Les remarques suivantes ont été prononcées par Daniel Berkley, travailleur de Postes Canada et membre dirigeant du Comité de base des travailleurs des postes (CBTP), lors d'une réunion organisée par le Comité de base des travailleurs d’USPS, appelée à organiser l'opposition à la volonté de l'administration Trump de privatiser le service postal. Le CBTP a été créé avant la grève d'un mois menée l'année dernière par 55 000 travailleurs postaux pour prendre la direction de la lutte contractuelle en la retirant des mains de la bureaucratie du Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes (STTP).
Lundi, le STTP a déposé un avis de grève de 72 heures, ce qui signifie que les travailleurs postaux pourraient se retrouver sur les lignes de piquetage dès jeudi. Cependant, la bureaucratie syndicale n'a absolument rien fait pour mobiliser les travailleurs des postes en vue de la grève imminente, et n'a même pas cherché à l'étendre à d'autres sections de travailleurs qui font face à la même attaque de la classe dirigeante contre leurs salaires, leurs emplois et les programmes sociaux dont ils dépendent.
Le STTP est déterminé à démobiliser les travailleurs, les laissant sans défense face à l'assaut combiné de la direction de Postes Canada, du gouvernement libéral de Mark Carney et de l'ensemble des entreprises canadiennes. Tous les travailleurs de Postes Canada et des secteurs de la livraison et de la logistique doivent réagir en créant des comités de la base dans chaque lieu de travail, affiliés au CBTP et à l'Alliance ouvrière internationale des comités de base (IWA-RFC), afin de mener une contre-offensive de la classe ouvrière contre le programme d'austérité capitaliste et de guerre impérialiste de la classe dirigeante. Pour rejoindre ce combat, remplissez le formulaire à la fin de l'article ou envoyez un courriel à canadapostworkersrfc@gmail.com.
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Bonjour. Je m'appelle Daniel Berkley et je suis un postier rural de l'Ontario, au Canada. J'ai suivi la lutte des travailleurs de l'USPS, car ce qui se passe là-bas se passe aussi ici. La loi sur la Société canadienne des postes a été directement attaquée et même notre syndicat a admis que la privatisation du service postal était à l'ordre du jour. Nos luttes sont très similaires aux vôtres et je voudrais profiter de ce moment pour dire que je suis d'accord avec ce qui a été dit jusqu'à présent.
Je voudrais répondre brièvement à la deuxième intervenante, R. Elle a mentionné qu’USPS ne recevait plus les colis d'Amazon il y a 2 ou 3 semaines. Nous avons remarqué la même chose ici à Postes Canada. Nous, les postiers, avons supposé que nous avions perdu le volume d'Amazon, afin qu'ils puissent anticiper une éventuelle interruption de travail jeudi prochain. Quelle coïncidence que l'USPS et Postes Canada aient perdu leur contrat avec Amazon au même moment. Amazon peut coordonner les attaques contre notre industrie au-delà des frontières nationales, mais nos syndicats ne nous organiseront jamais à l'échelle internationale.
Les intérêts des grandes entreprises qui visent à réduire nos salaires et notre main-d'œuvre utilisent la même stratégie qu'aux États-Unis. L'automatisation et l'IA, par exemple, pourraient être utilisées pour faciliter grandement notre travail, mais la Société canadienne des postes, soutenue par le gouvernement libéral et le Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes (STTP), est catégorique sur le fait que ces nouvelles technologies doivent être utilisées pour rendre la poste compétitive face à Amazon et aux autres employeurs du travail à la demande en réduisant les coûts de main-d'œuvre, au lieu d'améliorer les conditions de travail. L'IA est utilisée ici pour menacer les travailleurs avec l’acheminement dynamique, ajustant nos itinéraires au jour le jour pour s'assurer que nous n'avons pas de jours moins chargés. Les syndicats s'efforcent d'isoler les groupes de travailleurs les uns des autres, alors même que nombre d'entre nous sont engagés dans de grandes luttes contractuelles et que nous sommes tous confrontés à des attaques similaires contre nos emplois.
Même notre syndicat, qui prétend faussement nous représenter, place les intérêts de profit au-dessus de tout. Les livreurs d'ici ont toujours eu des week-ends et des jours fériés libres, mais avant même que notre vote de grève ne soit comptabilisé en octobre, notre syndicat a accepté des concessions majeures, y compris le travail le week-end. Même avec ces concessions sournoises qui pesaient sur notre vote de grève, les postiers ont voté à plus de 95 % en faveur de la grève pour protéger nos emplois et nos conditions de travail.
Comme on pouvait s'y attendre, notre mandat de grève n'a pas signifié grand-chose pour le Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes. Il y a eu peu ou pas de communication tout au long de la grève,ce qui a ouvert la voie à l'interdiction de grève antidémocratique décrétée par le gouvernement en décembre. Notre retour au travail, exigé par le gouvernement, a été imposé par le syndicat, ce qui a permis au gouvernement d'intervenir directement une deuxième fois en accordant un prêt de 1,034 milliard de dollars. Alors que l'encre de ce prêt était encore en train de sécher, le gouvernement est intervenu une troisième fois ! Une commission gouvernementale bidon, la Commission d'enquête sur les relations de travail (CERT), a été mise sur pied pour justifier toutes les demandes de l'entreprise, y compris l'élimination progressive de la livraison à domicile, la réduction de la fréquence de livraison du courrier et l'augmentation du nombre d'emplois à temps partiel et saisonniers.
