Perspectives

Les licenciements à Mack Trucks et la lutte pour l’unité internationale des travailleurs contre la guerre commerciale

Des membres de la section locale 171 de l'UAW font du piquetage devant les installations de Mack Trucks à Hagerstown, dans le Maryland, après avoir fait grève le lundi 9 octobre 2023. Les travailleurs ont rejeté un accord provisoire de cinq ans que les négociateurs de l'UAW avaient conclu avec l'entreprise. [AP Photo/Steve Ruark]

La semaine dernière, Volvo Group North America a annoncé son intention de licencier des centaines de travailleurs dans ses usines Mack Trucks et Volvo Trucks en Pennsylvanie, au Maryland et en Virginie au cours des trois prochains mois. Invoquant l'impact des droits de douane américains sur les commandes de poids lourds, l'entreprise a déclaré qu'elle devait « aligner la production sur la baisse de la demande ».

Si l'on tient compte des suppressions de postes effectuées en février, près de 1000 des 7000 travailleurs horaires de Mack Trucks Lehigh Valley Operations (Macungie, Pennsylvanie), de Volvo Group Powertrain Operations (Hagerstown, Maryland) et de Volvo Trucks New River Valley Operations (Dublin, Virginie) perdront leur emploi. On s'attend à ce que 1300 autres emplois soient perdus chez les fournisseurs et dans les entreprises de ces régions.

Le groupe Volvo a été frappé par les droits de douane sur l'acier, l'aluminium et les composants de camions importés du Canada, du Mexique et de la Chine, cette dernière fournissant au moins 13 % des composants de Mack.

Depuis la déclaration de guerre commerciale du 2 avril de Trump, le « Jour de la libération », qui, selon le président, entraînerait le « retour » des emplois et la renaissance de l'industrie américaine, des milliers de licenciements ont eu lieu. Stellantis a licencié 900 travailleurs dans le Michigan et l'Indiana, après avoir procédé à 4500 suppressions à Windsor, au Canada, et à Toluca, au Mexique. Un millier de personnes supplémentaires sont au chômage technique à l'usine Warren Truck. GM a également annoncé des licenciements à l'usine Zero de Detroit et à l'usine CAMI dans l'Ontario.

Dans le Michigan, centre de l'industrie automobile américaine, le chômage a augmenté pour le troisième mois consécutif en mars pour atteindre 5,5 %, soit le deuxième taux le plus élevé parmi les États américains, selon le Bureau des statistiques du travail.

Le syndicat United Auto Workers n'a rien fait pour défendre les emplois de ses membres. Au contraire, le président de l'UAW, Shawn Fain, a réitéré son soutien aux tarifs douaniers de Trump, après avoir applaudi le président le 26 mars pour avoir « pris des mesures pour mettre fin au désastre du libre-échange qui a dévasté les communautés de la classe ouvrière ».

Les mesures de guerre commerciale de Trump n'ont rien à voir avec la défense des emplois des travailleurs. Elles font partie des efforts de la classe dirigeante pour forcer les concurrents économiques des États-Unis à payer pour le déclin du capitalisme américain qui dure depuis des décennies, tout en ramenant au pays les chaînes d'approvisionnement critiques en préparation de la guerre contre la Chine.

Dans une interview accordée au début du mois à David Sirota, ancien rédacteur de discours de Bernie Sanders, Fain a clairement indiqué que l'UAW soutenait cette campagne de guerre. Fain a déclaré :

Si nous éliminons notre base manufacturière dans ce pays, nous aurons de gros problèmes si nous devons nous défendre. En effet, lorsque vous ne pouvez rien produire, vous vous exposez à des attaques de la part de n'importe qui. J'en reviens à « l'arsenal de la démocratie » pendant la Seconde Guerre mondiale : lorsque les États-Unis se sont engagés dans la Seconde Guerre mondiale, ils l'ont gagnée en utilisant les capacités excédentaires de leurs usines automobiles pour construire des bombardiers, des chars et des jeeps.

