À l’approche de l’expiration de la convention collective

Les travailleurs de Postes Canada dans une lutte politique contre le patronat, le gouvernement libéral et la direction du STTP

Nous encourageons tous les travailleurs de Postes Canada à participer à la mise sur pied du Comité de base des travailleurs des postes et à s'inscrire à notre bulletin d'information en remplissant le formulaire à la fin de cet article ou en nous écrivant.

L'interdiction de grève imposée arbitrairement par le gouvernement à 55 000 travailleurs de Postes Canada expire le jeudi 22 mai, alors que la classe dirigeante intensifie ses demandes pour réduire les emplois et les droits des travailleurs des postes et pour rendre la société d'État « rentable».

L'interdiction a été imposée en décembre dernier par le ministre du Travail de l'époque, Stephen MacKinnon, dans le cadre de la criminalisation par le gouvernement libéral fédéral de la grève d'un mois que les travailleurs des postes avaient organisée pour obtenir des augmentations de salaire après des décennies de reculs, et pour garantir la sécurité de l'emploi face à la tentative de Postes Canada d'utiliser l'IA et d'autres nouvelles technologies pour « Amazonifier » la main-d'œuvre.

Le gouvernement libéral du premier ministre Mark Carney, soutenu par l'ensemble des entreprises canadiennes, est déterminé à infliger une défaite majeure aux travailleurs des postes. Ils veulent en faire un exemple afin de souligner à tous les travailleurs que, dans le contexte de la guerre commerciale avec les États-Unis et de la propagation mondiale de la guerre impérialiste, le capitalisme canadien est déterminé à détruire ce qui reste des services publics et des droits des travailleurs afin de libérer de l'argent pour l'armée et de gonfler les profits de l'oligarchie financière.

Pendant les six mois au cours desquels il a été légalement interdit aux travailleurs des postes de prendre des mesures collectives pour se défendre, la direction du Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes (STTP) a été de connivence avec la direction de Postes Canada et le gouvernement libéral – d'abord sous Trudeau et maintenant sous Carney – pour s'assurer que les travailleurs des postes affrontent l'assaut de la classe dirigeante contre leurs emplois et leurs droits avec les deux bras liés dans le dos.

Le STTP a fait respecter la reprise du travail sous l'interdiction de grève de MacKinnon en décembre, qui a été mise en application par le biais d'une réinterprétation illégale de l'article 107 du Code canadien du travail pro-patronal. Bien conscient que les postiers de la base étaient fortement en faveur de défier l'interdiction de grève du gouvernement libéral, le STTP a refusé d'organiser des réunions syndicales où les travailleurs auraient pu débattre de la voie à suivre et a plutôt travaillé avec le Congrès du travail du Canada pour imposer le retour au travail comme un fait accompli.

Des travailleurs de Postes Canada font du piquetage à Niagara-on-the-Lake, en Ontario, pendant leur grève de quatre semaines à l'automne dernier, qui a été brisée par le gouvernement Trudeau au moyen d'une « réinterprétation » de l'article 107 du Code canadien du travail. [Photo: WSWS]

L'interdiction comprenait également une prolongation, imposée par le gouvernement, des conventions collectives des travailleurs postaux urbains et ruraux, qui avaient expiré près d'un an avant l'intervention de MacKinnon.

La direction de la Société canadienne des postes (SCP) et ses conseillers ont pleinement profité du fait que les travailleurs étaient juridiquement menottés et bâillonnés. Dans le cadre de l'interdiction de la grève, MacKinnon a créé une Commission d'enquête sur les relations de travail (CERT), présidée par l'arbitre fédéral chevronné William Kaplan, et dotée d'un vaste mandat pour examiner toutes les questions liées aux opérations et aux finances de la poste.

La Commission d'enquête du gouvernement sur les relations de travail préconise de profondes attaques contre les travailleurs postaux

Les recommandations de la CERT, détaillées dans un rapport rendu public vendredi dernier, confirment les avertissements répétés du World Socialist Web Site selon lesquels la CERT était une conspiration contre les travailleurs postaux depuis le début.