Tous les postiers au courant des développements savaient dès le départ que cette commission était truquée, mais cela n'a pas empêché notre syndicat de participer pleinement à ce théâtre anti-travailleurs. Jeudi dernier, le rapport de la commission a été publié et a confirmé les prévisions selon lesquelles il s'agirait d'un document pro-patronal et anti-travailleurs. S'il a la possibilité de maintenir sa base de cotisations, le STTP supervisera la mise en œuvre des recommandations de la commission, tout comme il a supervisé notre retour au travail.
Jeudi prochain, nos conventions collectives expirent et la commission a esquissé trois possibilités distinctes : soit l'entreprise fait une offre et impose un vote, soit le gouvernement impose un arbitrage obligatoire, soit une grève ou un lock-out commence vendredi. L'entreprise a déjà menacé de procéder à des « changements majeurs pour revenir à l'autonomie financière », notamment en s'attaquant aux « coûts élevés de la main-d'œuvre et aux mesures réglementaires héritées du passé ».
Les travailleurs des services postaux et logistiques d'Amérique du Nord subissent des attaques similaires sur leurs conditions de travail. Nous voyons l'IA et la technologie de surveillance, sous le contrôle de la classe dirigeante, subordonner les travailleurs au profit. Nous devons exproprier ces technologies et les placer sous le contrôle de la classe ouvrière. La classe dirigeante ne cédera pas facilement à ces demandes, mais la classe ouvrière internationale, dont les intérêts sont objectivement alignés sur le processus de production, représente une force sociale beaucoup plus importante et puissante.
Au Canada, les syndicats nous disent de nous aligner derrière nos patrons canadiens, qui utilisent la guerre commerciale de Trump comme excuse pour nous exploiter davantage. La guerre tarifaire, précurseur d'une conflagration militaire mondiale, ne peut être stoppée que par l'unification internationale des luttes des travailleurs. Nous ne devrions pas nous aligner derrière nos propres classes dirigeantes sur la base d'un nationalisme réactionnaire. Libérés des bureaucraties syndicales perfides, nous pourrions libérer notre pouvoir social collectif pour lutter en faveur de revendications crédibles afin de défendre nos emplois et d'améliorer nos salaires et nos conditions de travail. C'est pourquoi nous sommes ici aujourd'hui.
Le précédent premier ministre libéral du Canada, Justin Trudeau, avait annoncé sans cérémonie qu'il démissionnerait peu après la fin de notre grève et l'ancien banquier central Mark Carney a depuis été élu premier ministre du Canada. Dès son arrivée au pouvoir, le nouveau chef libéral, Carney, a opéré un net virage politique à droite. Pour développer la lutte contre le nationalisme canadien, il faut rompre avec l'alliance entre les syndicats, les libéraux et le NPD et promouvoir la mobilisation politique indépendante des travailleurs.
Pour mener une lutte efficace contre nos exploiteurs, nous devons fonder notre analyse sur des vérités objectives et nous devons redoubler d'efforts pour construire des comités de base indépendants des bureaucraties syndicales. L'IA a le potentiel d'améliorer considérablement les forces productives et, par conséquent, d'améliorer considérablement la vie des travailleurs.
Les travailleurs du monde entier sont soumis aux mêmes pressions, mais le potentiel progressiste de ces nouvelles technologies est freiné par des intérêts capitalistes avides. Les travailleurs doivent se battre pour une perspective internationaliste et socialiste afin de contrecarrer le nationalisme toxique véhiculé par les médias bourgeois et les syndicats officiels. Les travailleurs des postes de toute l'Amérique du Nord partagent les mêmes intérêts de classe objectifs et nous devons nous organiser en conséquence. Le CBTP est affilié à l'Alliance ouvrière internationale des comités de base (IWA-RFC), une forme véritablement indépendante et internationale d'organisation des travailleurs qui correspond au caractère objectivement international de la production.
Le CBTP (Canada) a publié sa déclaration de fondation en juin dernier dans laquelle nous avons exprimé des revendications qui sont encore plus pertinentes aujourd’hui, dont :
Pleine pension, taux de rémunération complet et tous les avantages sociaux pour tous les employés !
Finie la sous-traitance des emplois !
Les travailleurs doivent avoir le contrôle sur l'introduction et le développement de toutes les nouvelles technologies, afin qu'elles soient utilisées pour améliorer les conditions de travail et le service, et non pour accroître l'exploitation des travailleurs !
Le service postal ne doit pas être géré comme une entreprise à but lucratif !
En solidarité du Canada, je m'appelle Daniel Berkley. Je vous remercie pour le temps que vous m'avez accordé.
(Article paru en anglais le 20 mai 2025)