55.000 travailleurs de Postes Canada s’apprêtent à déclencher la grève vendredi, mais le STTP n’a aucun plan pour repousser l’assaut du gouvernement et de la direction

Nous encourageons tous les travailleurs de Postes Canada à participer à la mise sur pied du Comité de base des travailleurs des postes et à s'inscrire au bulletin d'information des travailleurs des postes du WSWS en remplissant le formulaire à la fin de cet article ou en envoyant un courriel à canadapostworkersrfc@gmail.com.

Des travailleurs de Postes Canada font du piquetage à Niagara-on-the-Lake, en Ontario, pendant leur grève de quatre semaines à l'automne dernier qui a été interrompue par le gouvernement Trudeau au moyen d'une « réinterprétation » frauduleuse de l'article 107 du Code canadien du travail. [Photo: WSWS]

Plus de 55 000 travailleurs de Postes Canada s'apprêtent à lancer une grève le vendredi 23 mai au matin, pour s'opposer à l'assaut frontal de la direction et du gouvernement contre leurs salaires, leurs conditions de travail et leurs droits fondamentaux, y compris le droit de grève.

Sous la pression de la base, le Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes (STTP) a été contraint d'émettre un avis de grève de 72 heures lundi. L'interdiction juridique de faire grève, décrétée par l'ancien gouvernement libéral de Trudeau lorsqu'il a criminalisé la dernière grève en décembre, expire le jeudi 22 mai. Cela ouvre la voie à une nouvelle confrontation entre les travailleurs postaux et une classe dirigeante composée de la direction de Postes Canada, d'un gouvernement libéral encore plus ouvertement à droite, dirigé par l'ancien banquier central Mark Carney, et des saboteurs de la bureaucratie du STTP.

Un débrayage marquerait la reprise d'une lutte qui a commencé sérieusement en novembre dernier, lorsque les postiers ont débrayé dans tout le pays pour s'opposer aux demandes intransigeantes de la direction en matière de « rentabilité » : un euphémisme pour des licenciements collectifs, l’intensification du rythme de travail, des baisses de salaire et l'éradication des protections sur le lieu de travail. Après un peu plus de quatre semaines de grève, le STTP s'est plié à l'interdiction de grève dictée par le ministre du Travail de l'époque, Steve MacKinnon, malgré le puissant soutien de la base pour la défier.

Le négociateur en chef, Jim Gallant, a déclaré à plusieurs reprises que le syndicat reporterait toute action de grève de deux semaines afin d'examiner toute nouvelle offre de la direction de Postes Canada présentée avant l'échéance de vendredi à 0 h 01.

Comme prévu, la direction de Postes Canada a déposé mercredi une offre qui est une véritable gifle pour les travailleurs des postes. En même temps, la direction a rejeté la trêve de deux semaines proposée, visant plutôt une confrontation frontale immédiate avec les travailleurs des postes. Ils savent que le STTP travaillera consciencieusement à subordonner les travailleurs au système de négociation collective truqué, y compris à toute nouvelle interprétation du Code canadien du travail que le gouvernement pourrait concevoir. L'année dernière, il a invoqué à plusieurs reprises l'article 107 du Code canadien du travail pour mettre fin à des grèves sans même la feuille de vigne démocratique d'une loi de retour au travail, y compris pour les débardeurs et les cheminots, ainsi que pour les travailleurs postaux.

L’entente proposée prévoit d'étendre les opérations de livraison à sept jours par semaine en faisant appel à une armée de travailleurs à temps partiel – dont l'entreprise promet qu'ils bénéficieront de prestations de santé et de retraite limitées – et de commencer à mettre en œuvre l’« acheminement dynamique », qui verrait les itinéraires des livreurs changer d'un jour à l'autre au nom de l'« efficacité ». Ces deux demandes, appuyées par le rapport de la Commission d'enquête sur les relations de travail publié la semaine dernière, entraîneraient l'élimination de la main-d'œuvre de Postes Canada, en particulier des travailleurs à temps plein.

