le déclenchement de la guerre en 2022, Portnov a de nouveau fui le pays, cette fois pour se retrouver en Espagne où il a finalement été tué. En raison de son histoire politique et personnelle complexe, marquée par une série de va-et-vient entre factions politiques pro-occidentales et pro-russes de la classe dirigeante ukrainienne, il n’est pas encore clair qui est exactement derrière son assassinat.
Quelques jours après les faits, le média ukrainien Ukrainska Pravda, citant trois sources anonymes, a rapporté que Portnov avait été à Kiev du 17 au 18 mai pour rencontrer des «hauts responsables de la sécurité» du gouvernement ukrainien. Selon le populaire blogueur YouTube ukrainien Anatoli Shariy, Portnov aurait en réalité rencontré Zelensky et ses conseillers Andriy Yermak et Oleg Tatarov. Shariy a ensuite écrit que Tatarov s’était rapidement rendu en Espagne afin de gérer la réponse ukrainienne à l’assassinat de Portnov et de négocier avec le gouvernement espagnol.
La version des faits de Shariy a été relayée par le député ukrainien Alexander Dubinsky, un ancien allié de Zelensky aujourd’hui accusé de «trahison». Shariy a déclaré :
« Portnov avait pour mission de garantir la pureté légale des élections et la victoire de Zelensky en trouvant un moyen d’empêcher les concurrents potentiels de participer aux élections en leur créant des problèmes judiciaires. La mission consistait aussi à assurer le vote des “âmes mortes” – des immigrants non recensés, des civils décédés, des soldats disparus, la diaspora… »
Dubinsky affirme que Portnov a également rencontré Maxim Budzhansky, le chef adjoint du Parti des serviteurs du peuple de Zelensky, et prétend que «après son arrivée en Espagne, Portnov a été immédiatement liquidé. Le silence de mort de Zelensky, Yermak, Tatarov et Buzhansky sur la mort de Portnov est lié à leurs rencontres avec lui, qu'ils essaient de garder secrètes».
L’ancien conseiller de Zelensky, Alexey Arestovych, a également lié l’assassinat de Portnov à Zelensky, écrivant sur X: «Le meurtre d’Andrеy Portnov est à 99 % probablement dû à ce que Zelensky prépare des élections.» Arestovych, qui s’apprête à défier Zelensky dans d’éventuelles élections présidentielles futures, a encore écrit que lui et le populaire blogueur ukrainien Anatoly Shariy avaient reçu des menaces de mort sur Telegram, associées au cabinetde Zelensky.
Arestovych poursuit ainsi:
«La terreur politique déclenchée par le régime de Zelensky s’est transformée en terrorisme international flagrant; un citoyen ukrainien a été tué sur le territoire d’un pays de l’OTAN et de l’UE. Il sera intéressant de voir comment les “chers partenaires européens” de Zelensky réagiront à cela.»
Quelle que soit la véritable histoire derrière cet assassinat, le meurtre extrajudiciaire de Portnov quelques jours seulement après sa rencontre avec des officiels ukrainiens révèle une fois de plus le mensonge impérialiste selon lequel l'Ukraine est un «État démocratique». En réalité, Zelensky dirige un régime de droite corrompu et dictatorial, dominé par l'oligarchie ukrainienne, qui a une longue tradition de règlement des conflits dans ses rangs par la violence. Les forces d'extrême droite sont autorisées à terroriser les citoyens dans les rues et des dizaines de milliers d'Ukrainiens ont été emprisonnés pour s'être opposés à la guerre, notamment le trotskyste ukrainien Bogdan Syrotiuk.
En fin de compte, Zelensky et l'ensemble de la classe dirigeante ukrainienne sont le produit malade de la restauration du capitalisme dans l'ex-Union soviétique par la bureaucratie stalinienne, qui a abouti à l’actuelle pauvreté de masse et à la plus grande guerre sur le sol européen depuis la Seconde Guerre mondiale. Comme le WSWS n'a cessé de le souligner, seule la classe ouvrière internationale peut empêcher que la guerre en Ukraine ne dégénère en une nouvelle guerre impérialiste mondiale, plus désastreuse encore.