La déclaration conjointe du Royaume-Uni, de la France et du Canada sur la situation à Gaza et en Cisjordanie ne constitue pas une opposition au génocide des Palestiniens mené par Israël. Il s'agit bien plutôt d'une tentative des Premiers ministres Sir Keir Starmer et Mark Carney et du président Emmanuel Macron, de se fournir un alibi justifiant les massacres et le nettoyage ethnique.
Après dix-neuf mois de collusion avec le gouvernement de Benyamin Netanyahou, au cours desquels des dizaines de milliers de personnes ont été tuées et Gaza détruite, les trois dirigeants ont publié une déclaration, à la fois cynique et sans effet, dans laquelle ils s'opposent fermement à l'extension des opérations militaires israéliennes à Gaza.
Ce qu’ils appellent par euphémisme «extension» est la promesse de Netanyahou de « prendre le contrôle» de Gaza et d’achever son nettoyage ethnique en laissant à deux millions de Palestiniens le choix entre l’exil permanent ou la mort.
Leur déclaration commune feint le choc et l'indignation face aux souffrances humaines « intolérables» à Gaza, qualifie de «totalement insuffisante» l'autorisation par Israël de l’entrée d'«une quantité minimale de nourriture à Gaza» et appelle le gouvernement israélien à «cesser ses opérations militaires à Gaza et à autoriser immédiatement l'entrée de l'aide humanitaire [dans l’enclave…] conformément aux principes humanitaires». Agir autrement, prévient-elle, «risque de violer le droit international humanitaire».
Ce qui suit est une liste d'excuses bien rodées pour les actes meurtriers d'Israël, qui ont en réalité réduit en miettes le Droit international. On y trouve un appel au Hamas pour qu'il libère les derniers otages «qu'il détient si cruellement depuis le 7 octobre 2023», qualifié d'«attaque odieuse», suivi de cette déclaration : « Nous avons toujours soutenu le droit d'Israël à défendre les Israéliens contre le terrorisme. »
Étalant leur grandiloquence à son maximum, les trois dirigeants qualifient l'escalade actuelle de «totalement disproportionnée», ajoutant: «Nous ne resterons pas les bras croisés pendant que le gouvernement Netanyahou poursuit ces actions odieuses. Si Israël ne met pas fin à sa nouvelle offensive militaire et ne lève pas ses restrictions sur l'aide humanitaire, nous prendrons de nouvelles mesures concrètes en réponse.»
Quant à savoir en quoi consistent ces «actions concrètes», la seule référence dans la lettre est à des «sanctions ciblées» contre «toute tentative d’étendre les colonies en Cisjordanie» et rien du tout concernant Gaza ou son annexion permanente.
Dans ces circonstances, la réaffirmation pour la forme du soutien à un État palestinien viable et à une «voie vers une solution à deux États» n’est que de la poudre aux yeux.
Tout cela est présenté comme un soutien aux «efforts menés par les États-Unis, le Qatar et l’Égypte», ainsi que par l’Autorité palestinienne et d’autres «partenaires régionaux» pour obtenir un cessez-le-feu et la fin du «contrôle du Hamas sur Gaza».
Ce à quoi nous avons affaire ici est une bande de voyous allant de l’aspirant Führer Donald Trump – principal soutien militaire d’Israël et voulant le contrôle américain de Gaza – aux despotes arabes qui non seulement sont restés les bras croisés mais ont encore intensifié leur collusion avec les États-Unis et Israël pendant qu’ils faisaient s’abattre sur Gaza la mort et la destruction.
Il n'est guère étonnant que Netanyahou ait répondu à cette lettre en se vantant qu'Israël continuerait à se battre jusqu'à la «victoire totale». Il dit ceci après avoir expliqué que des «pressions» similaires des États-Unis l'avaient obligé à laisser entrer neuf camions d'aide, soit moins de 2 pour cent des livraisons quotidiennes d'avant la guerre, et que cela n'aurait aucun effet sur la famine préméditée et persistante à Gaza.
Des «sénateurs» anonymes, qu'il a décrits comme les «plus grands amis d'Israël au monde», lui avaient dit: «Nous ne pouvons accepter les images de faim, de faim de masse. Nous ne pouvons pas supporter cela. Nous ne pourrons pas vous soutenir.»
Netanyahou peut bien s'en prendre au Royaume-Uni, à la France et au Canada pour le bénéfice de son public national de bouchers fascistes. Mais Starmer, Macron et Carney sont les grands amis d'Israël et continueront eux aussi de soutenir son régime génocidaire. Dans ces trois pays, ce soutien à Israël s'est accompagné de dénonciations des opposants au génocide, qualifiés d’« antisémites», et de leur persécution par l'État.