La dernière offre comprend également une offre salariale dérisoire de seulement 13,59 % sur quatre ans, soit 6 % la première année, 3 % la deuxième année et seulement 2 % les troisième et quatrième années. Cette offre ne permettrait pas aux travailleurs de rattraper le coût de la vie, après des années d'inflation galopante qui ont rendu les fins de mois de plus en plus impossibles pour la grande majorité des travailleurs. Le coût des denrées alimentaires et d'autres biens essentiels continue d'augmenter de façon spectaculaire dans le cadre de la guerre commerciale entre Ottawa et Washington.

Postes Canada peut agir de manière aussi agressive parce qu'elle sait qu'elle bénéficie du soutien total des entreprises canadiennes. Tous veulent faire un exemple des postiers – traditionnellement l'une des sections les plus militantes de la classe ouvrière – afin de pouvoir lancer des attaques similaires contre tous les services publics et tous les travailleurs. Leurs objectifs sont de réduire les dépenses sociales et d'intensifier l'exploitation des travailleurs afin d'enrichir davantage les riches et d'augmenter le budget militaire pour mener une guerre impérialiste. Les postiers peuvent et doivent faire appel à l'opposition généralisée de tous les travailleurs à ce programme de guerre de classe.

Bien que le STTP prétende avoir besoin de temps pour examiner l'offre insultante de Postes Canada, il est clair qu'elle doit être rejetée de façon décisive par la base. Pour y parvenir, il est impératif d'élargir la lutte à d'autres sections de travailleurs, une tâche qui ne peut être accomplie que si les travailleurs de Postes Canada prennent le contrôle de leur lutte en la retirant des mains de la bureaucratie syndicale.

Le syndicat a contribué à légitimer la conspiration anti-travailleurs entre le gouvernement fédéral et la direction de Postes Canada en soutenant la CERT établie par MacKinnon et supervisée par l'arbitre fédéral William Kaplan dans le but d'entériner les demandes de la direction. Postes Canada fait pression en faveur de l' « Amazonification » de la main-d'œuvre de Postes Canada et de l'intensification de l'exploitation, y compris par le déploiement de l'intelligence artificielle (IA) et d'autres technologies.

La présidente du STTP, Jan Simpson, a déclaré que la commission clairement truquée permettrait des « discussions cruciales sur l'avenir de Postes Canada et les questions qui nous importent à tous ». Cependant, les voix et les opinions des travailleurs sont restées lettre morte.

Le rapport rédigé par Kaplan soutient sans ambiguïté la position de la direction. Il recommande des opérations de livraison sept jours sur sept, l'augmentation du nombre de travailleurs à temps partiel, l'abandon progressif de la livraison en porte-à-porte au profit de boîtes aux lettres communautaires et la levée d'un moratoire sur la fermeture des bureaux de poste ruraux. Le rapport de Kaplan préconise également la mise en place d'un système d'acheminement dynamique afin de réduire la rémunération des heures supplémentaires et les « heures non travaillées », c'est-à-dire le droit des travailleurs à une journée complète de salaire après avoir terminé leur tournée.

Ce résultat ne fait que souligner ce qui était évident dès le départ : la CERT a été créée par le gouvernement libéral comme un instrument pour légitimer des attaques radicales contre les travailleurs postaux et pour renforcer la position des dirigeants de la société d'État dont la mission primordiale est de transformer Postes Canada en une machine à générer des profits. Postes Canada a déclaré que ces changements radicaux étaient nécessaires après avoir enregistré des pertes de près de 3 milliards de dollars depuis 2018, en raison de la baisse des envois de lettres et de la concurrence des messageries privées pour la livraison des colis.

Le rapport de Kaplan se plaint que « les négociations ont largement échoué parce qu’une des parties, le STTP, défend le statu quo et veut l’améliorer, par exemple en renforçant la sécurité d’emploi et en améliorant la rémunération totale et les conditions d’emploi, qui sont les meilleures de leur catégorie », ce qui oblige les travailleurs à accepter une baisse spectaculaire de leurs conditions de travail et de leur niveau de vie pour que Postes Canada puisse accumuler des profits sur leur dos.

Les travailleurs postaux ne sont pas simplement confrontés à un conflit avec les dirigeants de Postes Canada, mais à une véritable conspiration unissant la direction, les gouvernements fédéral et provinciaux et la bureaucratie syndicale. Les libéraux, avec l'appui des conservateurs et des néo-démocrates soutenus par les syndicats, ont toujours cherché à criminaliser la résistance des travailleurs.

