Le réseau de transport public du New Jersey (New Jersey Transit) et le syndicat des cheminots (Brotherhood of Locomotive Engineers and Trainmen – BLET) ont annoncé dimanche une entente de principe pour mettre fin à la grève de trois jours de 450 conducteurs de train. Bien que les termes complets de l'accord n'aient pas été publiés – et sans le moindre vote – la bureaucratie du BLET a ordonné à ses membres de reprendre le travail lundi matin en vue de la reprise du service ferroviaire mardi.
Les informations connues à ce jour, ainsi que la manière dont l'accord a été conclu, montrent clairement qu'il s'agit d'une trahison colossale.
Les responsables du BLET ont refusé de divulguer tout détail. Le président général du BLET, Tom Haas, a seulement déclaré que l'accord « augmente le salaire horaire au-delà de la proposition rejetée par nos membres le mois dernier et au-delà de la situation dans laquelle nous nous trouvions lorsque les dirigeants de NJ Transit ont quitté la table des négociations jeudi soir ». Il ressort clairement des propos de Haas que l’entente n'inclut pas la revendication centrale de parité salariale avec les autres conducteurs de la région.
Haas a également déclaré que les augmentations salariales n'entraîneraient « aucune question budgétaire importante et ne nécessiteraient pas d'augmentation des tarifs ». En d'autres termes, l'accord pourri que les travailleurs ont rejeté a été reconditionné, avec une légère augmentation de salaire compensée par des coupes dans d'autres domaines.
La bureaucratie syndicale s'est efforcée d'isoler la grève dès le début. Seuls deux piquets de grève symboliques ont été mis en place, ce qui a empêché de conscientiser l'ensemble de la classe ouvrière. D'autres travailleurs de NJ Transit ont été maintenus au travail pour compenser la suspension du service ferroviaire. Parallèlement, l'Amalgamated Transit Union a signé la semaine dernière un accord distinct couvrant plus de 5000 travailleurs, renforçant ainsi l'isolement.
La décision du BLET de mettre fin à la grève avant de permettre aux travailleurs d'examiner l'accord et de voter constitue une tentative délibérée de briser l'élan de la grève et de forcer la ratification, sans aucune discussion ou examen par la base.
L'accord doit être rejeté ! Les travailleurs de la base doivent former un comité de grève indépendant de l'appareil syndical pour organiser l'opposition à l’entente, retirer la direction de la grève des mains de la bureaucratie du BLET et établir des liens avec les travailleurs de toute la région. Les travailleurs doivent exiger qu'aucun train ne circule tant que l’entente intégrale n'aura pas été publiée, que ses termes n'auront pas été étudiés et que les travailleurs n'auront pas eu la possibilité d'en discuter et de voter.
La décision de l'appareil syndical de mettre fin à la grève aussi rapidement que possible était précisément due à la position de force des travailleurs. En paralysant l'un des plus grands réseaux de trains de banlieue des États-Unis, les conducteurs ont démontré la puissance de la classe ouvrière et sa capacité à résister à l'érosion incessante des transports publics et des services essentiels.
La grève s'inscrit dans le cadre d'une montée en puissance de la lutte de la classe ouvrière dans tout le nord-est des États-Unis et au-delà. Dans le Connecticut, 3000 travailleurs de l'entreprise militaire Pratt and Whitney sont en grève depuis deux semaines. Les travailleurs des hôpitaux de Rhode Island, des maisons de retraite de New York et de General Dynamics dans le Connecticut menacent de se mettre en grève.
Même les médias bourgeois, qui ont tenté dès le départ d'opposer les passagers aux conducteurs, ont été contraints d'admettre le large soutien de la population. Le Wall Street Journal a reconnu que « malgré les perturbations, de nombreux usagers de NJ Transit ont déclaré qu'ils soutenaient la grève du syndicat en faveur d'une augmentation des salaires».
Les travailleurs des transports publics sont en première ligne d'une crise des infrastructures qui s'aggrave et qui touche l'ensemble de la classe ouvrière. Des décennies de désinvestissement ont poussé les systèmes de transport en commun à travers les États-Unis vers l'effondrement. Les systèmes de transport en commun du pays sont confrontés à un déficit de 6 milliards de dollars après l'assèchement du financement COVID sous la présidence de Biden. À Chicago, des réductions allant jusqu'à 40 % sont à craindre. Dans le New Jersey, le désastre de l'aéroport de Newark – depuis les systèmes de contrôle du trafic aérien défaillants et le manque chronique de personnel jusqu'à une épidémie potentielle de rougeole – illustre l'effondrement plus général des services publics.
