Comment les tendances de la pseudo-gauche en Allemagne sabotent la lutte contre le fascisme

Les tendances de la pseudo-gauche au sein et autour du Parti de gauche réagissent aux manifestations de masse contre l'Alternative pour l'Allemagne (AfD) néo-fasciste et à la montée des grèves et des manifestations ici et à l'étranger par un nouveau virage à droite. Elles craignent que l’opposition au fascisme et la colère contre les inégalités sociales, l’agitation anti-réfugiés et une politique pro-guerre soutenue par tous les partis de l’establishment n’échappent au contrôle du gouvernement et de la bureaucratie syndicale et prennent des formes indépendantes.

Manifestants à Francfort. Sur la pancarte on peut lire : « Plus jamais 1933 ! » [AP Photo/Michael Probst]

Tandis que le Sozialistische Gleichheitspartei (Parti de l'égalité socialiste, SGP) lutte pour transformer les protestations et les grèves en un mouvement conscient de la classe ouvrière contre le gouvernement et le capitalisme, les principaux groupes de la pseudo-gauche – Marx 21, SAV et RIO – défendent les organisations mêmes responsables pour la politique de droite et la montée des fascistes. Leur orientation vers les partis au pouvoir, les syndicats et l'État bourgeois ne vise pas l'AfD, mais à réprimer un mouvement socialiste indépendant de la classe ouvrière contre le capitalisme, le fascisme et la guerre.

Marx 21 et l’appel à l’action adressé à l’État bourgeois

Cela est particulièrement évident dans l’appel de Marx 21 à une interdiction de l’AfD. La tendance capitaliste d'État est née en tant que satellite du Socialist Workers Party (SWP) britannique. Dans un commentaire, Janine Wissler, qui est passée sans heurts du capitalisme d’État à la co-présidence du Parti de gauche, déclare qu’une « interdiction par l’État » de l’AfD serait « un coup dur porté à la structure de droite la plus puissante du pays depuis des décennies. Une interdiction de l’AfD ne fermerait pas seulement le robinet de l’argent, mais entraînerait également une interdiction totale de [ses] activités. L’AfD et les organisations qui en sont issues directement ne seraient plus autorisées à être actives ».

Afin d’éviter d’apparaître comme un partisan totalement dépourvu d’esprit critique envers un appareil d’État oppressif et truffé de forces de droite, Marx 21 note pour la forme que l’exigence d’une interdiction était également associée à « de nombreux pièges ». Par exemple, l’appareil d’État a « démontré à plusieurs reprises dans le passé qu’il était aveugle de l’œil droit ». Pour ensuite réitérer sa demande : « Si un mouvement antifasciste se rallie à une campagne d’interdiction, nous ne devrions pas être sectaires et réfractaires. »

L’opposition à la conception selon laquelle l’État bourgeois peut jouer un rôle dans la lutte contre la droite n’a rien à voir avec le sectarisme mais constitue une condition préalable élémentaire à la construction d’un véritable mouvement antifasciste. L’appareil d’État n’est pas seulement « aveugle de l’œil droit », mais est également un centre de la conspiration de droite. La police, l'armée et les services secrets allemands sont imprégnés de forces d'extrême droite et jouent un rôle central dans la montée de l'AfD.

Cela est particulièrement évident lorsqu'on examine l'Office de protection de la Constitution, comme on appelle les services secrets intérieurs allemands. Pendant des années, elle a été dirigée par un fasciste, Hans-Georg Maassen, qui a rencontré à plusieurs reprises des représentants de l'AfD pour discuter des rapports de son agence sur les groupes « anticonstitutionnels ». Maassen avait été nommé par les partis de l’establishment à la tête des services de renseignement intérieurs afin de renforcer les réseaux de droite et orienter encore plus ouvertement l’appareil d’État à rendre le marxisme illégal et réprimer toute opposition de gauche.

C'est le comble de la falsification historique pour Marx 21 que de justifier l'appel à l'État bourgeois d'agir contre les fascistes au nom de Léon Trotsky. « Notre stratégie ne peut pas être de nous concentrer uniquement sur une révolution sociale qui éliminerait ensuite le fascisme », écrit le groupe. « Dans l'esprit de l'image de Trotsky de la lutte primaire contre le fascisme revolver en main et de la lutte tout aussi importante contre le poison lent du capitalisme, notre objectif doit d'abord être de faire tomber l'arme des mains de l'adversaire. »

L’affirmation selon laquelle Trotsky – aux côtés de Lénine, le leader le plus important de la révolution d’Octobre et fondateur de l’Opposition de gauche et de la Quatrième Internationale – comptait sur l’État bourgeois pour réprimer le fascisme met la réalité à l’envers. Trotsky s'est battu avec véhémence contre la position du Parti social-démocrate (SPD) selon laquelle l'État bourgeois et ses organes pouvaient être utilisés pour combattre le fascisme. Dans «La révolution allemande et la bureaucratie stalinienne », Trotsky a caractérisé la politique du SPD comme une orientation servile envers l'État, la police et la Reichswehr (forces armées) dans la lutte contre Hitler (appelant l'État : « À l'aide ! Intervenez ! ») et concluant : « C'est ainsi que les réformistes qui se survivent à eux-mêmes travaillent pour les fascistes du fait de leur ligne bureaucratique. »

L’histoire a confirmé l’avertissement de Trotsky. Hitler a été porté au pouvoir en janvier 1933 par une conspiration entre les politiciens, les trusts et l’armée. Le 23 mars 1933, tous les partis bourgeois votèrent en faveur de la « Loi d’habilitation » et confièrent à Hitler et aux nazis des pouvoirs dictatoriaux.