Avant même la publication du rapport, des articles ont commencé à paraître dans les grands médias pour réclamer la restructuration la plus profonde du service postal. « Il est temps de privatiser Postes Canada », a déclaré le magazine Maclean's dans un commentaire du 13 mai. Le Globe and Mail, porte-parole traditionnel de l'élite de Bay Street, a publié la semaine dernière un éditorial exigeant une « révolution » à Postes Canada, y compris une privatisation totale et l'élimination de la distribution du courrier à domicile, afin de s'assurer qu'elle est « financièrement autonome », c'est-à-dire capable de faire des bénéfices.

Le rapport de Kaplan réaffirme, comme fondement de toutes les activités de Postes Canada, le principe – accepté depuis longtemps par la bureaucratie du STTP – selon lequel le bureau de poste doit être géré comme une entreprise à but lucratif, plutôt que comme un service public. Sur cette base, il propose une série d'attaques radicales contre les droits et les conditions des travailleurs qui, si elles étaient mises en œuvre, entraîneraient rapidement d’immenses pertes d'emploi. La plupart de ces revendications sont directement tirées de la liste des demandes formulées par Postes Canada devant la CERT ou dans le cadre des négociations contractuelles actuelles.

Il s'agit notamment de :

  • l'imposition d'un « acheminement dynamique », selon lequel les itinéraires et la charge de travail des facteurs sont sujets à des modifications quotidiennes, à l'échelle nationale

  • l'élimination progressive de la distribution du courrier à domicile pour les particuliers et les familles par le biais d'une vaste expansion des « boîtes postales communautaires »

  • la fermeture des bureaux de poste ruraux et l'utilisation accrue par Postes Canada de franchises gérées par le secteur privé

  • la création d'une nouvelle catégorie de travailleurs à temps partiel le week-end, avec une rémunération et des avantages réduits.

Conformément aux exigences de Postes Canada, la CERT demande l'élimination du droit des facteurs à temps plein à une journée complète de salaire s'ils terminent leur itinéraire plus tôt en raison d'une plus grande expérience ou d'un volume de courrier plus faible.

Le WSWS a discuté du contenu du rapport avec Daniel Berkley, un travailleur postal et un membre dirigeant du Comité de base des travailleurs des postes (CBTP), qui a été créé par les travailleurs de Postes Canada l'année dernière pour prendre la direction de leur lutte contractuelle en la retirant des mains de la bureaucratie du STTP. Il a expliqué :

Il est important de comprendre le concept de « temps garanti ». Les tournées de l'UPO (opérations postales urbaines) sont rémunérées à l'heure, tandis que celles des RSMC (facteurs ruraux et suburbains) sont rémunérées au salaire. Mais dans les deux cas, si un facteur termine sa tournée en moins de temps que prévu, il est quand même payé pour la journée entière, et il peut rentrer chez lui plus tôt ou accepter volontairement plus de travail au taux de rémunération des heures supplémentaires.

Le grand thème qui sous-tend le fait de rendre Postes Canada « rentable/efficace » est l'élimination du temps garanti. Qu'un dépôt connaisse une journée lourde ou légère, l'objectif de Kaplan est de faire en sorte que tous les employés à temps plein travaillent une « journée complète de 8 heures », selon la définition des « experts en efficacité » de Postes Canada. Cet objectif peut être atteint en redéfinissant la « propriété des itinéraires » avec des itinéraires dynamiques qui changent tous les jours, et en remplaçant le personnel à temps plein par des employés à temps partiel et des employés occasionnels (lire : saisonniers).

Dans ce qui représenterait une autre lourde attaque contre les droits des travailleurs postaux, Kaplan propose de remplacer les prestations de santé et de vacances équivalentes au temps plein versées aux employés à temps partiel qui travaillent plus de trois heures par jour, par des prestations réduites « au prorata ».

