Le WSWS publie ici à la fois la vidéo et le texte du discours du président du comité de rédaction international du World Socialist Web Site, David North, qui a ouvert le rassemblement international en ligne du 1er mai 2025.
En cette célébration du 1er mai 2025, le Comité international de la IVe Internationale, Parti mondial de la révolution socialiste, proclame sa solidarité avec tous ceux qui sont privés de leur droit démocratique à la liberté et même à la vie par les États capitalistes et leurs forces de police à travers le monde.
Le Comité international appelle les travailleurs et les jeunes à élargir la lutte pour la libération du socialiste ukrainien Bogdan Syrotiuk, emprisonné depuis un an et en attente de son procès pour 'trahison', c'est-à-dire pour avoir lutté pour l'unité des travailleurs et des jeunes ukrainiens et russes contre la guerre provoquée par l'impérialisme américain et européen et contre le chauvinisme national réactionnaire promu par les régimes de Kiev et de Moscou.
Nous déclarons notre solidarité avec le peuple de Gaza, qui subit la violence génocidaire du criminel régime israélien, qui agit avec le soutien de tous les gouvernements impérialistes.
Le Comité international et ses sections, les Partis de l'égalité socialiste, s’engagent à continuer de mobiliser les travailleurs en soutien à la lutte du peuple palestinien contre l'État israélien. Nous réitérons notre appel aux travailleurs et aux jeunes en Israël à répudier l'idéologie meurtrière et l'impasse politique du chauvinisme sioniste, et à s'unir à leurs frères et sœurs arabes dans la lutte pour une Palestine socialiste et une fédération socialiste du Moyen-Orient.
Le Parti de l'égalité socialiste aux États-Unis exige le retour immédiat de Mahmoud Khalil, Rümeysa Öztürk et Leqaa Kordia – saisis par les agents de la Gestapo de Trump – à leur domicile aux USA. Nous exigeons la fin immédiate de la persécution des étudiants ou enseignants exerçant leur liberté d'expression garantie par la Constitution américaine tant aux citoyens qu’aux non-citoyens.
Nous dénonçons l'expulsion de centaines de migrants vivant aux États-Unis comme Andry Hernandez Romero et Kilmar Armando Abrego Garcia – vers un camp de concentration au Salvador. Il y a 20 ans, le monde était choqué par la publication de photos révélant les tortures infligées aux Irakiens dans le camp de prisonniers d'Abu Ghraib. L'administration Bush a tenté d'escamoter sa responsabilité dans les sévices sadiques infligés aux soldats irakiens en qualifiant ces crimes d’actes non autorisés commis par des mécréants individuels.
Aujourd'hui, on ne tente même pas de se soustraire à ses responsabilités. L'administration Trump se vante de vouloir expulser des milliers de migrants vivant aux USA vers le centre de détention pour terroristes du Salvador, appelé CECOT. Cette installation, conçue pour accueillir 40 000 êtres humains, est l'équivalent d'un camp de concentration. Les cellules contiennent de 65 à 156 prisonniers ; ils y sont enfermés 23 heures et demie par jour sous éclairage artificiel perpétuel. Ils dorment sur des couchettes métalliques sans matelas, oreillers ou draps. Les détenus sont battus et privés d'alimentation adéquate et des soins médicaux nécessaires. Ils sont systématiqument humiliés et des cas de torture ont été signalés, y compris l’utilisation de décharges électriques.
Lorsque le président du Salvador, Nayib Bukele, a visité la Maison Blanche en avril, le président Trump a déclaré son intention de déporter des Américains « de souche » – des citoyens américains – vers le CECOT; et il a déclaré qu'il serait nécessaire de construire cinq camps supplémentaires pour détenir les dizaines de milliers de personnes qu’il menace d'expulser.
Parmi les récentes victimes des rafles de Trump il y a trois enfants âgés de 2, 4 et 7 ans, tous citoyens américains, expulsés vers le Honduras. L'un d'eux est un garçon de 4 ans à qui l'on a diagnostiqué un cancer de stade 4. Cet enfant a été expulsé sans médicaments et sans accès à des soins médicaux.
À l'occasion du 1er mai 2025, il faut placer les événements dans le contexte historique approprié. Ce 1er mai coïncide avec le 80e anniversaire de la fin de la 2e Guerre mondiale en Europe. Le 8 mai 1945, le régime nazi a capitulé. La capitulation du Japon a suivi trois mois plus tard, après l'incinération d'Hiroshima et de Nagasaki par des bombes atomiques larguées par les États-Unis.
