Une lettre ouverte signée par près de 1 000 réservistes et anciens réservistes de l'armée de l'air israélienne (IAF) appelle à la fin de la guerre contre Gaza. La lettre, signée la semaine dernière, exhorte tous les citoyens israéliens à exiger la fin de la guerre, mettant en garde contre le risque que les bombardements israéliens de Gaza mettent en danger la vie des otages israéliens.
L'initiative de lettre ouverte implique des personnalités sionistes de premier plan dont les préoccupations concernent la sécurité immédiate et à long terme de l'État israélien, que le gouvernement fascisant du Premier ministre Benyamin Netanyahou remet en question.
Parmi les signataires figure Dan Halutz, ancien chef d'état-major des Forces de défense israéliennes (FDI). Il a commandé l'armée de l'air israélienne pendant la seconde Intifada, ordonnant des assassinats ciblés de militants palestiniens. Parmi les autres signataires figurent d'anciens chefs du Mossad, l'agence de renseignement israélienne.
Cette lettre est un symptôme des divisions et de la crise croissantes en Israël, qui ont été exacerbées par les coûts immenses de l'assaut militaire sur Gaza, sur le plan économique, social et politique, y compris, bien que cela ne trouve aucune expression consciente dans la lettre ouverte, le discrédit de l'ensemble du projet sioniste au milieu d'une campagne de violence génocidaire sans précédent depuis la guerre d'extermination des nazis contre les Juifs d'Europe.
Signée par des membres de cette même armée de l'air israélienne qui a détruit plus de 69 pour cent de Gaza, tuant plus de 60 000 Palestiniens, cette lettre exprime ouvertement la colère populaire grandissante face au sort des otages israéliens, instrumentalisés comme paravent pour mener une guerre d'anéantissement. Elle a suscité un tollé politique en Israël et a été suivie par d'autres lettres ouvertes de hauts responsables de l'armée et des services de renseignement, de médecins, de parachutistes et de réservistes, appelant le gouvernement Netanyahou à donner la priorité au retour des otages à Gaza, quitte à mettre fin à la guerre.
La lettre des réservistes de l'armée de l'air israélienne stipulait: «La poursuite de la guerre ne fait avancer aucun des objectifs déclarés et entraînera la mort des otages, des soldats de Tsahal et de civils innocents. Comme cela a été prouvé par le passé, seul un accord [de cessez-le-feu] peut permettre le retour sain et sauf des otages, tandis que la pression militaire conduit principalement à leur élimination et à la mise en danger de nos soldats.»
Elle ajoutait: «Actuellement, la guerre sert principalement des intérêts politiques et personnels, et non des intérêts sécuritaires.» Cela fait référence à l’idée largement répandue selon laquelle Netanyahou aurait mis fin au cessez-le-feu en mars, qui aurait permis la libération des 59 otages restants, afin d’apaiser ses partenaires d’extrême droite de la coalition et ainsi garantir la survie de son gouvernement et l’abandon de son procès pour corruption.
Reflétant les mêmes divisions qui ont éclaté en manifestations de masse en 2023, avant le 7 octobre, suite à l'attaque de Netanyahou contre le système judiciaire et ses tentatives d'établir un régime dictatorial, les signataires se sont également opposés au limogeage du chef du Shin Bet (Agence de sécurité israélienne), Ronen Bar, et aux tentatives de destitution du procureur général Gali Baharav-Miara.
Le fait que, suite aux réunions tenues par le chef de l'armée de l'air israélienne Tomer Bar et le chef d'état-major des FDI Eyal Zamir avec certains des signataires, la lettre n'ait pas été publiée, témoigne de la loyauté des manifestants envers l'État sioniste.
Netanyahou a réagi en intensifiant son offensive meurtrière à Gaza et en accusant ses opposants de trahison. Enhardi par le soutien indéfectible de l'administration Trump, il a clairement indiqué que même si un accord était conclu pour libérer tous les otages, la guerre d'anéantissement menée par Israël se poursuivrait.
Exigeant la reddition inconditionnelle du Hamas, Netanyahou a insisté sur le fait que la guerre d'Israël ne prendrait fin que si le Hamas était désarmé et ses dirigeants envoyés en exil. Il a insisté sur le fait qu'Israël conserverait le contrôle de la «sécurité» de Gaza, euphémisme pour l'annexion, et mettrait en œuvre le plan de nettoyage ethnique des Palestiniens de Donald Trump.
Mercredi, le ministre de la Défense, Israël Katz, a averti que l'assaut sur Gaza s'intensifierait avec une «force énorme», avec un blocus prolongé de l'aide humanitaire alors même que les responsables de l'Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine (UNRWA) mettaient en garde contre des conditions de famine, si le Hamas n'acceptait pas les conditions d'Israël.
Netanyahou s'est insurgé contre la lettre des réservistes de l'armée de l'air israélienne, déclarant que «le refus de servir est un refus de servir, même s'il n'est sous-entendu que de façon camouflée […] Les déclarations qui affaiblissent l'armée israélienne et renforcent nos ennemis en temps de guerre sont impardonnables».
Il a soutenu la décision de l'armée israélienne de renvoyer les réservistes qui ont signé la lettre en service actif, bien que l'armée ait affirmé que la plupart des signataires étaient des personnels retraités.