Pendant que le trio promettait qu’il «ne resterait pas les bras croisés», Israël déclarait toute la ville centrale de Khan Younès «zone de combat », ordonnant à tous les civils de partir et poursuivant ses bombardements aériens.
Les Nations Unies ont déclaré avoir reçu l'autorisation d'envoyer 100 camions d'aide – soit un cinquième du volume d'avant-guerre – mais ont indiqué que leur personnel pouvait être tué au cours de l'opération. L'ONU a averti que 14 000 bébés pourraient mourir à Gaza dans les deux prochains jours.
Considérant l'envoi d'une aide limitée comme un mal nécessaire, le ministre des Finances d'extrême droite, Bezalel Yoel Smotrich, a déclaré que cela pourrait tourner à l'avantage d'Israël. Cela permettrait aux Forces de défense israéliennes de «conquérir, nettoyer et rester », et détruire le Hamas et «en chemin, ce qui reste de la bande de Gaza est également anéanti […] La population [palestinienne] atteindra le sud de la bande de Gaza et, de là, avec l'aide de Dieu, se dirigera vers des pays tiers, conformément au plan du président Trump.»
Starmer est le défenseur le plus ouvert et le plus constant du génocide de Gaza parmi ces trois dirigeants. Il est arrivé au pouvoir en juillet dernier après avoir fait du «droit d'Israël à se défendre» son mot d'ordre et avoir nié à plusieurs reprises qu'un génocide ait même lieu.
La semaine dernière, les avocats du gouvernement britannique étaient devant le tribunal pour défendre ses accords spéciaux permettant l’exportation de pièces pour les avions de combat F-35, qui finissent inévitablement par arriver en Israël, en se basant en grande partie sur le déni de l’existence d’un génocide à Gaza.
Le 13 mai, lors d'une réunion clandestine au British Museum organisée par l'ambassade d'Israël, la ministre britannique de l'Industrie et des marchés publics de Défense, Maria Eagle, s'est vantée de la présence d'avions espions de la Royal Air Force en mission de reconnaissance au-dessus de Gaza. Le 19 mai, interrogé directement par Sky News quant à savoir si Israël commettait un génocide à Gaza, Starmer a refusé de répondre par l'affirmative.
Starmer s'est absenté d'un débat parlementaire sur Gaza pour visiter un supermarché Lidl et discuter des avantages de l'accord commercial entre le Royaume-Uni et l'Union européenne. Le ministre des Affaires étrangères David Lammy a annoncé la suspension des négociations commerciales avec Israël, mais en réponse aux médias de l'Autorité palestinienne demandant si de nouvelles exportations vers Israël seraient interdites, un porte-parole de Downing Street a simplement déclaré : «ces accords sont toujours en cours d’examen de notre part».
Rien de tout cela n’a empêché les tendances de la pseudo-gauche d’insister une fois de plus sur le fait que la pression exercée sur les gouvernements impérialistes est le moyen de prévenir le génocide.
La coalition britannique Stop the War a écrit qu'elle commençait à «voir des fissures dans le soutien monolithique de l'establishment à Netanyahou», évoquant une «réinitialisation» de « l'approche» du gouvernement Starmer et que «même Donald Trump semble avoir réalisé qu'un soutien inconditionnel à Netanyahou n'est pas viable».
Le Socialist Workers Party (SWP) écrit que «l'ampleur de l'horreur israélienne à Gaza» ébranle « les dirigeants occidentaux qui craignent que cela ne révèle leur hypocrisie en fait de droits humains», offrant «l'occasion au mouvement palestinien d'intensifier la pression». La déclaration du Royaume-Uni, de la France et du Canada était un exemple des succès obtenus grâce à la «pression du mouvement de solidarité avec la Palestine».
Ce mensonge est dangereux. Il se peut que la pression populaire puisse encourager les politiciens impérialistes à tenir des propos hypocrites sur le sort des Palestiniens. Mais cela ne mettra pas fin au génocide ni à leur participation de fait à celui-ci.
C'est pourquoi la déclaration du comité de rédaction du WSWS du 20 mai, l'Impérialisme met en branle sa « solution finale » à Gaza, a identifié comme la leçon principale à tirer du massacre de masse en cours depuis dix-huit mois «qu’il est impossible d'arrêter le génocide à Gaza en faisant appel aux puissances impérialistes ou aux institutions du droit international. Le seul moyen d'arrêter le massacre à Gaza est la mobilisation de la classe ouvrière. La lutte contre le génocide à Gaza dépend de l'extension de la lutte des classes et de la défense des droits sociaux, économiques et politiques de la classe ouvrière ».
(Article paru en anglais le 21 mai 2025)