Les six années de la Seconde Guerre mondiale, entre 1939 et 1945, ont vu une barbarie d'une ampleur inimaginable, dépassant tout ce que le monde avait connu auparavant. L'ouverture des camps de concentration en Europe a révélé l'énormité de la barbarie fasciste. Le génocide des Juifs d'Europe – la mise en œuvre d'un massacre industriel systématiquement planifié – n'était qu'une partie effroyable de la violence mondiale déclenchée par le capitalisme.
La guerre a fait entre 70 et 85 millions de morts, environ 3 % de la population mondiale. Le nombre des morts militaires est estimé entre 21 et 25 millions; et entre 50 et 55 millions celui des morts civils. Au lendemain de la guerre, les vainqueurs ont déclaré qu’on ne pouvait plus permettre que se reproduisent les horreurs de ce conflit. Au procès de Nuremberg, en 1945-1946, les procureurs américains ont proclamé que les nouvelles lois tenant les dirigeants nazis pour responsables de génocide et de crimes contre la paix seraient invoquées à l'avenir contre les dirigeants de toute nation, y compris les États-Unis, qui commettraient des actes similaires.
Bien entendu, cette promesse a été oubliée. Dans les décennies qui ont suivi la Seconde Guerre mondiale, les pays impérialistes ont mené des guerres entraînant des millions de morts. Mais même en tenant compte du bilan sanglant des crimes impérialistes, il est clair que l'ordre mondial actuel subit une régression politique et morale stupéfiante. En pleine Première Guerre mondiale, Lénine avait averti que le régime de l'impérialisme tendait à l'effacement dans la pratique entre régimes absolutistes et régimes démocratiques. La règle était : « réaction sur toute la ligne ».
Cette règle est corroborée par les événements contemporains. Un génocide est lancé contre la population de Gaza sous les yeux du monde entier. Les bombardements nazis de Guernica en 1937 et de Rotterdam en 1940 furent considérés comme des actes dépravés ne pouvant être commis que par un État criminel. Mais à présent, l'anéantissement systématique de Gaza où sont larguées des bombes d'une tonne sur des habitants sans défense, est défendu par les gouvernements « démocratiques » d'Europe et d'Amérique du Nord, d'Australie et de Nouvelle-Zélande. Loin de condamner Israël, les puissances impérialistes – ignorant les conclusions de la Cour pénale internationale – criminalisent les manifestations d'étudiants et de travailleurs contre le génocide. Avec un degré de tromperie et de cynisme dont on pensait qu'il n'était pratiqué que par des régimes totalitaires, les mots sont déformés et on leur donne une signification contraire à leur sens original et objectif. Ainsi, la dénonciation du génocide est aujourd'hui traitée d'«antisémitisme», et les Juifs mobilisés contre la campagne d'assassinats de masse de type nazi sont dénoncés comme antisémites.
Au lendemain de l'effondrement du régime nazi, d’innombrables universitaires ont traité le IIIe Reich d'événement historique étrange, similaire à un imprévisible accident de la route, et défiant toute explication logique. Pour réfuter le marxisme et absoudre le capitalisme de son rôle dans la catastrophe, on a affirmé que la cause du fascisme n'était pas à rechercher dans l'économie capitaliste ou la géopolitique impérialiste, mais dans la psychologie, c'est-à-dire dans le caractère irrationnel de la conscience humaine.
Ces explications n'ont apporté aucun éclairage scientifique sur les causes réelles des catastrophes des années 1930 et 1940, et elles sont tout aussi inutiles pour expliquer les événements actuels. 80 ans après l'effondrement du régime nazi et la fin de la Seconde Guerre mondiale, la démocratie constitutionnelle s'effondre, l'influence et le pouvoir des politiciens fascistes montent. Toutes les puissances impérialistes augmentent massivement leurs dépenses militaires. Les politiciens allemands parlent de se préparer à une nouvelle guerre avec la Russie avant la fin de la décennie. L'humanité n'a jamais été, depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, aussi proche d'une guerre nucléaire mondiale.