En d'autres termes, Fain prône non seulement une guerre commerciale, mais aussi une guerre mondiale comme moyen de reconstruire l'industrie américaine. Une telle guerre serait encore plus catastrophique que la Seconde Guerre mondiale, un conflit qui a coûté la vie à 80 millions de personnes et qui a eu des conséquences dévastatrices à l'intérieur et à l'extérieur du pays. Aux États-Unis, elle a conduit à l'internement des Américains d'origine japonaise, à l'emprisonnement des socialistes et à l’imposition d’un engagement à renoncer à la grève que les syndicats ont fait respecter.

Aujourd'hui, tous les emplois qui sont « rapatriés » seront fortement réduits en raison de l'introduction d'une automatisation de pointe. Dans le même temps, les travailleurs de ces usines seront soumis à de bas salaires et à des conditions brutales afin de renforcer la « compétitivité » des États-Unis.

Les licenciements actuels s'ajoutent à un massacre mondial de l'emploi dans l'industrie automobile. Aux États-Unis, la bureaucratie de l'UAW a permis ce massacre en trahissant les grèves des Trois Grands en 2023.

En 2021, les travailleurs de Volvo NRV ont rejeté trois ententes de capitulation négociées par l'UAW et le Comité de base des travailleurs de Volvo est apparu comme le centre de l'opposition. Son combat a gagné le soutien des travailleurs du monde entier, y compris de la base de Volvo en Suède. En 2023, le Comité de base des travailleurs de Mack a organisé la défaite écrasante de l’entente négociée par l’UAW, avant que Fain n'impose la « dernière, meilleure et ultime offre » de l'entreprise.

Cette rébellion et les organisations qui la mèneront doivent maintenant être développées si les travailleurs veulent défendre leurs emplois et leurs droits démocratiques et s'opposer à la guerre.

Will Lehman, ouvrier socialiste chez Mack Trucks et candidat à la présidence de l'UAW en 2022, a appelé les travailleurs à créer des comités de base pour s'opposer aux suppressions d'emplois et à étendre l'Alliance ouvrière internationale des comités de base pour unir les travailleurs du monde entier. Il a déclaré :

Nous ne gagnerons pas en tant que classe ouvrière « américaine ». Nous devons tendre la main à nos homologues partout dans le monde si nous voulons vaincre les sociétés transnationales.

L'IWA-RFC se bat pour l'unité internationale de la classe ouvrière. Nous ne pouvons gagner que par la solidarité internationale, avec les travailleurs de Chine, du Mexique, de Suède, d'Allemagne et d'ailleurs. Lors de la grève de 2021 à NRV, le comité de base de Volvo Trucks a fourni un véritable leadership et a gagné le soutien des travailleurs suédois de Volvo qui ont vu qu'ils menaient le même combat. Nous n'avons rien contre nos frères et sœurs de classe à l'étranger. Notre véritable ennemi, ce sont les entreprises et leurs actionnaires, ainsi que les gouvernements qui les servent.

Ce que fait Shawn Fain – se ranger derrière les tarifs douaniers de Trump – est une trahison. Ces droits de douane ne sont pas seulement une question d'économie. Ils jettent les bases d'une guerre ouverte avec la Chine. L'objectif est de se déconnecter de l'économie mondialement intégrée. Mais les travailleurs ne sont pas dupes. Nous voyons tous les jours où les pièces sont fabriquées, d'où elles viennent. Il ne s'agit pas de « ramener les emplois au pays ». C'est une illusion. Il s'agit d'une tentative de construire une alternative nationaliste à l'économie mondiale qui ne peut tout simplement pas fonctionner. Nous ne gagnerons pas en nous alignant sur ces manœuvres nationalistes. Nous devons tendre la main à nos homologues de classe partout, au niveau international, si nous voulons vaincre les sociétés transnationales.

