Perspectives

Le New York Times et le Parti démocrate tentent d’étouffer la lutte contre Trump

Des milliers de personnes ont manifesté contre l'oligarchie et le fascisme à Oakland, en Californie, le 5 avril 2025. [Photo: WSWS]

Un peu plus de 100 jours après le début de l'administration Trump, la colère monte face à l'assaut du gouvernement contre les immigrants, à ses attaques radicales contre les travailleurs et les programmes sociaux et à ses efforts visant à instaurer une dictature de droite aux États-Unis. La cote de Trump dans les sondages est en chute libre et les dernières semaines ont été marquées par des manifestations réunissant des millions de personnes dans toutes les villes des États-Unis.

La réponse du Parti démocrate est d'étouffer cette opposition et de l'empêcher de remettre en cause la domination de l'oligarchie financière et du système bipartisan, à travers lesquels la classe dirigeante mène ses politiques de guerre impérialiste et de réaction sociale.

Cette perspective a été clairement exprimée par le New York Times, au nom des démocrates, dans son éditorial principal publié le 1er mai, sous le titre «Fight Like Our Democracy Depends on It » (Battez-vous comme si notre démocratie en dépendait). Tout en prétendant présenter une stratégie pour s'opposer à Trump, l'éditorial se préoccupe avant tout des dangers posés par un mouvement anti-Trump de masse.

Il est nécessaire, écrit le Times, de développer une « réponse patriotique » à l'administration Trump. Cette opposition doit être développée « sobrement et stratégiquement, et non par automatisme ou par l’action directe ». L'éditorial met en garde contre une opposition « maximaliste », qui pourrait « donner la priorité à l'émotion plutôt qu'à l'efficacité ».

Par opposition « patriotique » et non « maximaliste » à Trump, le Times entend une opposition fondée sur le soutien à l'impérialisme américain et aux intérêts de profit des entreprises géantes. Et derrière le souci de l'«émotion » se cache une peur profonde et constante d'une opposition sociale explosive, surtout de la part de la classe ouvrière.

C'est ainsi que le Times appelle à une

coalition d'Américains en désaccord sur de nombreux autres sujets – conservateurs et progressistes, internationalistes et isolationnistes, religieux et laïques, favorables aux entreprises et favorables aux travailleurs, pro-immigration et restrictifs, laissez-faire et pro-gouvernement, pro-vie et pro-choix – mais qui croient que ces sujets doivent être décidés par le biais d'un débat démocratique et de procédures constitutionnelles plutôt que par les diktats d'un seul homme.

Ce que le Times propose, c'est une alliance politique entre des fractions de la classe capitaliste pour faire rempart à la colère et à l'opposition sociales montantes. Dans une telle « coalition », c'est l'extrême droite qui fixera le programme politique. Il ne doit pas y avoir de lutte pour défendre l'emploi, le niveau de vie et les droits démocratiques parce que de telles luttes risqueraient de « renvoyer les conservateurs dans le camp de M. Trump ».

Après avoir exposé les fondements droitiers de sa « coalition », l'éditorial déclare qu'elle doit « commencer par reconnaître que M. Trump est le président légitime et que nombre de ses actions sont légales. Certaines peuvent même s'avérer efficaces ».

Peu importe que Trump ait cherché à renverser la Constitution par un coup d'État fasciste et qu'il érige actuellement l'appareil d'un État policier aux États-Unis. Sa « légitimité » ne peut être remise en question car cela remettrait en cause la légitimité de l'État capitaliste. Et que l'on ne vienne pas à recourir au « maximalisme » contre la menace fasciste !

Quant aux politiques qu'il considère comme « efficaces », le Times poursuit en décrivant les mesures anti-immigrés de Trump comme « légales et populaires » : un double mensonge qui accepte tacitement les rafles de masse, les détentions et les expulsions actuellement en cours, y compris l’expulsion d'enfants et l'arrestation d'étudiants immigrés qui s'expriment contre le génocide.

Lorsqu'il détaille les politiques sur lesquelles il est nécessaire de s'opposer à Trump, le Times expose les préoccupations des fractions de Wall Street et de l'appareil de renseignement et l’armée. Le journal cite le fait que Trump «s'est acoquiné avec Vladimir Poutine de Russie et a sapé l'Ukraine », ses «droits de douane chaotiques », le fait qu'il a semé « le doute sur le dollar et l'indépendance de la Réserve fédérale ».

L'éditorial ne dit rien des réductions massives des dépenses sociales préparées par la Maison-Blanche et le Congrès républicain, y compris une attaque contre la sécurité sociale, Medicare et Medicaid, parce qu'il s'agit d'une politique consensuelle de l'élite dirigeante américaine dans son ensemble : les travailleurs doivent payer pour la croissance explosive des dépenses militaires, le sauvetage des super-riches et les milliers de milliards de dollars de dette.

