La Fédération indienne des travailleurs du transport maritime (initiales anglaises WTWFI), qui représente 3 500 travailleurs dans 11 grands ports indiens, a déclaré qu’elle refuserait de charger ou décharger des armes à destination d’Israël sur aucun navire. Cette annonce est un signe de la profonde opposition des travailleurs indiens au massacre par Israël de dizaines de milliers de Palestiniens sans défense à l’aide d’armes fournies par les États-Unis et d’un soutien politique sans réserve.
Les travailleurs et les jeunes du monde entier, horrifiés par la guerre génocidaire menée par Israël à Gaza, ont manifesté par millions pour exiger la fin du massacre sans merci perpétré par les Forces de défense israéliennes (FDI) et le régime fasciste dirigé par le Premier ministre Benjamin Netanyahou. Le bilan des morts à Gaza a officiellement dépassé les 30 000 hommes, femmes et enfants, et il s'élève à plus de 37 000 si l'on inclut les disparus. Les hôpitaux, les écoles et d’autres infrastructures clés ont été détruits.
L’armée israélienne a bloqué les approvisionnements essentiels en nourriture, eau, carburant, soins médicaux et électricité, ce qui a entraîné une famine généralisée, des maladies et de nouvelles morts. Elle prépare désormais une offensive terrestre meurtrière sur Rafah , la ville la plus au sud de Gaza où 1,5 million de Palestiniens vivent dans des conditions absolument atroces.
L’opposition au génocide parmi les travailleurs et les paysans indiens est générale. La WTWFI s’est donc sentie obligé de déclarer son refus de charger les livraisons d’armes destinées à Israël. Mais ce syndicat, qui est affilié au Centre des syndicats indiens (initiales anglaises CITU) contrôlé par le Parti communiste indien (marxiste) stalinien, l'a fait dans l'espoir de conserver sa crédibilité parmi les travailleurs, plutôt que pour organiser une véritable mobilisation ouvrière de masse contre le génocide. Les dirigeants syndicaux staliniens n'ont rien fait pour sensibiliser les travailleurs au génocide lancé par Israël contre les Palestiniens, soutenu par l’impérialisme avec la complicité de l'Inde, et ne leur offrent aucune perspective sur comment s'y opposer.
Lorsque les reporters du World Socialist Web Site ont parlé à certains dockers du port de Chennai, qui est le deuxième plus grand port à conteneurs d'Inde, ils ont manifesté leur soutien à l'interdiction de charger du matériel de guerre israélien. Ils ont cependant déclaré que la CITU et les autres syndicats portuaires n'avaient fait aucune campagne pour les informer sur le génocide de Gaza ou sur des projets de boycott des cargaisons de guerre israéliennes. Les discussions ont également révélé que la WTWFI n’a fait aucun effort pour défendre les travailleurs contractuels, qui constituent la majorité de la main-d’œuvre, ni pour les inclure à une campagne visant à défendre les Palestiniens de Gaza. Cela révèle que pour les dirigeants staliniens de la WTWFI, l’appel au blocage des livraisons de guerre israéliennes est juste un geste de protestation, voire un coup publicitaire.
Le président du syndicat des travailleurs portuaires, Nagendra Rao, a déclaré qu’aucun navire transportant des armes vers Israël n’avait encore été signalé. Mais des reportages ont fait état ces derniers jours de la vente par l’Inde à Israël de plus de 20 véhicules aériens sans pilote (UAV) Hermes 900 de moyenne altitude et longue endurance.
Le Hermes 900, qui est l’un des quatre «drones tueurs» utilisés par Israël, est fabriqué dans une usine appartenant à Adani-Elbit Advanced Systems India Limited dans la ville d’Hyderabad, dans le sud de l’Inde. Cette société est une co-entreprise associant le fabricant d'armes israélien Elbit Systems et le groupe indien Adani, un conglomérat appartenant à Gautam Adani, le deuxième milliardaire le plus riche d'Inde et proche confident du Premier ministre indien Narendra Modi. La vente a été rapportée pour la première fois par Shephard Media le 2 février. Bien que ni l'Inde ni Israël n'aient reconnu l’acquisition, la vente a été confirmée officieusement à The Wire par des sources du groupe Adani.
L’entreprise de production Adani-Elbit fait partie d’un partenariat militaro-sécuritaire en constante expansion entre l’Inde et Israël. L’Inde est devenue le plus gros acheteur d’armes fabriquées en Israël, dépensant environ 1 milliard de dollars par an.
Au cours du premier mandat de Modi et de son parti suprémaciste hindou Bharatiya Janata (BJP), entre 2014 et 2019, les livraisons d’armes d’Israël à l’Inde ont augmenté de 175 pour cent, selon l’Institut international de recherche sur la paix de Stockholm (SIPRI).
En 2017, Israel Weapons Industries s'est associé à Punj Lloyd, une entreprise indienne d'ingénierie et de construction, pour créer la première usine d'armes légères du secteur privé en Inde, à Malanpur, dans le Madhya Pradesh. L'usine produit une gamme d'armes d'assaut, comme les mitraillettes Uzi, pour l'armée indienne, y compris ses forces spéciales. Plus tard la même année, Kalyani Rafael Advanced Systems Ltd, une autre co-entreprise israélo-indienne, a ouvert la première usine de missiles du secteur privé en Inde, fabriquant des missiles guidés antichar Spike pour l'armée indienne.