Les causes essentielles de la descente dans la barbarie politique et vers une guerre mondiale catastrophique sont les mêmes contradictions économiques et sociales du régime capitaliste que celles ayant conduit à la guerre et au fascisme au siècle dernier. Ces contradictions interdépendantes sont, tout d'abord, l'incompatibilité de l'économie mondiale avec le système capitaliste d'États-nation; et, deuxièmement, le caractère socialement destructeur de la propriété privée capitaliste des forces productives, contrôlées par des oligarques assoiffés d'argent, incompatible avec une production sociale comportant le travail des milliards de personnes qui forment la classe ouvrière internationale.
Ces contradictions opèrent aujourd'hui à une échelle et avec une intensité infiniment plus grandes que celles qui ont conduit à la Première et à la Seconde Guerre mondiale. La souveraineté des économies nationales a été dissoute par un vaste réseau mondial produisant à l’échelle du globe. La production de marchandises implique un processus qui intègre le travail d'ouvriers du monde entier. Les tentatives d'identifier l'origine nationale spécifique d’une grande partie des marchandises sont tout à fait absurdes. Alors qu’ils invoquent le caractère sacré de l'économie nationale et proclament que la production nationale est son idéal suprême, l'objectif réel de tous les États impérialistes est de contrôler ou du moins d’obtenir une position favorable dans les réseaux de production mondiaux et la chaîne mondiale des marchandises. La lutte pour la domination et même pour la survie conduit inévitablement à des luttes pour l'accès aux ressources essentielles, dont la main-d'œuvre, et aux marchés mondiaux.
Les États-Unis sont le principal protagoniste de cette lutte mondiale. Si leurs actes revêtent un caractère particulièrement impitoyable et violent, c'est que la lutte de la classe dirigeante américaine pour l'hégémonie mondiale s'inscrit dans le contexte du déclin prolongé de leur puissance économique réelle. La période faste de la puissance productive américaine, quand ses industries dominaient le monde, que l'autorité du dollar était basée sur sa base industrielle massive, authentifiée par les excédents du commerce extérieur, est depuis longtemps révolue.
Au cours des 50 dernières années, les vraies fondations de l'économie américaine sont passées de la production industrielle au parasitisme financier. La richesse de la bourgeoisie américaine ne repose pas sur la croissance de la production mais sur l'expansion illimitée de la dette. Le capitalisme américain est désormais un vaste édifice de capital fictif – les revendications légales sur les flux de revenus futurs découlant de prêts et de formes infinies de création de dettes.
La dette fédérale brute des États-Unis s'élevait en 1970 à 371 milliards de dollars. Elle est passée à 908 milliards de dollars en 1980. En 2020, elle a atteint 26.000 milliards de dollars, et au début de cette année, elle avait encore augmenté de 10.000 milliards de dollars. L'ampleur du parasitisme dépasse presque l'entendement. Le caractère fictif de la richesse est illustré par le fait que seuls 15% des fonds circulant dans les institutions financières américaines financent de nouveaux investissements des entreprises. Les 85 % restants sont consacrés aux actifs existants. Ainsi, le prix des actions négociées à Wall Street et sur les marchés financiers mondiaux n'a que peu de rapport, voire aucun rapport du tout, avec la production de plus-values dans un processus de production réel impliquant une dépense de force de travail.
Selon une étude de la finance internationale publiée en 2021 par le McKinsey Global Institute: « De 2000 à 2020, les actifs financiers – actions, obligations et produits dérivés – sont passés de 8,5 à 12 fois le PIB. Alors que les prix des actifs augmentaient, près de 2 dollars de dettes et environ 4 dollars de passif total, dettes incluses, ont été créés pour chaque dollar de nouvel investissement net.»
Ces derniers mois, de nombreux documents ont été publiés sur la crise de confiance croissante à l'égard du dollar américain, ce qui a entraîné plusieurs ventes de liquidation massives visant Wall Street et l'augmentation du prix de l'or au niveau record de 3 500 dollars l'once. C'est 100 fois plus que le prix officiel de l'or en août 1971, lorsque le président Richard Nixon a mis fin à la convertibilité du dollar en or au taux de 35 dollars l'once.
La signification objective de cette « perte de confiance » est celle-ci: le caractère insoutenable des déficits commerciaux et de la montagne de dettes des USA est désormais reconnu par les investisseurs mondiaux. En clair, on craint que les États-Unis ne soient au bord de la faillite.
C'est cela la clé pour comprendre la politique de l'administration Trump. Quelle que soit la folie et l'insouciance de ses mesures, elles sont toutes, en fin de compte, des réponses désespérées à une véritable crise de l'impérialisme américain. N’ayant aucune réponse humaine pour des problèmes qui sont insolubles sur la base du capitalisme, les mesures prises par Trump ne font qu'intensifier la crise et aggravent la situation.
