La rencontre de mardi à la Maison-Blanche entre le président fasciste américain Donald Trump et le premier ministre libéral canadien récemment élu, Mark Carney, a souligné la rupture historique des relations entre Ottawa et Washington qui s'est produite avec une rapidité stupéfiante au cours des six derniers mois.
Lors d'une conférence de presse dans le bureau ovale, Trump a réitéré à plusieurs reprises son objectif de détruire l'économie canadienne afin de prendre le contrôle du pays et de jeter les bases d'une guerre mondiale contre la Chine. Carney, tout en complimentant obséquieusement le dictateur en puissance, a exhorté le président à accepter l'impérialisme canadien comme un partenaire servile dûment reconnu dans la course au redécoupage du monde entre les grandes puissances.
Soulignant une stratégie proche de l'Anschluss (annexion) de l'Autriche au Troisième Reich par le dictateur nazi Adolf Hitler en 1938, Trump a déclaré à un moment donné, en référence à la suggestion de faire du Canada le 51e État des États-Unis : « Ce n'est pas nécessairement une affaire d'un jour. C'est une question de temps. Ils doivent prendre cette décision. » Il a répliqué à la déclaration de Carney selon laquelle le Canada n'accepterait «jamais » de faire partie des États-Unis : « Il ne faut jamais dire jamais ! » De plus, il a fait une nouvelle fois référence à la « frontière artificielle » qui divise les deux pays et a comparé l'acquisition du Canada à une opération immobilière.
Les commentaires de Trump sur sa politique économique, notamment les droits de douane de 25 % sur les importations d'automobiles, d'acier et d'aluminium en provenance du Canada, ont montré que ces remarques n'étaient rien d'autre que de la rhétorique. Il a déclaré :
Nous voulons fabriquer nos propres voitures. Nous ne voulons pas vraiment de voitures en provenance du Canada. Et nous imposons des droits de douane sur les voitures en provenance du Canada. À un moment donné, il ne sera plus rentable pour le Canada de construire ces voitures. Nous ne voulons pas non plus d'acier en provenance du Canada parce que nous fabriquons notre propre acier et que nous construisons en ce moment même d'énormes usines sidérurgiques. Nous ne voulons vraiment pas d'acier canadien, ni d'aluminium canadien, ni d'autres produits, parce que nous voulons être en mesure de le faire nous-mêmes.
Pendant plus de huit décennies, la classe dirigeante canadienne a défendu ses intérêts impérialistes mondiaux avant tout par le biais d'un partenariat militaro-stratégique et économique étroit avec Washington. À partir de la fin des années 1980, en liaison avec le développement de la mondialisation de la production, les chaînes d'approvisionnement à l'échelle du continent ont entraîné une intégration spectaculaire des économies des deux pays, ainsi que de celle du Mexique. Mais cette période est manifestement terminée.
Trump n'a pas exigé de concessions commerciales de la part du Canada, que ce soit publiquement ou selon des responsables canadiens lors d'entretiens privés, et il a laissé entendre qu'au lieu de renégocier l'accord Canada–États-Unis–Mexique (ACÉUM) – le successeur de l'ALÉNA – qui doit être renouvelé l'année prochaine, il pourrait tout simplement l'abandonner. En effet, les seules « négociations » que Trump souhaite mener concernent les conditions dans lesquelles Washington peut dominer et annexer le Canada au fil du temps. Sa conviction que la relation des États-Unis avec le Canada doit être celle d'un suzerain colonial a été illustrée lorsqu'il a affirmé que lui et Carney avaient une « discussion amicale », contrairement à ce qui s'était passé lorsque « nous avons eu une autre petite dispute avec quelqu'un d'autre ». L'allusion était clairement faite au président ukrainien Volodymyr Zelensky, qui a été renvoyé par Trump en février après une prise de bec entre eux devant la presse lors d'une réunion au cours de laquelle ils étaient censés avoir signé un accord visant à faciliter le pillage des matières premières du pays par les États-Unis.
S'il n'est pas exclu qu'Ottawa et Washington concluent une sorte d'« accord » dans les semaines ou les mois à venir, cela ne changera rien à la réalité : la stratégie de Trump reste l'annexion du Canada. Dans des conditions de rupture complète des relations interétatiques, et de résurgence de la guerre commerciale et du réarmement frénétique qui ont caractérisé la préparation de la Seconde Guerre mondiale dans les années 1930, un tel accord ne vaudrait guère plus que l'accord de Munich entre Chamberlain et Hitler en septembre 1938, que le « Führer » a rompu six mois plus tard pour démembrer et annexer le reste de la Tchécoslovaquie avant de déclencher la Seconde Guerre mondiale en septembre 1939.
Carney, qui est resté silencieux pendant la majeure partie de la conférence de presse alors que Trump se livrait à une série de tirades fascistes décousues, a profité de son discours d'ouverture pour faire l'éloge de son hôte avec effusion. Trump est un « président transformationnel, qui met l'accent sur l'économie, sur le travailleur américain, sur la sécurisation des frontières, sur la lutte contre le fléau du fentanyl et d'autres opioïdes, et sur la sécurisation du monde », a déclaré Carney. « L'histoire du Canada et des États-Unis montre que nous sommes plus forts lorsque nous travaillons ensemble. Et les occasions de travailler ensemble sont nombreuses. » Plus tard, il a applaudi Trump pour avoir « revitalisé l'OTAN », avant d'ajouter : «Mon gouvernement s'est engagé à changer radicalement notre investissement dans la sécurité du Canada et dans notre partenariat. »
Une déclaration ultérieure du bureau du premier ministre sur le sommet de Carney avec Trump a confirmé l'engagement du gouvernement libéral à détourner massivement des ressources pour construire l'appareil militaro-sécuritaire du Canada afin de garantir le rôle de l'impérialisme canadien en tant que protagoniste dans la répartition du monde, de préférence aux côtés de Washington et de Wall Street. Il a déclaré :
Alors que le premier ministre rentre au Canada, il reste concentré sur le renforcement de la force du Canada à l'intérieur du pays. Son nouveau gouvernement transformera la sécurité des frontières, la sécurité de l'Arctique et les investissements du Canada dans la défense nationale.