Il a décrit les signataires comme «un groupe d'extrémistes marginaux qui tentent une fois de plus de briser la société israélienne de l'intérieur. Ils ont tenté de le faire avant le 7 octobre et le Hamas a interprété leurs appels au refus comme une faiblesse».
Il s’agissait d’une tentative de faire porter la responsabilité de l’attaque du 7 octobre par le Hamas aux réservistes qui avaient juré, lors des manifestations antigouvernementales de masse de 2023, qu’ils «cesseraient de se porter volontaires» pour le service militaire si le pays devenait un régime qu’ils ne considéraient plus comme démocratique.
Netanyahou a accusé les signataires d’«agir dans un seul but: faire tomber le gouvernement».
Peu de temps après la lettre de l'armée de l'air, plus de 1 600 anciens parachutistes et soldats d'infanterie des Forces de défense israélienne, dont certains servent encore comme réservistes, ont également signé une lettre ouverte exigeant que le gouvernement parvienne à un accord pour ramener les otages chez eux.
Des soldats de l'unité de renseignement 8200 des FDI ont écrit une lettre le 11 avril appelant le gouvernement à libérer les otages, même si cela implique l'arrêt des combats à Gaza. Les officiers de l'unité 8200 ont déclaré: «Nous partageons l'affirmation grave et troublante selon laquelle, à l'heure actuelle, la guerre sert principalement des intérêts politiques et personnels, et non des intérêts sécuritaires.»
Dimanche, un groupe d'environ 200 médecins réservistes a signé une lettre similaire, tandis que des centaines d'écrivains, poètes et personnalités littéraires israéliens, dont Nitza Ben-Dov, lauréate du Prix Israël, le dramaturge Yehoshua Sobol, Ofra Offer Oren, lauréate du Prix Sapir, et la journaliste et écrivaine Daniella London Dekel, ont signé une pétition presque identique appelant à la fin immédiate de la guerre à Gaza. La pétition exigeait également le retour des 59 otages restants, dont beaucoup sont morts, et l'élaboration d'un plan clair mais non spécifié pour l'avenir de Gaza et de ses habitants.
Lundi, les diplômés du prestigieux programme Talpiot des FDI ont également exprimé leur soutien à la lettre signée par les réservistes et les vétérans de l'armée de l'air. Leur lettre mettait en garde contre «l'érosion des forces de réserve israéliennes» et exhortait l'opinion publique à condamner les tentatives visant à faire taire les voix dissidentes.
D'autres lettres proviennent d'anciens membres du Mossad, dont trois anciens chefs du Mossad: Danny Yatom, Efraim Halevy et Tamir Pardo, des réservistes de la marine et des réservistes de l'armée de l'air.
Ces lettres ouvertes font suite à une baisse significative du nombre de réservistes se présentant au service. Alors que les FDI affirmait que le taux de présence à la mi-mars était de 80 pour cent, Kan, la chaîne radio télévisuelle publique israélienne, a indiqué qu'il était d'environ 60 pour cent et Haaretz a cité 50 pour cent. Le chef d'état-major des FDI, Zamir, a récemment déclaré aux membres du cabinet de sécurité nationale qu'ils devraient «abandonner certains de leurs fantasmes» concernant la conquête de Gaza en raison du manque de soldats combattants, selon un article de Ynet.
De nombreux réservistes ont passé 18 mois au combat, combattant sur sept fronts, ce qui a eu des répercussions sur leurs revenus, leurs emplois et leurs entreprises. De nombreuses familles ont été contraintes de quitter leur domicile près de la frontière avec le Liban et Gaza. En janvier, l'armée israélienne a signalé que 891 soldats étaient morts en 2023-2024, dont 38 suicides, et plus de 5 500 blessés. Le budget 2025 ne laisse présager aucune fin en vue. Selon la Banque d'Israël, le coût de la guerre de 2023 à 2025 pourrait s'élever à 55,6 milliards de dollars, soit 10 pour cent du PIB israélien.
Le nombre croissant de refuzniks a sans doute de multiples causes: préoccupations économiques, lassitude face à la guerre, ressentiment envers la domination des partis ultra-orthodoxes sur la vie politique et démoralisation face à une guerre à laquelle s'opposent des millions de personnes dans le monde, y compris des Juifs. Dans un petit nombre de cas, des réservistes refusent de servir en raison de leur opposition au génocide. Mais aucune lutte progressiste ne peut être menée contre le gouvernement d'extrême droite de Netanyahou sans s'opposer au génocide et à la dépossession des Palestiniens.
Les responsables de l'armée et des services de renseignement qui réclament la fin des combats sont les mêmes forces politiques qui ont mené les manifestations de 2023 contre les efforts de Netanyahou pour neutraliser le pouvoir judiciaire. Leur désaccord est purement tactique sur la survie de l'État sioniste – et vise, de plus, à favoriser les plans de guerre des États-Unis et d'Israël contre l'Iran, compromis par la guerre qui s'éternise à Gaza.
Les travailleurs israéliens doivent adopter un nouvel axe politique, s'unir et lutter pour la libération des masses palestiniennes de l'oppression sioniste. En s'opposant à toutes les factions de leur classe dirigeante, ils doivent placer au cœur de leur lutte l'opposition au génocide de Gaza et à l'exclusion ethno-religieuse de type apartheid, fondement de l'État israélien.
[Article paru en anglais le 17 avril 2025]