Modi a été parmi les premiers dirigeants mondiaux à exprimer leur solidarité avec le régime d'extrême droite de Netanyahou en dénonçant le soulèvement palestinien le 7 octobre. Le gouvernement de New Delhi, sous prétexte de lutter contre les pirates somaliens, a ensuite déployé deux navires de guerre de première ligne dans le golfe d’Aden et au moins 10 navires de guerre vers la mer d’Arabie, en plein génocide israélien et conflit plus large provoqué par les États-Unis dans tout le Moyen-Orient.
Le soutien ouvert de Modi à la guerre génocidaire d’Israël découle du partenariat militaro-stratégique étroit entre l’Inde et Israël, qu’il a assidûment œuvré à élargir. Mais le « partenariat stratégique mondial» de New Delhi avec l'impérialisme américain, qui considère Israël comme son principal chien d'attaque dans la région, est encore plus important pour déterminer le soutien indéfectible de l'Inde à la guerre israélienne menée contre les Palestiniens. Poursuivant sur la voie tracée par son prédécesseur du Parti du Congrès, le gouvernement Modi a transformé l'Inde en État de première ligne dans la campagne de Washington visant à encercler stratégiquement la Chine et à préparer une guerre avec elle.
Le refus de la WTWFI de mobiliser les travailleurs dans la lutte contre le génocide à Gaza est indissociable de la politique stalinienne du CPM auquel elle est affiliée. En novembre, le CPM et le Front de gauche qu’il dirige ont été forcés d'appeler à des manifestations contre l'attaque israélienne sur Gaza, au milieu d'une opposition massive dans la classe ouvrière. Mais ils ont imposé aux manifestations la perspective sans effet de faire pression sur le gouvernement Modi pour qu’il se distancie d’Israël et de son attaque génocidaire, et de travailler par le biais de l’ONU et de la diplomatie des grandes puissances pour assurer la «paix» au Moyen-Orient via une solution à «deux États» du conflit israélo-palestinien.
Par la suite, le CPM a abandonné sa campagne de protestation à propos de Gaza, afin de s'assurer qu'elle n'empiète en aucune façon sur son principal objectif politique: regrouper l'opposition massive de la classe ouvrière à Modi et au BJP derrière l'alliance INDIA aux élections législatives du printemps (Lok Sabha). Dirigée par le Parti du Congrès, jusqu'à récemment, le parti de gouvernement préféré de la bourgeoisie indienne, l'alliance INDIA, tout comme le BJP, soutient fermement l'alliance indo-américaine et la poursuite des réformes «pro-investisseurs». Les partis qui la constituent ont eux aussi une longue histoire d’adaptation et de connivence avec les alliés d’extrême droite Hindutva (nationalistes hindous) de Modi.
Le CPM agit depuis des décennies comme le flanc «gauche» de l’establishment indien au pouvoir. Cela comprend la tentative de limiter l’opposition des travailleurs et des jeunes à la répression, dépossession et au massacre des Palestiniens appauvris au cadre réactionnaire de la politique capitaliste et de la diplomatie de grande puissance. Si les dirigeants de la CITU et du CPM scandent parfois des slogans contre l’impérialisme américain, ils n’ont rien fait pour alerter la classe ouvrière du grave danger que représente l’alliance militaro-sécuritaire indo-américaine pour les peuples d’Asie du Sud et du monde – et encore moins cherché à construire un mouvement anti-guerre mondial dirigé par la classe ouvrière, en opposition à la guerre et à l’ordre mondial impérialiste.
En opposition aux appels lamentables et réactionnaires lancés par les staliniens indiens aux impérialistes et à la bourgeoisie indienne pour qu'ils mettent fin à un génocide dans lequel ils sont tous impliqués, le World Socialist Web Site insiste sur le fait que cela ne peut être réalisé que par la mobilisation de la classe ouvrière internationale.
Les travailleurs indiens, en tant que membres de la classe ouvrière internationale, devraient organiser des grèves et d’autres actions pour arrêter la livraison et la production de tout équipement militaire imaginable destiné à Israël. Cela doit être lié à la lutte pour une grève générale politique internationale et à une lutte pour fusionner le combat contre la guerre impérialiste avec le soulèvement massif et grandissant des travailleurs du monde entier contre l’austérité capitaliste et l’attaque de leurs droits sociaux et démocratiques.
Le combat contre un assaut israélien soutenu par les États-Unis a nécessairement une portée internationale. Pour le mener, les luttes ouvrières ne peuvent pas rester confinées au cadre national étouffant des bureaucraties syndicales. Les travailleurs doivent construire des comités de la base affiliés à l'Alliance internationale ouvrière des comités de base, pour coordonner l'opposition à la guerre, à la réaction capitaliste et au gouvernement par l’État policier ; et ils doivent unifier leurs luttes en un mouvement international contre le capitalisme et la guerre impérialiste et pour le socialisme.
(Article paru en anglais le 1er mars 2024)