Alors que les marchés financiers mondiaux sont de plus en plus perturbés et que des milliers de milliards de dollars sont effacés de la valeur des actions dans le monde entier en raison de la guerre économique menée par les États-Unis, le président Trump menace d’augmenter à nouveau de 50 % les droits de douane sur les produits en provenance de Chine.
Cette menace est une réponse aux représailles de Beijing aux « droits de douane réciproques » de 34 % imposés à la Chine la semaine dernière.
Dans un message publié sur les réseaux sociaux, Trump a écrit que si la Chine ne supprimait pas sa riposte de 34 % d’ici à aujourd’hui, « les États-Unis imposeront à la Chine des droits de douane SUPPLÉMENTAIRES de 50 % à compter du 9 avril ».
Si ces droits supplémentaires sont imposés, ils porteront le total des droits de douane imposés à la Chine à plus de 120 %.
Rien n’indique que Beijing fasse marche arrière, et la Chine ne semble pas chercher à négocier ou à discuter. Il semble plutôt que Beijing soit d’avis que la chute de Wall Street – le marché est sur le point d’entrer en territoire baissier (une chute de 20 % par rapport au sommet précédent) – fera plier les États-Unis.
Réagissant à la dernière menace américaine, un porte-parole de l’ambassade de Chine a déclaré : « Il s’agit d’une démarche typique d’unilatéralisme, de protectionnisme et d’intimidation économique. Nous avons souligné plus d’une fois que faire pression sur la Chine ou la menacer n’est pas une bonne façon de s’engager avec nous. La Chine préservera fermement ses droits et intérêts légitimes. »
Dans d’autres déclarations faites lundi, Trump a insisté sur le fait que, contrairement à ce qu’ont rapporté certains médias, il ne cherchait pas à obtenir une pause dans l’imposition des droits de douane afin de permettre des négociations avec les « nombreux pays » qui souhaitent s’entretenir avec lui.
« Nous allons conclure des accords équitables et de bons accords avec chaque pays, et si nous ne le faisons pas, nous n’aurons plus rien à faire avec eux ; ils ne seront pas autorisés à participer aux activités économiques des États-Unis », a-t-il déclaré.
S’exprimant lors d’une conférence de presse à l’issue d’une rencontre avec le premier ministre israélien Benjamin Netanyahou, il a indiqué que bien que des négociations soient possibles, « il reste des choses dont nous avons besoin et qui vont au-delà des droits de douane ».
Ce commentaire met en évidence l’un des objectifs plus vastes de la guerre tarifaire, qui consiste à aligner les pays sur la politique étrangère de l’impérialisme américain, en particulier sur sa campagne contre la Chine.
C’est ce qu’indique la fiche d’information sur l’annonce des droits de douane du 2 avril, qui précise qu’il pourrait y avoir un ajustement pour diminuer les droits de douane « si les partenaires commerciaux prennent des mesures significatives pour remédier aux accords commerciaux non réciproques et s’aligner sur les États-Unis en matière d’économie et de sécurité nationale ».
La plus grande question de « sécurité nationale » pour les États-Unis est la montée en puissance économique de la Chine, qu’ils considèrent comme la plus grande menace pour leur domination mondiale et qu’ils sont déterminés à écraser par tous les moyens qu’ils jugent nécessaires, y compris la guerre.
Les objectifs de l’administration ont été exposés par le conseiller principal de Trump pour le commerce et l’industrie, Peter Navarro, dans un commentaire publié dans le Financial Times.
Navarro, le principal faucon antichinois de l’entourage de Trump, a déclaré que le système commercial international est cassé et « truqué contre les États-Unis », ce qui entraîne une « urgence nationale menaçant notre prospérité économique et notre sécurité nationale ».
Il insiste sur le fait que les problèmes vont bien au-delà des droits de douane proprement dits et comprend une « rafale d’armes non tarifaires », notamment des subventions, des normes de produits, des régimes de licences et des procédures douanières, pour n’en citer que quelques-uns, qui sont utilisés pour « étrangler les exportations américaines ».