La lutte des travailleurs de NJ Transit est, à la base, une lutte politique contre les démocrates et les républicains. Le gouverneur démocrate Phil Murphy, un ancien cadre de Goldman Sachs dont la valeur nette atteint 80 millions de dollars, a été directement impliqué dans les négociations contractuelles avant et pendant la grève.
À la veille du débrayage, Murphy a tenu une conférence de presse pour sermonner les conducteurs sur leurs « obligations » envers les autres travailleurs et leur demander d'accepter des concessions. Dans le même temps, Murphy a applaudi les 14 autres syndicats de NJ Transit qui ont fait passer à toute vitesse des reculs contractuels et des baisses de salaire réel.
L'administration Trump a également été profondément impliquée dans les négociations. L'accord a été finalisé par une médiation fédérale supervisée par le National Mediation Board, que Trump a placé sous le contrôle direct du président en février.
La menace que le Congrès interdise la grève et impose une convention collective assortie de reculs planait sur les négociations, comme il l'avait fait en 2022 pour bloquer une grève nationale du transport ferroviaire de marchandises, après que le BLET et d'autres syndicats eurent évité une grève réclamée par les travailleurs. Cette expérience a prouvé qu'en dépit de leurs désaccords internes, les deux partis capitalistes sont unis dans la défense des intérêts de Wall Street.
Lors de cette grève, le BLET a cyniquement remercié le Congrès d'avoir « permis au processus de fonctionner sans interférence », c'est-à-dire de ne pas avoir formellement interdit la grève. Mais la bureaucratie du BLET a fait le travail à sa place, en annulant le débrayage et en ordonnant aux travailleurs de retourner au travail avant le vote, imposant en pratique l’équivalent d’une injonction.
Les luttes de la classe ouvrière se déroulent dans un contexte de crise politique et sociale sans précédent. Près de quatre mois après le début de son second mandat, Donald Trump progresse rapidement dans l'édification d'une dictature présidentielle, dirigée avant tout contre la classe ouvrière.
Son administration a lancé une attaque frontale contre les infrastructures sociales dont dépendent des millions de personnes, en commençant par le licenciement de centaines de milliers de fonctionnaires fédéraux. Trump a dépêché Elon Musk, l'homme le plus riche du monde, pour démanteler les agences de régulation et mettre en œuvre des milliers de milliards de dollars de réduction des dépenses sociales. Il a lancé une campagne fasciste contre les immigrés et les opposants au génocide à Gaza. L'administration fait disparaître des personnes dans des centres de détention et même dans des prisons étrangères.
Ces mesures répressives sont une répétition générale de la répression de masse visant à écraser l'opposition au pays, en particulier celle de la classe ouvrière.
Les travailleurs ne réagissent pas par la passivité ou le désespoir, mais par une volonté grandissante de riposte. Une ambiance militante se développe dans tous les secteurs de la classe ouvrière. Les appareils syndicaux – qui fonctionnent comme des instruments de gestion des entreprises et de l'État capitaliste – ne pourront freiner ce mouvement éternellement.
Pour se préparer à la confrontation générale qui s'annonce, les travailleurs doivent former de nouvelles organisations de lutte : des comités de base et de grève, indépendants des bureaucraties syndicales. Les conducteurs de NJ Transit disposent d'une base solide pour obtenir un large soutien en faveur de la poursuite de la grève. Une prise de position déterminée de la part d'une partie de la classe ouvrière pourrait rapidement galvaniser la résistance dans l'ensemble de la société.
Une rébellion contre cette entente de trahison doit marquer le début d'une contre-offensive plus large : la mobilisation de tous les travailleurs de NJ Transit, ainsi que des éducateurs, des travailleurs de la santé, des travailleurs fédéraux et d'autres, dans une lutte commune pour défendre les emplois et les infrastructures publiques.
Un tel mouvement doit lutter pour l'expropriation des milliardaires et des grandes entreprises, afin de placer l'économie sous le contrôle démocratique de la classe ouvrière et d'utiliser les vastes ressources de la société pour répondre aux besoins humains.
(Article paru en anglais le 19 mai 2025)