On sabrera des déficits commerciaux de milliers de milliards de dollars avec des tarifs douaniers. On réduira des déficits budgétaires massifs par des attaques brutale sur les programmes sociaux essentiels. Incapable de créer des richesses par la production, Trump prévoit ouvertement de piller les ressources des autres pays. Dans ce qui est peut-être sa seule déclaration véridique depuis son entrée en fonction, il a dit que le sort de l'Ukraine n’intéressait les États-Unis qu’à cause de ses milliers de milliards de dollars de minerais stratégiques.
Hitler a annexé l'Autriche et la Tchécoslovaquie en 1938, Trump menace de s'emparer du Canada et du Groenland. Il a déclaré son intention de rétablir le contrôle américain sur le canal de Panama.
Il y a une nette similitude entre Hitler et Trump quant à leurs motivations objectives et leurs processus de prise de décision. L'historien britannique Tim Mason, aujourd'hui décédé, a décrit ainsi le régime nazi: « un régime dont les dirigeants étaient de plus en plus empêtrés dans des contradictions économiques et politiques, en grande partie de leur propre fait, et cherchait à y échapper ou à les résoudre par de brusques changements politique et une prise de risque de plus en plus explosive. » Avec cette réserve que la crise sous-jacente n’est pas le fait de Trump, qu’elle s’est développée sur des decennies, la description faite par cet l'historien de l'élaboration de la politique d'Hitler s'applique de même à l'actuel président américain.
La politique de Trump, examinée non pas comme les spasmes mentaux d'un imbécile malfaisant mais comme la réponse de la classe dirigeante américaine à une crise pour laquelle il n'existe pas de réponse progressiste ou pacifique, justifie l'analyse de Trotsky sur l'essence sociale réactionnaire et violente de la « volonté de puissance » des États-Unis. Trotsky a écrit en 1928 :
En période de crise, l'hégémonie des États-Unis s'exercera plus complètement, plus ouvertement et plus impitoyablement que pendant la période de boom. Les États-Unis chercheront à surmonter et à s'extirper de leurs difficultés et de leurs maux principalement au détriment de l'Europe, que ce soit en Asie, au Canada, en Amérique du Sud, en Australie ou en Europe même, ou que cela se fasse pacifiquement ou par la guerre.
Six ans plus tard, en 1934, il a fait une autre prédiction glaçante. Il écrivit:
Le monde est divisé? Il doit être redivisé. Pour l'Allemagne, il s'agissait d'« organiser l'Europe ». Les États-Unis doivent organiser « le monde. » L'histoire met l'humanité face à l'éruption volcanique de l'impérialisme américain.
Cette éruption est à présent en marche. Mais la préparation d'une guerre mondiale nécessite l'escalade de la guerre à l'intérieur. Depuis le début de son second mandat, Trump utilise la fonction de président comme le cockpit d'une dictature militaro-policière. Il ne cache pas son mépris pour la Constitution et les conventions juridiques. Son recours répété aux décrets, sans demander l'approbation du Congrès, se veut une démonstration de ses pouvoirs illimités. Un décret signé par Trump et rendu public le 28 avril autorise l'utilisation du pouvoir militaire et policier, sans restrictions légales. La section 4 de cette ordonnance est intitulée « Utilisation des ressources de la sécurité nationale pour le maintien de l'ordre public ». Elle déclare:
Dans un délai de 90 jours à compter de la date de la présente ordonnance, le Procureur général et le secrétaire à la Défense, en consultation avec le secrétaire à la Sécurité intérieure et les chefs d'agences, le cas échéant, augmenteront la fourniture de moyens militaires et de sécurité nationale excédentaires dans les juridictions locales pour aider les forces de l'ordre nationales et locales.
L'article précise ensuite que
le secrétaire à la Défense, en coordination avec le Procureur général, détermine la manière dont les ressources militaires et de sécurité nationale, la formation, les capacités non létales et le personnel peuvent être utilisés le plus efficacement possible pour prévenir la criminalité.
Ce décret, sans précédent dans l'histoire américaine, abolit – sous couvert manifestement frauduleux de « lutte contre la criminalité » – la Charte des droits et libertés. Soulignant le caractère dictatorial de ce décret, l'article 6 déclare:
Les groupes de travail du Procureur général et du secrétaire à la Sécurité intérieure formés conformément à l'ordre exécutif 14159 du 20 janvier 2025 (Protéger le peuple américain contre l'invasion) doivent coordonner et faire avancer les objectifs de cette ordonnance.