Parmi les pays les plus durement touchés, on trouve ceux de l’Asie du Sud-Est – le Cambodge fait face à des droits de douane de 49 % et le Viêt Nam de 46 % – qui sont devenus des plateformes de fabrication pour les entreprises, y compris de nombreuses entreprises américaines, qui avaient transféré certaines de leurs activités hors de Chine afin de tenter d’éviter les droits de douane imposés par la première administration Trump.
Le commentaire de Navarro montre clairement pourquoi l’offre du Viêt Nam de réduire ses droits de douane à zéro n’a rien donné, car les hausses de droits de douane dans cette région ont été dirigées contre la Chine.
« Nous voulons entendre des pays comme le Cambodge, le Mexique et le Viêt Nam nous dire qu’ils cesseront de permettre à la Chine d’échapper aux droits de douane américains en transbordant ses exportations dans leurs pays », écrit-il.
Les marchés boursiers asiatiques sont les plus durement touchés par les turbulences qui ont secoué les marchés lundi. La chute la plus importante a été enregistrée par l’indice Hang Seng de Hong Kong, qui a chuté de plus de 13 %, sa pire journée du siècle, dépassant les chutes enregistrées en 2008 et la chute causée par la pandémie de mars 2020.
À la fin de la journée, Wall Street s’est stabilisée après la chute de deux jours de la semaine dernière, la quatrième plus importante de l’après-guerre.
La journée a commencé par une nouvelle chute brutale. Le marché s’est ensuite redressé à la suite d’informations erronées selon lesquelles Trump envisagerait une pause dans l’augmentation des droits de douane, avant de repartir à la baisse, le S&P 500 terminant la journée avec une légère perte de 0,2 %.
Mais les turbulences du marché sont loin d’être terminées et pourraient être sur le point d’entrer dans une nouvelle phase.
Les grands investisseurs de fonds spéculatifs sont financés par les banques pour réaliser leurs transactions et doivent trouver de l’argent pour continuer à recevoir des crédits. Lorsque le prix de leurs actifs baisse, les banques lancent un appel de marge pour augmenter les fonds. Ces appels se multiplient aujourd’hui à mesure que la valeur des actifs financiers s’effondre, et les investisseurs sont alors mis dans une position où ils pourraient être amenés à vendre certains de leurs actifs afin de répondre à l’appel, ce qui peut alors entraîner une chute plus importante, voire une panique.
La journée de négociation a surtout été marquée par les déclarations d’oligarques financiers de premier plan sur la profondeur de la crise à laquelle l’économie américaine et son système financier sont désormais confrontés en raison du chaos mondial provoqué par la guerre tarifaire de Trump.
Nombre d’entre eux ont soutenu Trump lors des élections sur la base de ses promesses de réduire encore les impôts et les réglementations, ouvrant ainsi la voie à une accumulation de richesses encore plus importante. Tenant compte de ses menaces tarifaires, ils ont estimé qu’elles seraient essentiellement « transactionnelles » et viseraient à obtenir des concessions de la part des partenaires commerciaux. Mais ils viennent de découvrir qu’ils ont obtenu bien plus que ce qu’ils avaient négocié. Personne n’avait envisagé en effet que le programme de Trump impliquerait la destruction de l’ensemble du système commercial international.
Les mises en garde sur les conséquences des actions du régime Trump sur l’économie américaine et mondiale se multiplient.
Bill Ackman, directeur d’un fonds spéculatif multimilliardaire, a déclaré que les États-Unis « se dirigeaient vers un hiver nucléaire qu’ils avaient eux-mêmes provoqué » et a appelé à une pause de 90 jours pour résoudre les problèmes par la négociation.