Le rapport de la CERT ne contient aucune recommandation générale sur les salaires. Toutefois, le rapport appuie les affirmations de la direction selon lesquelles Postes Canada est « effectivement insolvable ou en faillite » et qu'une restructuration massive des activités du bureau de poste aux frais des travailleurs est nécessaire « pour assurer sa survie ».

Postes Canada fait pression pour une nouvelle réduction des salaires réels des travailleurs, consistant en une augmentation de 5 % pour 2024, payée rétroactivement aux travailleurs postaux lorsque la grève a été criminalisée en décembre dernier, suivie d'augmentations annuelles de 2,5 %, 2 % et 2 % respectivement au cours des trois années suivantes.

« Le rapport ne fait que répéter les affirmations de la direction et rejette pratiquement de A à Z l'analyse et les propositions du syndicat », a déclaré Berkley, qui a ajouté :

S'ils en ont l'occasion, les bureaucrates du STTP veilleront à la mise en œuvre de ces recommandations. En participant à la commission et en disant aux travailleurs qu'ils pouvaient l'utiliser pour faire avancer notre lutte, ils ont donné un vernis de crédibilité à ce qui était manifestement un processus anti-ouvrier frauduleux : un processus qui nous a été imposé dans le cadre du vol de notre droit de grève.

Si les recommandations de ce rapport sont mises en œuvre, ce sera l’annonce d'une attaque ouverte contre tous les travailleurs canadiens, à l'image des attaques de Trump contre les travailleurs américains, des attaques de Starmer contre les travailleurs britanniques, etc.

Comme le souligne à juste titre Berkley, le STTP a participé avec enthousiasme à la CERT, qu'il a présentée comme un forum démocratique où les travailleurs pouvaient faire entendre leur voix. La présidente du STTP, Jan Simpson, a loué la Commission pour avoir fourni un lieu de « discussions cruciales sur l'avenir de Postes Canada et les questions qui nous importent à tous ».

Consciente de la colère parmi la base, la direction du syndicat vient de découvrir que la Commission était truquée en faveur des patrons. Dans un communiqué de presse publié vendredi, le STTP a affirmé qu'il n'était « pas surprenant » que le rapport Kaplan soutienne toutes les demandes de la direction, balayant avec mépris le fait que tout travailleur ayant pris au pied de la lettre ce que le syndicat avait dit précédemment au sujet de l'objectif de la CERT aurait en effet trouvé le résultat surprenant. Le syndicat a ensuite affirmé de façon pathétique : « Nous nous sommes également opposés à l'ensemble du processus, mais nous avons estimé que nous devions y participer pour donner une voix aux travailleurs postaux. »

C'est un tissu de mensonges. L'« ensemble du processus » entourant la CERT a commencé par la démobilisation des travailleurs postaux au moyen de l'interdiction de grève draconienne du gouvernement, que le STTP a appliquée sans même demander l'avis de la base. Ensuite, Simpson et d'autres ont présenté la CERT comme un forum qui allait permettre aux travailleurs de se faire entendre.

La seule « objection » à « l'ensemble du processus » formulée par le STTP a été une action en justice contre la constitutionnalité de l'interdiction de grève. Il s'agit là d'un tour de passe-passe couramment utilisé par la bureaucratie syndicale après qu'elle a collaboré à l'étranglement de la lutte des travailleurs à la suite d'un ordre de retour au travail imposé par le gouvernement. À maintes reprises, les syndicats ont fait respecter les interdictions de grève tout en affirmant leur détermination à les « combattre » devant les tribunaux. Ces affaires prennent des années à être jugées, et même si le tribunal estime que le gouvernement a violé les droits des travailleurs, ses décisions ne dédommagent jamais les travailleurs pour les reculs qui leur ont été illégalement imposés.

