Les droits de douane de Trump ébranlent Mélenchon et le Nouveau Front Populaire

L’imposition par un président fasciste à Washington de droits de douane visant à transférer l’activité économique du reste du monde vers les Etats-Unis marque un tournant historique. En même temps, Trump fait déporter en parfaite illégalité des milliers de travailleurs et d’étudiants, souvent vers des camps de concentration en dehors du pays, et menace d’annexer le Canada, le Groenland, et le Panama. Que signifie cet effondrement de l’ordre capitaliste mondial pour la lutte des classes?

Il y a une remontée internationale des luttes et des revendications ouvrières, face à la menace de pertes d’emplois et à la dictature que Trump tente d’installer. Le 5 avril a vu deux mobilisations nationales d’ampleur: des millions d’Américains ont manifesté contre les mesures de Trump, et des centaines de milliers d’Espagnols ont défilé contre les hausses des loyers. Des grèves nationales se préparent, des enseignants britanniques et des cheminots français.

Surtout, la classe ouvrière internationale est confrontée à la nécessité d’ôter le pouvoir à une oligarchie capitaliste qui mène le monde au krach économique et à la guerre. Tout le discours des bureaucraties qui gèrent et étouffent la lutte des classes se révèle périmé. L’effondrement des bases du commerce mondial, le conflit USA-Chine et un président américain qui déclare son admiration pour Hitler ne sont pas des problèmes que les travailleurs peuvent résoudre en essayant de «peser» sur des négociations syndicales avec le patronat et l’État français.

Cette actualité révèle la faillite des bureaucraties syndicales et leurs alliés, tels le Nouveau Front Populaire (NFP) dirigé par Jean-Luc Mélenchon, qui s’orientent vers une alliance avec la classe dirigeante sur une perspective nationale, militariste et protectionniste. Tournant le dos aux travailleurs en dehors des frontières de la France, ils font une politique d’Union sacrée.

Sophie Binet, patronne de la bureaucratie stalinienne de la CGT, a appelé à l’intégration des syndicats dans une «cellule de crise» dirigée par Macron et son premier ministre, François Bayrou. Alors que Trump se moquait de «ces pays qui m’appellent et me lèchent le cul» pour l’implorer de retirer ses droits de douane, Binet s’est vite déclarée prête à négocier avec Trump des droits de douane visant l’industrie et l’emploi de part et d’autre de l’Atlantique.

«On sait que l’impact des négociations est très important pour les salariés, les citoyennes et les citoyens donc il faut que tout le monde soit autour de la table», a dit Binet. Elle a appelé à ce que «le Premier ministre réunisse au plus vite les secrétaires généraux des organisations syndicales et des organisations patronales pour évaluer la situation et mettre en place une cellule de crise qui rassemble les syndicats, le patronat, la Banque publique d'investissement, la Caisse des dépôts».

Binet à appelé à «une forme de patriotisme économique pour privilégier le made in France et le made in Europe». Or, comme le démontrent les remarques de Binet sur le plan de réarmement de l’Union européenne à 800 milliards d’euros, le «patriotisme économique» n’est qu’un euphémisme pour un nationalisme militariste qui appauvrit les travailleurs et mène à la guerre.

Le réarmement de l’UE est financé par des emprunts massifs qui nécessite une austérité profonde contre les travailleurs afin d’épargner les grandes fortunes. L’augmentation du budget militaire français de 100 milliards d’euros en 2023 a été financée par une réforme des retraites massivement impopulaire. Néanmoins, Binet a salué le réarmement européen, en disant qu’il fallait «prendre acte du fait que l'Otan est mort». Elle a applaudi «une Europe qui s'émancipe des États-Unis».

Or, les travailleurs ne peuvent pas se défendre contre l’impérialisme en laissant les bourgeoisies impérialistes européennes formuler une stratégie militaire et commerciale agressive, que ce soit en tant qu’allié ou qu’opposant des Etats-Unis. Cette perspective de défense nationale tourne le dos à une lutte commune avec les travailleurs américains et d’autres pays contre l’impérialisme, est en faillite. Elle propulse une course aux armements qui mène, surtout sur fond de guerre commerciale mondiale, à la guerre mondiale tout court.