Au niveau provincial, le gouvernement québécois du premier ministre de droite de la CAQ, François Legault, suit les traces d'Ottawa en préparant sa propre offensive législative pour restreindre le droit de grève, renforçant ainsi le message selon lequel la classe dirigeante à travers le Canada est unie dans sa volonté de démanteler les droits des travailleurs. Ce programme antidémocratique reflète la stratégie plus large de la classe capitaliste, qui voit dans l'intelligence artificielle et l'automatisation une occasion de restructurer radicalement les relations de travail, d'accroître l'exploitation et d'éliminer complètement la sécurité de l'emploi.

Les travailleurs postaux mènent le combat de leur vie. Ce qu'ils affrontent, ce n'est pas seulement l'assaut immédiat de la direction de Postes Canada, mais la transformation de l'ensemble du secteur mondial de la logistique et de la livraison en un régime impitoyable de surveillance, d'emploi précaire et de cadence accélérée.

Leur lutte pour préserver des emplois décents et défendre le droit de grève est d'une importance capitale non seulement pour eux-mêmes, mais aussi pour l'ensemble de la classe ouvrière au Canada et dans le monde. C'est précisément pour cette raison que les postiers doivent saisir l'occasion de mobiliser leurs collègues du secteur de la logistique et les travailleurs de tous les autres secteurs économiques dans une puissante contre-offensive de la classe ouvrière pour repousser les exigences de l'élite dirigeante.

Cette lutte ne peut être gagnée par des appels au gouvernement ou en s'appuyant sur l'appareil syndical, qui travaille main dans la main avec les entreprises et l'État. Le Congrès du travail du Canada (CTC), Unifor et le STTP ont tous montré à maintes reprises que leur principale préoccupation est de maintenir les travailleurs dans les limites étroites de la négociation collective, des appels parlementaires et des actions de protestation éphémères.

Le Comité de base des travailleurs des postes (CBTP) a été créé l'année dernière par les travailleurs de Postes Canada dans le but de retirer le contrôle de la lutte contractuelle des mains de la bureaucratie du STTP et, en affiliation avec l'Alliance ouvrière internationale des comités de base (IWA-RFC), de développer des liens avec les travailleurs des postes à l'échelle internationale, y compris aux États-Unis, en Grande-Bretagne et en Allemagne, qui font face aux mêmes assauts contre leurs emplois et leur niveau de vie.

La déclaration fondatrice du CBTP, publiée en juin 2024, mettait de l'avant des revendications qui demeurent essentielles pour orienter la lutte des travailleurs postaux :

Pleine pension, taux de rémunération complet et tous les avantages sociaux pour tous les employés !

Finie la sous-traitance des emplois !

Les travailleurs doivent avoir le contrôle sur l'introduction et le développement de toutes les nouvelles technologies, afin qu'elles soient utilisées pour améliorer les conditions de travail et le service, et non pour accroître l'exploitation des travailleurs !

Le service postal ne doit pas être géré comme une entreprise à but lucratif !

C'est un moment critique pour les travailleurs postaux de Postes Canada : ne laissez pas le STTP étouffer cette lutte ! Ce qu'il faut d'urgence, c'est une mobilisation politique de la classe ouvrière, indépendante de la bureaucratie syndicale et en opposition à celle-ci. Rejoignez le CBTP et créez des comités de base dans chaque établissement postal pour prendre le contrôle de la lutte, préparer une grève de masse et établir des liens avec d'autres sections de travailleurs : les travailleurs des chemins de fer, les travailleurs de l'éducation, les travailleurs du secteur public et les travailleurs des entrepôts d'Amazon à travers le Canada, les États-Unis, le Mexique et au-delà.

L'issue de cette lutte ne sera pas décidée à la table des négociations. Elle sera déterminée par la mesure dans laquelle les travailleurs prendront les choses en main et s'uniront à travers les industries et les frontières dans une lutte commune contre l'austérité, l'inégalité et la dictature du patronat. Les conditions d'une telle lutte sont réunies, mais il faut que les travailleurs confrontés à ces attaques prennent l'initiative de construire un mouvement capable de faire aboutir leurs revendications.

(Article paru en anglais le 22 mai 2025)

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