Comme en politique extérieure, Trump n'agit pas seulement sur des caprices individuels, mais en tant que représentant de l'oligarchie qui dirige les États-Unis.
L'administration Trump n'est pas une aberration; elle est bien plutôt l'expression politique de l'incompatibilité des inégalités sociales massives avec la démocratie. En choisissant comme principal conseiller Elon Musk, l'homme le plus riche du monde, et en dotant son cabinet de méga-millionnaires et de milliardaires, Trump ne tente guère de dissimuler le fait qu'il dirige un gouvernement de, par et pour l'oligarchie. Mais Trump n'a pas créé l'oligarchie. Celle-ci est le produit du processus de financiarisation et de l'accumulation de capital fictif.
La focalisation économiquement pathologique sur l'augmentation de la valeur actionnariale – c'est-à-dire des flux de revenus des oligarques – légitime un système intrinsèquement corrompu dans lequel la manipulation d'actifs, et non pas les activités productives, génèrent les profits : les rachats d'actions, les fusions et acquisitions à effet de levier en sont des exemples.
En termes absolus, même en tenant compte de l'inflation, le patrimoine des oligarques multimilliardaires surpasse celui des « Barons voleurs » industriels de la fin du XIXe et du début du XXe siècle. L'ampleur des richesses concentrées dans une partie infinitésimale de la population défie l'entendement. Selon une analyse récente de la distribution des richesses aux États-Unis, ce sont en 2024 mille milliards de dollars de richesses supplémentaires qui ont été générés pour les 19 ménages américains les plus riches. Ce 0,00001 % de la population à détient lui seul près de 2 % de la richesse totale des ménages américains.
Le processus de polarisation sociale se développe comme une tumeur maligne. En 2021, il y avait 1 370 milliardaires. À la fin de l'année 2024, ce nombre était passé à 1 990, soit une augmentation de 45 %. Les 1% les plus riches détiennent 31 % de la richesse des États-Unis. Collectivement, les 10 % les plus riches possèdent 67% de la richesse nationale. À titre de comparaison, les 50 % les plus pauvres n'en possèdent que 3 %.
Ce degré stupéfiant d'inégalité sociale ne peut être maintenu démocratiquement. Il faut souligner que les oligarques dépendent de l'injection continue de crédits publics dans les marchés financiers, surtout dans les situations – comme en 2008 et 2020 – où l'ensemble de ce système frauduleux est confronté au risque d'effondrement.
Ce processus a été illustré par la réponse de la Réserve fédérale et des banques centrales à la pandémie de COVID-19. La principale préoccupation des gouvernements n'était pas de sauver des vies, mais bien plutôt de sauver les marchés financiers et leurs investisseurs de la classe dirigeante.
Comme l'a expliqué mon camarade Nick Beams, qui présentera des salutations à ce rassemblement :
La richesse de l'oligarchie financière ne repose pas sur la création de valeur à travers la production, mais à travers l'injection continue par l'État de capital fictif dans les marchés financiers.
En termes objectifs, l'assaut de l'administration Trump contre la démocratie signifie le réalignement violent des formes politiques de gouvernement sur les rapports de classe existant réellement dans la société. La Maison-Blanche est juchée sur un tas de fumier nauséabond de fraude. Trump, le grossier bonimenteur et maître de l'escroquerie, n'est que la personnification d'une oligarchie criminelle.
Mais l'expérience américaine n'est pas unique. C'est la manifestation la plus prononcée de la vague de contre-révolution politique et sociale qui touche tous les grands pays capitalistes. 80 ans après que le cadavre de Mussolini ait été pendu par les pieds à Milan et qu’Hitler ait mis fin à ses jours en se tirant une balle dans la bouche, partis et politiciens fascistes gagnent en puissance dans presque tous les pays avancés. Il faut faire face à ce fait politique et ses dangereuses implications. Toute minimisation de la réalité, accompagnée de l'auto-illusion rassurante que ce danger passera d'une manière ou d'une autre et que tout reviendra à la normale, ne fait qu'ouvrir la voie à une catastrophe politique.