Cette perspective étouffe également les luttes ouvrières en France. En effet, dans les salutations de Binet au réarmement de l’UE, on voit pourquoi la bureaucratie cégétiste a mis fin brutalement aux grèves de masse contre la réforme des retraites en 2023. Partisane du réarmement impérialiste européen, cette bureaucratie n’était pas disposée à lutter contre une réforme essentielle aux visées militaires de l’impérialisme français.

Alors que la bureaucratie cégétiste s’empresse de négocier avec Trump, son allié au sein du NFP, Jean-Luc Mélenchon, poursuit une politique qui semble être diamétralement opposée, du moins du point de vue de la géopolitique.

Traitant Trump de «personnage brutal», il propose à Macron des accords commerciaux avec les Chinois pour trouver des débouchés pour les produits français éconduits du marché américain: «On ferait mieux de s'entendre avec eux pour discuter et avoir un partenariat privilégié pour faire des affaires ensemble.»

Mais cette perspective nationaliste pour un rapprochement entre l’impérialisme français et Beijing est minée de contradictions: Mélenchon mélange les guerres comme un jongleur maladroit qui veut garder en l’air une balle de trop. Alors qu’il appelle à une alliance commerciale avec la Chine contre les USA, il se dit prêt à continuer à armer l’Ukraine dans la guerre de l’OTAN contre la Russie, qui dans cette guerre dispose d’un soutien économique chinois.

Mélenchon a averti, bien sûr, qu’armer l’Ukraine pose le danger d’une guerre avec la Russie: «Je mets en alerte tous ceux qui s’amusent à la guerre de studio. Nous, les Français sommes extrêmement vulnérables. Il suffit d’un coup à la Hague, un coup sur la centrale de Nogent ou un coup dans la vallée du Rhône et il n’y a plus de France.» Néanmoins, il appelle à continuer à armer l’Ukraine: «Il faut qu’on tienne parole, il ne faut pas que les Ukrainiens soient désarmés.»

En réalité, le noyau de la perspective de Mélenchon est le même que celui de Binet. Craignant une explosion sociale à l’intérieur comme à l’extérieur de la France, il rejette la lutte des classes, préférant des alliances avec la bourgeoisie pour réaliser des manœuvres entre Etats-nation capitalistes. Ceci ressort dans l’entrevue cordiale qu’il a accordée récemment au quotidien de droite britannique, le Daily Telegraph.

Déclarant au Telegraph que «La France est prête à se révolter», Mélenchon a poursuivi: «Ceux en haut ne peuvent plus rien faire car quoi qu’ils fassent, c’est l’opposé qui arrive ou peronne ne leur obéit, et en bas, ils en ont marre – quoi qu’on leur dise de faire, ils le trouvent intolérable, odieux. Nous sommes arrivés à ce stade. Quel sera le moment de rupture? Je ne sais pas exactement».

Si Mélenchon l’ex-sénateur et ministre capitaliste s’est donné au Telegraph pour un révolutionnaire («Toute ma vie, les choses ont eu un goût révolutionnaire particulier, un parfum particulier»), il a aussi souligné la distance qu’il prend vis-à-vis la lutte des classes et la gauche. Déclarant que le monde se trouve «Après la bataille des bourgeois et des prolétaires», reléguée selon lui à l’histoire du 20e siècle, il s’est dit partisan de l’ordre capitaliste: «Je ne suis pas anarchiste, au contraire, je suis pour l’ordre … Je ne suis pas gauchiste. Je suis Républicain jusqu’à la moëlle.»

Cette invocation des principes proclamés par la République française pour couvrir une hostilité envers la gauche et la lutte des classes est cynique et fausse. Alors que l’explosion sociale se prépare, il faut déjà lancer l’alarme. Liberté, égalité et fraternité sont menacées en France et à l’international. Elles ne peuvent être défendues qu’en libérant les énergies, les revendications et les luttes des travailleurs et des jeunes du carcan politique que veulent leur imposer le NPF et les bureaucraties syndicales.

L’heure est à la construction d’organisations de la base, de comités d’action rassemblant les travailleurs et les jeunes, coordonnant au-delà des frontières nationales les luttes contre la guerre, le fascisme et le capitalisme. La seule perspective politique viable pour ces comités est de transférer le pouvoir de l’oligarchie capitaliste en faillite vers les travailleurs. La défense de la démocratie est à présent entièrement liée à une lutte révolutionnaire des travailleurs pour le socialisme.

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