« Si, d’un autre côté, nous lançons une guerre nucléaire économique contre tous les pays du monde, les investissements commerciaux s’arrêteront, les clients fermeront leurs portefeuilles et leurs porte-monnaie, et nous nuirons gravement à notre réputation auprès du reste du monde, et cela prendra des années, voire des décennies, pour la réhabiliter. »
Bien qu’il ait soutenu Trump pendant la campagne électorale, alors que celui-ci avait clairement indiqué que les droits de douane constitueraient un élément central de son programme, Ackman a déclaré : « Ce n’est pas ce pour quoi nous avons voté. »
S’adressant à une assemblée de dirigeants d’entreprises et d’investisseurs à l’Economic Club de New York, Larry Fink, le directeur de la plus grande société de gestion d’actifs au monde, BlackRock, a déclaré de son côté que l’économie américaine « s’affaiblit à l’heure où nous parlons ». Le Financial Times rapporte qu’on pouvait entendre des membres de l’auditoire émettre des « cris de surprise » pendant son énoncé. « Quand on voit un marché baisser de 2 % en trois jours, il est évident que cela a des répercussions importantes, et l’effet d’entraînement des droits de douane potentiels va durer longtemps. Le marché a un impact sur les grandes entreprises. »
Ken Lagone, donateur républicain de longue date et cofondateur du géant de la distribution Home Depot, a fustigé les droits de douane de Trump dans une interview accordée au Financial Times, estimant qu’ils étaient trop élevés et qu’ils avaient été appliqués trop rapidement. Selon lui, les droits de douane de 46 % imposés au Viêt Nam sont des « conneries » et l’augmentation des droits de douane de 34 % imposée à la Chine est « trop agressive et trop précipitée ».
Dans sa lettre annuelle aux actionnaires, très lue, le directeur général de JP Morgan, Jamie Dimon, a averti que les droits de douane « augmenteront probablement l’inflation et amèneront de nombreuses personnes à envisager une plus grande probabilité de récession », ajoutant que plus vite la question sera résolue, mieux cela sera, car « les effets négatifs s’accumulent au fil du temps et seront difficiles à inverser ».
Michael Strain, de l’American Enterprise Institute, organisme de droite soutenant le marché libre, a quant à lui publié un commentaire avertissant que les dommages causés par les droits de douane, qui ont fait disparaître des milliers de milliards de dollars en valeurs boursières, ne se limiteront pas qu’aux marchés financiers. « Environ la moitié de toutes les importations aux États-Unis sont utilisées par les fabricants américains comme intrants pour produire des biens. En augmentant les coûts de production, les droits de douane de Trump vont réduire la compétitivité des fabricants américains. Cela va détruire les emplois manufacturiers, au lieu de les promouvoir. La hausse des prix à la consommation due aux droits de douane et aux milliers de milliards de dollars en destruction de richesses va réduire les dépenses à la consommation, faisant planer la menace d’une récession et d’une augmentation du chômage. L’incertitude va geler les investissements des entreprises, ce qui entraînera probablement des licenciements. Les exportateurs de produits manufacturés américains seront durement touchés par les pays étrangers qui décideront de prendre des mesures de rétorsion », a-t-il déclaré.
Malgré ces avertissements et bien d’autres encore, ainsi que la chute du marché boursier, Trump a insisté sur le fait qu’il n’y aurait pas de répit. S’adressant aux journalistes dimanche, il a déclaré : « Je ne veux pas qu’il se passe quoi que ce soit de mauvais. Mais parfois, il faut prendre des médicaments pour remédier à un problème. »
Mais le problème auquel sont confrontés Trump et tous les autres représentants de la classe dirigeante capitaliste, quelles que soient leurs divergences avec Trump, est qu’il n’est pas possible de « remédier » à l’économie capitaliste mondiale sur la base de leurs politiques. Celle-ci est déchirée par la contradiction objective – insoluble dans le cadre du système d’accumulation du profit privé – qui existe entre la production mondialisée d’un côté, et la division du monde en États-nations rivaux et grandes puissances de l’autre, et qui éclate maintenant sous la forme de la guerre économique et commerciale mondiale.
La seule solution progressiste à cette crise qui va en s’aggravant est la lutte pour le socialisme international et pour mettre fin au système capitaliste, un système en faillite et historiquement dépassé. Ce programme doit être entrepris par la classe ouvrière comme le seul programme pratique et viable de notre époque.
(Article paru en anglais le 8 avril 2025)