Mais reconnaître le danger fasciste et la menace d'une guerre mondiale ne signifie pas accepter l'un ou l'autre comme l’issue inévitable de la crise du capitalisme mondial. Une issue très différente est possible. Il ne faut pas sous-estimer le danger du fascisme. Mais il ne faut pas non plus l'exagérer. Trump, dans ses intentions et sa personnalité, est un fasciste. Mais il ne commande pas encore, comme Hitler, un mouvement fasciste de masse. L'histoire enseigne que le développement et la victoire d'un tel mouvement réactionnaire de masse dépend de la démoralisation de la classe ouvrière. Mais ce n'est pas la situation qui prévaut aujourd'hui.
Il est vrai qu'au cours des cinq premières années de cette décennie, la politique capitaliste a acquis un caractère férocement réactionnaire.
Mais parallèlement à la croissance de la réaction capitaliste-impérialiste, un autre processus très différent est en marche: la radicalisation sociale et politique croissante de la classe ouvrière. Ce mouvement se renforce à l'échelle mondiale.
Les mêmes contradictions économiques, sociales et politiques qui poussent les élites dirigeantes vers le fascisme et la guerre donnent aussi l'impulsion nécessaire à la lutte des classes et à la révolution sociale. Le déclenchement de la Première Guerre mondiale en août 1914 a été suivie en février 1917 de l’éruption de la Révolution russe, qui a conduit à la conquête du pouvoir par les bolcheviks en octobre 1917 et la création du premier État ouvrier du monde. La Seconde Guerre mondiale a ouvert les vannes des luttes révolutionnaires de masse de la classe ouvrière et des masses coloniales qui se sont répandues dans le monde entier.
La même dialectique historique est à l'œuvre aujourd'hui. La crise mondiale, se développant sur la base d'un système capitaliste obsolète, permet deux solutions potentielles: soit la fin de la société humaine comme conséquence du fascisme et de la guerre, soit son renouvellement par la révolution socialiste.
Nonobstant tous les dangers qui existent actuellement, et sans sous-estimer les immenses ressources et capacités destructrices de la classe dirigeante, le potentiel d’une révolution sociale est plus grand aujourd'hui qu'à n'importe quel moment de l'histoire. Le pouvoir de la classe ouvrière, au sens objectif, est à son apogée. La désintégration du système d’États-nation a drastiquement érodé les fondements historiques de la domination capitaliste. Mais la mondialisation de la production a considérablement élargi le champ d'action, la taille physique et le pouvoir économique potentiel de la classe ouvrière internationale.
Ces trente dernières années, le prolétariat mondial s'est accru de plus d'un milliard de personnes. Sa taille a augmenté en Afrique, en Asie et en Amérique latine. Dans les pays avancés, le processus de prolétarisation a absorbé des professions auparavant définies comme petites-bourgeoises ou de la classe moyenne. Plus de 60 % des Américains vivent d'un salaire à l'autre, y compris de nombreuses personnes ayant des professions auparavant de la classe moyenne. Même les travailleurs bien payés tirent la quasi-totalité de leurs revenus du salaire. Dans les années 1930, le président Franklin Roosevelt a fait la remarque cynique qu'il empêcherait la révolution en faisant des États-Unis une nation de propriétaires. Mais ces quarante-cinq dernières années, l'accession ouvrière à la propriété a connu un déclin précipité, passant de 65 % à 35 %.
Le « pays des possibilités illimitées » autrefois légendaire est devenu le pays des dettes impayables. La dette des ménages américains s'élève aujourd'hui à 17 500 milliards de dollars, dont les prêts hypothécaires représentent 12 400 milliards de dollars, les prêts automobiles 1 600 milliards, les dettes de cartes de crédit 1 100 milliards et les prêts personnels 600 milliards de dollars. Quant aux étudiants, en débutant dans leur vie professionnelle, ils ont une dette de 1 700 milliards de dollars. En moyenne, 43 millions d'étudiants actuels ou anciens doivent 37 000 dollars. De nombreux diplômés doivent beaucoup plus.
Mais ces statistiques, aussi significatives soient-elles comme indication de la détresse sociale, ne sont pas en elles-mêmes le moteur décisif de la révolution socialiste. Le processus de mondialisation, ruineux pour le système de l'État-nation, unifie la classe ouvrière. Les chaînes mondiales de marchandises peuvent être transformées en réseaux mondiaux pour une action révolutionnaire consciemment dirigée.