Si nous voulons défendre les emplois, cela doit passer par une action coordonnée de la base, non seulement chez Mack, mais aussi chez NRV et les Trois Grands. Il doit s'agir d'un mouvement indépendant contre la bureaucratie de l'UAW, les démocrates et les républicains, avec une collaboration internationale parce qu’il n’y a pas de différence entre nous et nos homologues de classe dans n'importe quel autre pays.

Fain impute la désindustrialisation non pas au capitalisme mais aux accords de libre-échange, comme l'Accord de libre-échange nord-américain (ALÉNA). Pourtant, entre 1975 et l'entrée en vigueur de l'ALÉNA en 1994, 3,4 millions d'emplois industriels américains ont déjà été perdus et les effectifs de l'UAW ont été réduits de moitié, passant de 1,5 million à 777 000. Pendant toute cette période, la bureaucratie de l'UAW n'a rien fait pour défendre les travailleurs.

Au contraire, elle a collaboré avec les employeurs et les deux partis capitalistes dans le cadre d'une campagne nationaliste visant à faire des travailleurs japonais des boucs émissaires, alimentant ainsi le racisme anti-asiatique, y compris le passage à tabac mortel de l'ingénieur sino-américain Vincent Chin à Détroit en 1982.

Dans le même temps, l'UAW a adopté le corporatisme : collaboration totale avec les entreprises et blocage des grèves. Les débrayages nationaux ont pratiquement cessé après 1982. En 1985, l'UAW s'est scindé en deux branches, l'une américaine et l'autre canadienne. Des bureaucrates ont rejoint les conseils d'administration des entreprises, tandis que des centaines de milliers de travailleurs perdaient leur emploi et que la main-d'œuvre automobile, autrefois puissante, subissait une baisse historique des salaires et des conditions de travail.

Face à l'opposition grandissante des travailleurs à l'égard de Fain, Bernie Sanders, les Socialistes démocrates d'Amérique (DSA) et d'autres forces de la pseudo-gauche se sont précipités pour défendre le président de l'UAW. Jacobin, affilié aux DSA, a publié intégralement les récentes remarques de Fain lors d’un événement en ligne, tandis que The Nation a écrit avec enthousiasme :

Fain a été un président remarquablement efficace de l'UAW. Il serait encore meilleur comme président des États-Unis.

Ces organisations jouent un rôle conscient en liant la classe ouvrière aux syndicats pro-capitalistes et au Parti démocrate. Leur rôle consiste à contenir la colère de la classe ouvrière tout en soutenant une campagne de guerre bipartisane.

La lutte pour l'unité de la classe ouvrière correspond aux réalités de la vie économique mondiale moderne. Le modèle Mack Anthem, par exemple, est produit à Macungie pour les marchés nord et sud-américains et contient environ 15 000 pièces provenant de près de 20 pays. Il s'agit notamment de moteurs, de transmissions, de freins et de composants électroniques provenant des États-Unis, du Canada et du Mexique ; de systèmes de sécurité et de logiciels provenant d'Allemagne, de France, de Suède et d'Italie ; de pièces moulées et de composants électroniques provenant de Chine, du Japon, de Corée, d'Inde et de Thaïlande ; et de sous-ensembles provenant de Turquie, de République tchèque, de Hongrie et du Viêt Nam.

La classe ouvrière doit prendre comme point de départ le développement des forces productives, y compris la révolution technologique des quatre dernières décennies qui a rendu possible la mondialisation de la production capitaliste et a rendu les programmes nationalistes des anciennes organisations syndicales complètement non viables.

Proposer de revenir en arrière, de passer de l'économie mondiale à des économies nationales relativement isolées, est réactionnaire et futile.

La vraie question est la suivante : qui doit diriger l'économie mondiale ? Les bandes de capitalistes rivales basées au niveau national qui appauvrissent la classe ouvrière et préparent la troisième guerre mondiale ou la classe ouvrière internationale ? La véritable solution à l'assaut capitaliste contre l'emploi et le niveau de vie, à la dictature et à la guerre est le programme de la révolution socialiste mondiale.

(Article paru en anglais le 22 avril 2025)

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