Ce discours a été prononcé par Keith Jones, secrétaire national du Parti de l’égalité socialiste (Canada), lors du rassemblement international en ligne du 1er mai 2025, qui s’est tenu le samedi 3 mai.
La rupture des relations entre les puissances impérialistes d’Amérique du Nord, le Canada et les États-Unis, soulève des questions cruciales de perspective, de programme et de stratégie révolutionnaires pour la classe ouvrière internationale : avant tout, la nécessité pour elle de rejeter toutes les formes de nationalisme, de protectionnisme et de militarisme et de faire de l’internationalisme socialiste l’axe de toutes ses luttes.
Le 28 avril, le Canada a eu des élections fédérales. La campagne a été entièrement dominée par la guerre commerciale mondiale de Trump et ses menaces d'utiliser la « force économique » pour transformer le Canada en 51e État des États-Unis.
Après des semaines pendant lesquelles tous les partis ont vanté un nationalisme canadien belliqueux, les libéraux, sous la direction de leur nouveau chef, l'ancien banquier central et cadre de la finance, Mark Carney, ont réussi à conserver le pouvoir.
Ils l’ont fait en surfant sur une vague d’hostilité populaire envers l’aspirant dictateur et fasciste Donald Trump.
Les libéraux, ces représentants du patronat, qui faisaient face il y a quelques semaines à peine à une défaite électorale écrasante, ont réussi à exploiter l’hostilité des travailleurs à l’égard de Trump. Cela est entièrement dû à la politique réactionnaire des organisations qui prétendent parler au nom de la classe ouvrière : les syndicats et le Nouveau Parti démocratique (NPD) social-démocrate.
Pendant des décennies, ils ont étouffé la lutte des classes, tout en disant aux travailleurs de s’allier aux libéraux, le parti traditionnel de gouvernement national de la classe dirigeante, pour empêcher l’arrivée au pouvoir des conservateurs, les partisans les plus ouverts de la réaction capitaliste. Depuis 2019, le NPD, à la demande des syndicats, a soutenu des gouvernements libéraux minoritaires de droite qui ont mis en œuvre la politique bourgeoise désastreuse mettant les profits avant la vie face à la pandémie de COVID-19 ; ont mené la guerre contre la Russie ; ont diffamé et réprimé les manifestations contre le génocide à Gaza ; ont coupé les salaires réels et ont criminalisé les grèves.
Et les chefs syndicaux et néo-démocrates se sont précipités pour rejoindre les conseils de guerre commerciale du gouvernement libéral, apportant leur soutien sans réserve aux représailles d'Ottawa visant les emplois et le niveau de vie des travailleurs américains.
Le ciment politico-idéologique du partenariat corporatiste que les bureaucrates syndicaux ont forgé avec le capital canadien et son État est le nationalisme réactionnaire canadien et québécois, basé sur le mensonge selon lequel le capitalisme canadien est plus « progressiste », « plus doux et plus aimable » que la rapace République de dollar au sud du Canada.
Comme Trotsky l’a observé, les lieutenants ouvriers du capital cherchent toujours à entraîner la classe ouvrière derrière la bourgeoisie dans ses conflits commerciaux, géopolitiques et militaires en prétendant que l’État impérialiste auquel ils doivent leur allégeance et leurs privilèges est plus « démocratique » ou socialement « avancé » que celui de « l’ennemi ». C'était le cas lors des deux guerres mondiales impérialistes du 20e siècle; c’est le cas aujourd’hui.
Si Carney ou d'autres représentants politiques de la classe dirigeante s’opposent à Trump, c’est qu'ils défendent les profits de la classe dirigeante canadienne, ses intérêts géopolitiques et son droit d’exploiter les travailleurs et les abondantes ressources du Canada.
Même aujourd’hui, l’option que privilégie la bourgeoisie canadienne est de jouer le rôle dûment reconnu d’associé de Washington et de Wall Street dans une forteresse Amérique du Nord dirigée par Trump afin d'assurer l’hégémonie mondiale des États-Unis contre tout autre pays, surtout la Chine.
Les travailleurs vont connaître un réveil brutal. Le gouvernement libéral de Carney se révélera le plus à droite de l’histoire du Canada. Ce sera un gouvernement d’austérité, de réarmement et de guerre, comme l’indique déjà sa critique des politiques-clés des conservateurs, qui, comme les Républicains aux États-Unis, sont de plus en plus un parti d’extrême droite.
Trump est une menace pour les travailleurs du Canada et du monde. Mais les travailleurs ne peuvent le combattre, lui et ce qu'il représente – l’oligarchie, la dictature et la guerre impérialiste – en s'alignant sur la bourgeoisie canadienne, ses fractions rivales ou ses représentants politiques.
Ils doivent plutôt affirmer leurs intérêts de classe indépendants en forgeant un mouvement pour le pouvoir ouvrier, visant à fusionner leurs luttes avec l’opposition de masse à Trump qui émerge à présent au sein de la classe ouvrière américaine. Comme première étape dans la lutte contre l’ordre capitaliste mondial décrépit, les travailleurs doivent rejeter l’alliance syndicale-NPD-libérale ainsi que le nationalisme canadien et québécois, qui servent depuis des décennies à les livrer pieds et poings liés à la classe dirigeante.
Comme l'a expliqué le Parti de l'égalité socialiste (Canada) dans sa déclaration sur les élections :
Tous les bouleversements majeurs de la classe ouvrière en Amérique du Nord – les Chevaliers du Travail, les grèves sur le tas des années 1930, et les luttes sociales de masse des années 1960 – ont galvanisé un soutien de part et d'autre de la frontière canado-américaine, y compris parmi les travailleurs francophones du Québec. La tâche aujourd'hui est de s'approprier les meilleurs éléments de ces traditions de lutte commune et de leur insuffler un nouveau contenu socialiste.
Le 1er mai 2025, engagez le combat pour gagner la classe ouvrière à l'internationalisme socialiste et à la lutte pour une Amérique du Nord ouvrière, seule réponse progressiste à la guerre, à l'oligarchie et à la dictature, en rejoignant les rangs du Comité international de la IVe Internationale, le mouvement trotskiste mondial, et ses Partis de l'égalité socialiste et groupes sympathisants affiliés. Merci !
(Article paru en anglais le 13 mai 2025)