Le rapport de Kaplan présente trois possibilités pour aller de l'avant lorsque les conventions collectives des travailleurs postaux expireront jeudi. Soutenue par le Conseil canadien des relations industrielles, Postes Canada pourrait forcer un vote de la base sur sa « dernière » offre d’entente. Le gouvernement pourrait également imposer un arbitrage obligatoire. Enfin, les travailleurs pourraient déclencher une grève ou la direction pourrait imposer un lock-out. Dans ce dernier cas, Kaplan suggère que le gouvernement s'engage à ne pas « intervenir ».

Les postiers doivent prendre la direction de leur lutte en la retirant des mains des bureaucrates du STTP

Quels que soient les développements qui auront lieu dans les prochains jours, la chose décisive que les postiers doivent reconnaître est qu'ils doivent prendre leur lutte en main. Pour sortir du carcan que leur impose la bureaucratie du STTP et mobiliser le pouvoir social de la classe ouvrière, ils doivent mettre sur pied des comités de base – affiliés au CBTP – dans chaque centre de tri, dépôt et bureau de poste de Postes Canada.

Cela exige une lutte politique dirigée contre l'alliance du STTP et de toute la bureaucratie syndicale avec le gouvernement libéral et le Nouveau Parti démocratique social-démocrate, et contre le cadre de « négociation collective » truqué et favorable à l'employeur sur lequel elle repose. Les postiers doivent se battre pour faire de leur lutte le point de départ d'une contre-offensive plus large de l'ensemble de la classe ouvrière, des secteurs public et privé, contre l'austérité capitaliste, les mesures anti-grèves et la guerre, et pour des services publics bien financés et des emplois sûrs et bien rémunérés.

Le CBTP lutte pour qu'un tel mouvement soit développé à l'échelle internationale, unifiant les travailleurs des postes et d'autres sections de travailleurs au Canada, aux États-Unis et ailleurs contre les demandes des élites dirigeantes dans tous les pays, qui veulent que les travailleurs paient pour le coût de la guerre impérialiste et de la guerre commerciale.

Pour faire avancer la lutte en faveur de cette perspective, Berkley a participé dimanche, au nom du CBTP, à une réunion du Comité de base de la poste américaine, qui a été organisée pour mobiliser les travailleurs postaux contre la volonté de l'administration Trump de privatiser l'USPS. Berkley a déclaré à la réunion :

Les travailleurs des postes et de la logistique à travers l'Amérique du Nord subissent des attaques similaires sur leurs conditions de travail. Nous voyons l'IA et la technologie de surveillance, sous le contrôle de la classe dirigeante, subordonner les travailleurs au profit. Nous devons exproprier ces technologies et les placer sous le contrôle de la classe ouvrière. La classe dirigeante ne cédera pas facilement à ces demandes, mais la classe ouvrière internationale, dont les intérêts sont objectivement alignés sur le processus de production, représente une force sociale beaucoup plus importante et puissante.

Au Canada, les syndicats nous disent de nous aligner derrière nos patrons canadiens, qui utilisent la guerre commerciale de Trump comme excuse pour nous exploiter davantage. La guerre tarifaire, précurseur d'une conflagration militaire mondiale, ne peut être stoppée que par l'unification internationale des luttes des travailleurs. Nous ne devrions pas nous aligner sur nos propres classes dirigeantes sur la base d'un nationalisme réactionnaire. Libérés des bureaucraties syndicales perfides, nous pourrions libérer notre pouvoir social collectif pour lutter en faveur de revendications crédibles afin de défendre nos emplois et d'améliorer nos salaires et nos conditions de travail. C'est pourquoi nous sommes ici aujourd'hui.

Pour mener une lutte efficace contre nos exploiteurs, nous devons fonder notre analyse sur des vérités objectives et redoubler d'efforts pour constituer des comités de base indépendants des bureaucraties syndicales.

Les travailleurs doivent se battre pour une perspective internationaliste et socialiste afin de contrecarrer le nationalisme toxique véhiculé par les médias bourgeois et la bureaucratie syndicale. Les postiers d'Amérique du Nord partagent les mêmes intérêts de classe objectifs, et nous devons nous organiser en conséquence.

(Article paru en anglais le 18 mai 2025)

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