De plus, nous vivons actuellement l'une des plus grandes révolutions scientifiques de l'histoire. Les progrès en matière de communication, un sous-produit de cette révolution, ont mis à la disposition de la classe ouvrière des moyens extraordinaires de planification, d'organisation et de direction de ses luttes à l'échelle mondiale.
La classe ouvrière dispose encore d'une autre arme puissante. Le développement des technologies d'intelligence artificielle rend possible une augmentation exponentielle de la capacité de la classe ouvrière à accéder à l'information et à la connaissance. Bien entendu, les élites dirigeantes cherchent à utiliser ces technologies dans l'intérêt du système de profit.
Mais l'IA ouvre des possibilités jusqu'alors inimaginables pour l'éducation et la formation politique des masses. L'appel aux travailleurs de l'hymne historique du mouvement socialiste, l'Internationale – « La raison tonne en son cratère» – est doté à présent de moyens puissants pour sa réalisation. Lorsqu'il a assisté à la première détonation d'une bombe atomique en juillet 1945, le physicien Robert Oppenheimer a rappelé un passage des écritures hindoues: « Maintenant je suis devenu la mort, le destructeur des mondes. » Avec le développement de l'IA, que l'on peut qualifier plus justement d’« Intelligence humaine exponentiellement agrandie » – dans la mesure où elle pénètre et influence la pratique politique des masses – celle-ci devient un allié de la classe ouvrière dans la destruction du capitalisme.
Mais la technologie ne peut à elle seule provoquer la révolution socialiste. Pour que la classe ouvrière impose sa solution socialiste à la crise du capitalisme mondial, il lui faut résoudre la crise de la direction révolutionnaire. Elle doit se libérer du contrôle des partis politiques pro-capitalistes et des bureaucraties syndicales qui font tout leur possible pour étouffer la lutte des classes.
Avant tout, la classe ouvrière doit répudier toutes les formes du nationalisme réactionnaire. L'appel à l'unité de la classe ouvrière internationale n'est pas un rêve utopique. C'est la base essentielle et la seule réaliste de la stratégie révolutionnaire dans le monde moderne.
Il y a cinquante ans ce mois-ci, les ouvriers et paysans vietnamiens ont célébré le 1er mai 1975 en entrant dans Saigon et en renversant le gouvernement fantoche des États-Unis. Il s'agissait d'une défaite massive pour l'impérialisme américain. Mais la révolution a été isolée par la politique nationaliste des bureaucraties staliniennes de Moscou et de Pékin. Et malgré tous les sacrifices de trente années de lutte, l'isolement national a conduit à la restauration du capitalisme et à la dégradation du Viêt Nam en source de main-d'œuvre bon marché.
Cette expérience historique est une nouvelle démonstration qu'il n'y a pas de solutions nationales pour la classe ouvrière aux contradictions globales de l'impérialisme. L'affirmation qu’une alliance multipolaire d'États nationaux représente une alternative à l'hégémonie de l'impérialisme américain est un leurre. Ce qu'il faut, ce n'est pas une nouvelle alliance stratégique d'États nationaux contre les États-Unis et l'Europe occidentale, mais l'abolition du système d'États-nation et de la propriété capitaliste des moyens de production.
Nous sommes entrés dans la période des plus grandes luttes révolutionnaires de l'histoire mondiale, dont dépend le sort de l'humanité. Il est inutile de perdre du temps à spéculer sur la question de savoir si la classe ouvrière est une classe révolutionnaire ou si le socialisme est possible. Marx a écrit dans ses Thèses sur Feuerbach que les débats sur la réalité ou la non-réalité de la pensée, en dehors de la pratique, n'ont pas de sens. Les débats sur la possibilité d'arrêter la guerre, de vaincre le fascisme et d'instaurer le socialisme, séparés de la participation à la lutte des classes, sont totalement inutiles. La possibilité de réaliser le socialisme sera démontrée dans la pratique.
L'histoire du siècle dernier a démontré la possibilité d'une révolution socialiste. Mais elle a également prouvé que la victoire dépend de la construction d'une direction marxiste-trotskyste dans la classe ouvrière. Le Comité international de la IVe Internationale et les Partis de l'égalité socialiste qui lui sont affiliés se consacrent à l'accomplissement de cette tâche.
En ce jour critique du 1er mai, nous demandons à tous ceux qui participent à ce rassemblement mondial de rejoindre notre parti mondial et de lutter pour la victoire du socialisme.
(Article paru en anglais le 5 mai 2025)