Ricardo Prada Vásquez, un père immigrant vénézuélien de 32 ans résidant légalement aux États-Unis, a apparemment été enlevé et emmené au tristement célèbre Centre de confinement du terrorisme (CECOT) du Salvador après avoir emprunté par erreur le pont Ambassador à Detroit, dans le Michigan.
Ce pont, l'un des passages internationaux les plus fréquentés d'Amérique du Nord, relie Detroit à Windsor, dans l'Ontario. En raison de la complexité des autoroutes avoisinantes, même les résidents locaux se trompent parfois de bretelle. Pour Prada, cette erreur innocente a conduit à l'arrestation, à l'emprisonnement et à l'expulsion, ce qui a abouti à sa disparition dans une prison étrangère.
Mardi matin, le New York Times a fait état de l'expulsion de Prada et a indiqué qu'on ne savait pas où il se trouvait. Pendant plus de dix heures, le ministère de la sécurité intérieure (DHS) a refusé de révéler où il se trouvait. Ce n'est qu'à près de 16 h que Tricia McLaughlin, porte-parole du DHS, a publié un communiqué sur X (Twitter), déclarant que Prada avait été « expulsé vers le Salvador » le 15 mars.
McLaughlin a affirmé, sans preuve, que Prada était un « membre du gang TDA [Tren de Aragua] » et une « menace pour la sécurité publique ». Elle a affirmé qu'un juge de l'immigration avait ordonné son expulsion le 27 février.
Le statut d'immigrant de Prada a été clairement établi. Comme l'a d'abord rapporté le Times, en novembre 2024, Prada est entré légalement aux États-Unis après avoir pris rendez-vous à l'aide de l'application CBP One. Sous l'administration Trump, l'application a été transformée d'une plateforme d'asile en un outil d'« auto-expulsion » forcée, rebaptisée CBP Home.
Après son arrivée aux États-Unis, Prada s'est installée à Detroit et a travaillé comme chauffeur-livreur. Le 15 janvier, alors qu'il allait chercher une commande chez McDonald's, il a accidentellement pris un virage qui l'a obligé à traverser le pont Ambassador pour entrer au Canada. Au lieu de lui permettre de faire demi-tour, les services de l'immigration l'ont arrêté pour avoir prétendument tenté de « rentrer » aux États-Unis, malgré son statut légal.
Alors qu'il était incarcéré dans un centre de détention au Texas, Prada a appelé un ami à Chicago, Javier, le 15 mars. Lors de cet appel – son dernier contact connu – Prada a déclaré qu'il pensait être renvoyé au Venezuela. La même nuit, l'administration Trump a mis en branle des vols secrets d’expulsion des immigrants, dont la majorité n'avait pas de casier judiciaire, vers la prison CECOT du Salvador.
Ces expulsions ont eu lieu en violation directe d'une ordonnance du juge James E. Boasberg du tribunal de district de Washington, qui a ordonné que les vols soient interrompus ou qu’ils fassent demi-tour s'ils étaient déjà en vol.
Depuis, Prada n'a plus donné signe de vie. Son nom ne figure pas sur la liste partielle compilée par des avocats et des groupes de défense des droits civils, qui recense les 288 hommes originaires du Venezuela et du Salvador qui ont été transférés illégalement au CECOT en mars. Il n'est pas exagéré de dire que ces hommes ont disparu : le gouvernement américain a refusé de fournir une liste complète, et encore moins des explications, pour toutes les personnes détenues dans la prison.
Des enquêtes indépendantes confirment que l'écrasante majorité des personnes emprisonnées au CECOT n'ont été inculpées d'aucun crime. Parmi les personnes détenues : Andry Hernandez Romero, maquilleur homosexuel ; Arturo Suárez Trejo, musicien ; Jerce Reyes Barrios, joueur de football professionnel et entraîneur ; et Kilmar Abrego Garcia, résident de longue date dans le Maryland, marié à une citoyenne américaine et père de trois enfants citoyens américains.
Lors d'une audience du 4 avril, Erez Reuveni, avocat chevronné du ministère de la justice, a admis qu'Abrego Garcia avait été expulsé à tort en raison d'une « erreur administrative ». Pour cet aveu, Reuveni a été mis en congé, puis licencié le 15 avril pour n'avoir pas « défendu avec zèle » la position de l'administration, à savoir que le gouvernement dispose d'une autorité débridée pour expulser n'importe qui, même des citoyens américains, sans procès équitable ni examen judiciaire.
L'affirmation par Trump du pouvoir de faire disparaître des individus sous l'étiquette « terroriste » est une grave menace pour la démocratie. Ce gouvernement piétine la Constitution et les droits démocratiques sans pratiquement aucune opposition de la part des démocrates ou des institutions officielles.
Alors que des manifestations de masse ont eu lieu dans tout le pays les 5 et 19 avril pour s'opposer aux politiques autoritaires de Trump, notamment à ses attaques contre les immigrés et les étudiants étrangers, les responsables démocrates ont minimisé ou fait écho à ses justifications. Lors d'une conférence de presse tenue le 18 avril, le gouverneur de Californie Gavin Newsom – un candidat probable à l'élection présidentielle de 2028 – a qualifié l'affaire Abrego Garcia de « distraction du jour ». Il a même repris la rhétorique de Trump en disant que les démocrates se rendaient vulnérables à la question « défendent-ils le MS-13 ? »
De même, Axios a rapporté qu'un démocrate de la Chambre des représentants s'est demandé si les expulsions « devraient être un sujet important pour les démocrates », et qu'un autre a rejeté l'indignation publique comme étant simplement la « soupe du jour », affirmant que Trump était en train de « tendre un piège ».
Le Parti démocrate, loin de résister, contribue à la mise en œuvre du programme fasciste de Trump : l'acheminement des richesses vers l'élite financière tout en préparant une guerre mondiale. Les travailleurs ne peuvent pas compter sur les tribunaux, que Trump défie déjà. Si emprunter un mauvais chemin peut faire atterrir un homme innocent dans un donjon étranger, qu'est-ce qui protège tout travailleur – quelle que soit sa citoyenneté – qui ose résister aux politiques fascistes du régime Trump ?
Les disparitions forcées sans procédure régulière ne sont pas les actions d'une démocratie. Elles font écho aux chapitres les plus sombres de la politique étrangère impérialiste américaine, comme le soutien au règne de la terreur en Amérique du Sud connu sous le nom d'Opération Condor, le régime Pinochet du Chili, la « sale guerre » de l'Argentine et la dictature militaire du Brésil.
Les travailleurs doivent agir de manière indépendante pour mettre fin à ce régime sans foi ni loi. Attendre la « prochaine élection » est de la folie. Trump cherche ouvertement à obtenir un troisième mandat inconstitutionnel tout en promettant d'expulser des citoyens américains.
Les travailleurs ne peuvent pas non plus compter sur les syndicats nationalistes. Shawn Fain, du syndicat United Auto Workers, et Sean O'Brien, du syndicat Teamsters, s'alignent sur le nationalisme de guerre commerciale de Trump. Alors que les préparatifs de la Troisième Guerre mondiale s'intensifient, ils offrent leurs services comme « police du travail » pour le dictateur en puissance, tout en soutenant ses attaques contre les immigrés.
Pour défendre les droits démocratiques, les travailleurs doivent former des comités de base indépendants sur chaque lieu de travail : dans les usines, les écoles et les hôpitaux. La lutte contre le fascisme est une lutte de classe. Les moyens utilisés aujourd'hui contre les immigrés seront retournés contre tous ceux qui résistent.
(Article paru en anglais le 23 avril 2025)