Dans ce long commentaire, il n'est pas fait mention de la structure socio-économique des États-Unis qui a donné naissance à Trump et à son administration fasciste : « oligarchie » et « milliardaires » sont des mots qui n'apparaissent pas dans l'éditorial du Times. Il n'y a aucune mention des manifestations de masse de millions de travailleurs et de jeunes le 5 avril, le 19 avril et le 1er mai contre les politiques de Trump.

Au lieu de cela, les rédacteurs en chef demandent à l'opposition à Trump de faire attention à ses manières et de ne pas ramener l'aile droite dans les bras du dictateur en puissance, tout en saluant les administrateurs d’université – qui ont mené une répression généralisée contre les manifestants anti-génocide – comme un modèle d'« opposition fondée sur des principes ».

C'est précisément les questions de classe fondamentales que le Times cherche à censurer en décrivant la menace pour la démocratie qui émerge des « diktats d'un seul homme », Donald Trump (tout en saluant les précédents criminels de guerre à la Maison-Blanche, de Ronald Reagan à George W. Bush en passant par Barack Obama et Joe Biden, comme des piliers de la démocratie).

À tous ceux qui voudraient mener une lutte sérieuse contre les efforts visant à instaurer une dictature fasciste aux États-Unis, le Times conseille vivement : restez calmes, comptez sur les tribunaux pour limiter les pires excès de Trump, et votez pour les démocrates lors des quelques élections d'État qui auront lieu cette année et lors des élections au Congrès, désormais prévues pour novembre 2026. Cela suppose qu'il y aura encore des élections aux États-Unis d'ici là, plutôt que des plébiscites sous la menace d'armes à feu supervisés par l'armée, les agents de l'immigration et les voyous fascistes républicains.

Dans ses appels contre l'opposition « par automatisme » à Trump, le Times exprime le point de vue de la principale fraction du Parti démocrate, représentée par la direction du Congrès et la plupart des gouverneurs d'État. En début de semaine, la gouverneure du Michigan, Gretchen Whitmer, une démocrate dont le nom est souvent cité comme futur candidat potentiel à la présidence, a participé à un événement avec Trump pour célébrer ensemble une nouvelle initiative militaire.

Moins de cinq ans après que des fascistes alignés sur Trump ont comploté son enlèvement, Whitmer a souri et serré la main de Trump alors qu'ils annonçaient la « recapitalisation » de la base aérienne de Selfridge, qui accueillera désormais une flotte d'avions de chasse F-15.

S'exprimant lors de l'événement en treillis militaire, Whitmer a déclaré :

Je suis vraiment très heureuse que nous soyons ici pour célébrer cette recapitalisation. [...] Elle est cruciale pour l'économie du Michigan, pour notre sécurité intérieure et pour notre avenir.

Cette courbette devant le fasciste en chef reflète le rôle des démocrates en tant que co-gestionnaires de la guerre et co-conspirateurs de la contre-révolution sociale.

Comme l'a fait remarquer le WSWS il y a deux mois, alors que les démocrates cherchaient à détourner l'opposition à Trump derrière un bellicisme anti-Russie :

Il existe deux formes fondamentalement différentes d'opposition à l'administration Trump. Il y a l'opposition croissante de la classe ouvrière à ses attaques contre les programmes sociaux fondamentaux, sa destruction des droits démocratiques, sa persécution des immigrés et son soutien au génocide de Gaza. Et il y a l'opposition de sections importantes de la classe dirigeante, qui s'opposent aux changements de politique étrangère de Trump, en particulier en ce qui concerne l'Ukraine.

Une véritable opposition à l'administration Trump, à la dictature et au fascisme ne peut être menée que dans une opposition intransigeante au Parti démocrate. Cela inclut, il faut l'ajouter, des figures comme Bernie Sanders et Alexandria Ocasio-Cortez, qui utilisent une rhétorique différente, parlant d' « oligarchie », tout en dirigeant toute l'opposition derrière le Parti démocrate, un parti de l'oligarchie et de l'impérialisme.

La seule voie viable passe par le développement d'un mouvement de la classe ouvrière politiquement indépendant, armé d'un programme socialiste et internationaliste. Un tel mouvement doit rejeter la frauduleuse « unité » colportée par le Times et se baser sur les intérêts de classe des travailleurs, des étudiants et des jeunes : contre le capitalisme, contre la guerre et contre la dictature.

Ce samedi, le Comité international de la Quatrième Internationale organise son rassemblement international annuel du 1er mai en ligne, unissant les travailleurs du monde entier dans une lutte commune pour le socialisme. Nous exhortons tous ceux qui souhaitent s'opposer sérieusement à Trump – non seulement en tant qu'homme, mais aussi en tant qu'incarnation d'un ordre politique et économique malade – à participer à ce rassemblement et à en entrer en lutte pour une alternative révolutionnaire.

(Article paru en anglais le 2 mai 2025)

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