Le soutien sans retenue de Carney à Trump est intervenu deux jours seulement après que le président a affirmé, dans une interview accordée à la chaîne NBC, qu'il ne se croyait pas obligé de respecter la Constitution américaine et alors que le régime sioniste israélien d'extrême droite, avec l'approbation de Trump, est en train de mettre en œuvre le génocide à Gaza. Comme l'a expliqué le World Socialist Web Site dans une perspective récente, « Trump déclare, en quelques mots à peine, une dictature présidentielle. Les États-Unis sont dirigés par un criminel politique qui considère que la Constitution – et donc tous les droits démocratiques – s’applique ou non selon son bon vouloir. »
Le fait que Carney et son entourage – qui comprenait plusieurs membres éminents de son cabinet – non seulement n'aient aucun problème à s'asseoir avec le dictateur en puissance, mais qu'ils en fassent même l'éloge, montre bien quels intérêts de classe le futur gouvernement libéral sert réellement. Comme Trump, Carney – un serviteur de longue date des super-riches en tant que banquier central et gestionnaire d'investissement qui n'a jamais occupé de fonction élective jusqu'à ce qu'il remporte son siège lors des élections du 28 avril – représente l'oligarchie financière qui domine tous les aspects de la vie sociale et politique. Dans la mesure où cette oligarchie et ses porte-parole politiques « s'opposent » à Trump, ils le font exclusivement du point de vue qu’il ne tient pas compte des intérêts de l'impérialisme canadien en tant que partenaire junior de l'impérialisme américain dans le pillage du monde.
S'il n'y a pas de base sociale pour la défense des formes démocratiques de gouvernement au sein de la classe dirigeante américaine – un fait souligné par le refus des démocrates de s’opposer sérieusement aux mesures dictatoriales de Trump – c'est d'autant plus vrai pour la classe dirigeante canadienne. Une classe qui a consolidé son contrôle sur le nord de l'Amérique du Nord en dénonçant explicitement les traditions révolutionnaires de la bourgeoisie américaine, la classe dirigeante canadienne ne s'est jamais associée à la lutte pour les droits démocratiques. La devise de la bourgeoisie lors de la Confédération canadienne – réalisée sous les auspices de l'Empire britannique sur la base de « la paix, l'ordre et la bonne gouvernance » – n'a pas besoin d'une grande mise à jour pour exprimer sa volonté actuelle de paix et d'ordre pour le Canada corporatif sous une dictature oligarchique.
La prestation de Carney mardi constitue une condamnation dévastatrice de toutes les organisations et personnes qui prétendent que l'opposition à Trump doit être fondée sur les « valeurs canadiennes ». La bureaucratie syndicale, les libéraux, les néo-démocrates et nombre des organisations de pseudo-gauche dans leur orbite ont répété cette affirmation sans cesse tout au long de la campagne électorale fédérale qui vient de s'achever et ont défendu les tarifs de rétorsion adoptés par les entreprises canadiennes dans la guerre commerciale avec les États-Unis. Carney est à la tête d'un gouvernement qui, en plus de chercher à coopérer étroitement avec l’aspirant dictateur de la Maison-Blanche, a l'intention de réduire les dépenses publiques pour investir des dizaines de milliards de dollars supplémentaires chaque année dans l'armée afin de préparer l'impérialisme canadien à la guerre. En effet, les seules « négociations » que Trump souhaite mener concernent les conditions dans lesquelles Washington peut dominer et annexer le Canada au fil du temps.
Comme l'a expliqué le Parti de l'égalité socialiste dans sa déclaration électorale :
L'immense fossé entre les super-riches et la classe ouvrière, ainsi que les tensions nationales et internationales croissantes engendrées par la crise capitaliste, poussent l'oligarchie financière au Canada, comme aux États-Unis, à se tourner vers des formes autoritaires de gouvernement. La normalisation de l'utilisation de la « clause dérogatoire », qui permet aux gouvernements de violer les droits démocratiques fondamentaux censés être garantis par la Charte canadienne des droits et libertés, l'abolition en pratique du droit de grève, la répression policière des manifestants contre le génocide de Gaza et la promotion des forces d'extrême droite et fascistes : tous ces développements révèlent la putréfaction de la démocratie bourgeoise au Canada. [...]
Trump est une menace pour les travailleurs du Canada et du monde. Mais les travailleurs ne peuvent pas le combattre, lui et tout ce qu'il représente – l'oligarchie, la dictature et la guerre impérialiste – en s'alignant sur la bourgeoisie canadienne, l'une ou l'autre de ses fractions rivales ou de ses représentants politiques.
Ils doivent plutôt affirmer leurs intérêts de classe indépendants en forgeant un mouvement pour la prise du pouvoir et en luttant pour fusionner leurs luttes avec l'opposition de masse à Trump qui émerge actuellement au sein de la classe ouvrière américaine.
(Article paru en anglais le 8 mai 2025)