Des milliers de musiciens, d'artistes et de professionnels de l'industrie musicale, dont de nombreux anciens participants au Concours européen de la chanson (connu sous le nom d'Eurovision), ont condamné le génocide à Gaza et la tentative du gouvernement israélien de blanchir et de détourner l'attention de sa campagne meurtrière par sa participation à l'événement annuel.

Quatre mille artistes de cinq pays nordiques ont signé une déclaration demandant l'exclusion d'Israël de la 69e édition de l'Eurovision, qui se déroule actuellement à Bâle, en Suisse. Dans cette déclaration, les artistes clament que leurs demandes sont :

en réponse aux massacres et à la famine qui frappent les Palestiniens de Gaza [...] ainsi qu'à l'occupation de la Palestine par Israël depuis 75 ans et à sa politique d'apartheid. Entre-temps, la Cour internationale de justice a porté des accusations de génocide contre Israël. Nous sommes convaincus qu'Israël ne devrait pas avoir la possibilité de polir son image publique sur la scène de l'Eurovision et de l'utiliser pour dissimuler et poursuivre ses violations des droits de l'homme.

La déclaration condamne également l'hypocrisie de l'Union européenne de radio-télévision, qui diffuse l'événement dans le monde entier. À la suite des protestations croissantes contre l'État d'Israël l'année dernière et cette année, l'UER a affirmé qu'elle n'avait pas le pouvoir d'intervenir, car, selon elle, le concours Eurovision de la chanson est apolitique. Et ce, bien que la Russie ait été exclue du concours en 2022 à la suite de son incursion en Ukraine.

La déclaration anti-génocide se lit comme suit : 

L'UER n'a pas encore pris la décision d'exclure Israël du concours. Ceci est en contradiction et en contraste frappant avec leur décision rapide d'exclure la Russie suite à l'invasion de l'Ukraine en 2022.

L'appel à l'exclusion d'Israël de l'Eurovision 2025 a été repris par le gagnant de l'année dernière, le chanteur suisse Nemo. Dans une action distincte, plus de 70 anciens participants à l'Eurovision ont signé une lettre ouverte demandant qu'Israël et son radiodiffuseur national KAN soient exclus du concours pour protester contre le « génocide d'Israël contre les Palestiniens de Gaza et le régime d'apartheid et d'occupation militaire qui dure depuis des décennies contre l'ensemble du peuple palestinien ».

Parmi les signataires de la lettre figurent les anciens vainqueurs de l'Eurovision Charlie McGettigan, Salvador Sobral et Fernando Tordo, ainsi que la chanteuse britannique Mae Muller, la chanteuse canadienne La Zarra, l'ancienne représentante de la Turquie Hadise Açıkgöz et les concurrents de l'année dernière Ásdís María (Islande) et GÅTE (Norvège). Ces deux derniers artistes ont participé au concours de l'année dernière, que la lettre décrit comme « le plus politisé, le plus chaotique et le plus désagréable de l'histoire du concours ».

L'Eurovision 2024 s'est déroulée à Malmö, en Suède, dans un contexte de protestations publiques contre le génocide et d'intimidation des artistes qui tentaient de défendre la cause des victimes palestiniennes de l'assaut israélien.

Bambie Thug, la candidate de l’Irlande pour 2024, a révélé qu'elle n'avait pas été autorisée à porter son costume original pour l'événement, qui comportait les mots « Palestine libre » et « Cessez-le-feu » en gaélique ancien. Elle a déclaré aux journalistes : « J'ai pleuré avec mon équipe » en apprenant qu'Israël participerait à la compétition finale.

Bambie Thug a déclaré :

Je suis pour la justice et pour la paix et il en sera toujours ainsi. J'espère seulement qu'avec une plateforme, je pourrai atteindre les oreilles de plus de gens. Mon cœur et mes prières vont au peuple de Palestine.

En 2024, toujours au mépris de la politique prétendument apolitique de l'UER, le candidat israélien a été autorisé à chanter la chanson « October Rain », en référence à l'incursion du Hamas du 7 octobre. La chanson, rebaptisée « Hurricane » au dernier moment sous la pression des manifestants, a été accueillie par un concert de huées de la part d'une partie du public.

Cette année, une autre provocation était prévue : la chanteuse israélienne Yuval Raphael présentait la chanson « New Day Will Rise » le 15 mai, également connu dans le calendrier comme le jour de la Nakba, la commémoration annuelle du nettoyage ethnique de plus de 700 000 Palestiniens en 1948. Raphael participait au festival de musique Nova Sukkot Gathering, attaqué par les forces du Hamas le 7 octobre 2023, prétexte utilisé par le régime fasciste de Nétanyahou pour mettre en œuvre le génocide de Gaza prévu de longue date.

Outre les protestations des artistes, le grand public a fait connaître ses sentiments. Lors de la cérémonie d'ouverture officielle du 11 mai, qui s'est tenue devant l'hôtel de ville de Bâle, une foule de manifestants pro-palestiniens s'est rassemblée en brandissant des drapeaux et en réclamant l'exclusion d'Israël. Certains manifestants ont bloqué le tramway transportant la délégation israélienne.

Lors de la première demi-finale, qui s'est déroulée dans la salle de concert de la ville de Bâle, des membres du public ont brandi des drapeaux palestiniens en signe de solidarité avec la population civile de Gaza.

Les manifestants de la ville suisse ont également soulevé le rôle de Moroccanoil, qui est le principal commanditaire de l'Eurovision depuis 2020. Malgré son nom, Moroccanoil est une entreprise de produits capillaires appartenant à des Israéliens.

En réponse aux manifestations et aux protestations, les organisateurs de l'Eurovision 2025 ont mis en place une vaste opération de sécurité, déployant environ 1300 policiers dans toute la ville. L'armée suisse apporte un soutien supplémentaire, tandis que les forces de sécurité françaises et allemandes sont également présentes.

Pour sa part, l'agence de renseignement israélienne Shin Bet a publié mardi les détails de ses propres préparatifs de sécurité pour protéger la délégation israélienne à l’Eurovision. Sous le nom de code « Opération Ouragan », des agents du Shin Bet accompagneront la candidate israélienne tout au long de son parcours à Bâle. La chanteuse a également bénéficié d'une zone de sécurité spéciale pour ses apparitions au concours.

(Article paru en anglais le 17 mai 2025)