Trotsky n’a pas fait la comparaison « revolver-poison » pour justifier un soutien aux forces réactionnaires qui ont ensuite aidé Hitler à accéder au pouvoir, comme le suggère Marx 21. Il s'agit d'une lettre adressée à un ouvrier communiste allemand de décembre 1931, publiée sous le titre « Wie wird der Nationalsozialismus geschlagen ? » (« Comment vaincre le fascisme ? »). Trotsky y prône la tactique du front unique contre la politique stalinienne de social-fascisme.

Le Parti communiste (KPD), sous l'influence de Staline, a catégoriquement refusé de défendre un front unique contre les nazis avec le SPD – qui, contrairement à aujourd'hui, était toujours soutenu par une partie considérable de la classe ouvrière. Au lieu de cela, il prônait une ligne d’extrême-gauche qui assimilait la social-démocratie au fascisme, divisait et embrouillait la classe ouvrière et exposait de larges pans de la petite bourgeoisie à la démagogie fasciste d’Hitler. Le KPD a non seulement rejeté toute coopération avec le SPD contre le danger fasciste, mais a même parfois fait cause commune avec les nazis, par exemple lorsqu'il a soutenu le référendum lancé par le NSDAP (parti nazi) en 1931 pour renverser le gouvernement régional SPD de la Prusse.

Trotsky s'est battu contre cette politique désastreuse. Il a déclaré que le Comité central du KPD « part de l'idée qu'il est impossible de vaincre le fascisme, sans avoir vaincu au préalable la social-démocratie allemande ». Même si cela était tout à fait exact à « l’échelle historique », écrivait Trotsky, « Mais cela ne signifie pas du tout que l'on peut résoudre les questions à l'ordre du jour grâce à elle, c'est-à-dire en se contentant de la répéter ».

« Cette idée, juste du point de vue de la stratégie révolutionnaire dans son ensemble », poursuit Trotsky « devient un mensonge, et même un mensonge réactionnaire une fois traduite dans le langage de la tactique ».

Puisqu’il n’était pas possible que le KPD « batte à la fois la social-démocratie et le fascisme » dans les mois à venir, le rejet du front unique équivalait à ce que la direction du KPD considère « la victoire du fascisme comme inévitable ». C’est dans ce contexte que Trotsky cite la comparaison « revolver-poison ». Pour faire tomber le revolver des mains des nazis, il fallait préconiser un front unique avec le SPD.

Trotsky ne préconisait aucune plateforme commune entre le KPD et lu SPD. Il rejeta les calomnies du KPD selon lesquelles il exigeait qu'il soutienne le régime semi-dictatorial de Heinrich Brüning comme un « moindre mal », comme l'avait fait le SPD. La question de savoir si Hitler ou Brüning étaient le « moindre mal », « est dépourvue de sens, car leur système, contre lequel nous nous battons, a besoin de tous ses éléments. Mais aujourd'hui, ces éléments sont en conflit, et le parti du prolétariat doit absolument utiliser ce conflit dans l'intérêt de la révolution ».

La tactique du front unique a servi à cet objectif. « Si l'un de mes ennemis m'empoisonne chaque jour avec de faibles doses de poison, et qu'un autre veut me tirer un coup de feu par-derrière, j'arracherais d'abord le revolver des mains de mon deuxième ennemi, ce qui me donnera la possibilité d'en finir avec le premier. Mais cela ne signifie pas que le poison est un “moindre mal” en comparaison du revolver. »

Le front unique préconisé par Trotsky a servi à libérer les travailleurs de l’influence paralysante de la social-démocratie face au danger fasciste et à les rallier à un programme socialiste révolutionnaire contre le capitalisme. La lettre, que Marx 21 ne mentionne ni ne cite exactement de manière significative, déclare : « Et ce front de lutte directe contre le fascisme, commun à tout le prolétariat, il faut l'utiliser pour une attaque de flanc, d'autant plus efficace contre la social-démocratie ».

Trotsky a insisté sur le fait qu’en fin de compte, seule une « révolution sociale » pourrait arrêter le fascisme. Il a compris comme personne d’autre que le fascisme était un produit de la crise capitaliste et ne pouvait être stoppé que par la mobilisation indépendante de la classe ouvrière. Il opposait la stratégie de la révolution mondiale à la politique capitaliste du fascisme et de la guerre. Cela reste aujourd’hui la seule perspective viable.

Cependant, contrairement aux années 1930, il n’existe aujourd’hui ni mouvement fasciste de masse ni parti ouvrier de masse, mais le rôle de l’État et des partis bourgeois est le même. Tout comme à l’époque, les institutions et les partis bourgeois, dont aujourd’hui le SPD, réagissent à la crise capitaliste en se tournant vers le fascisme. Ils ont systématiquement renforcé l’AfD et l’ont intégrée dans le travail parlementaire au niveau fédéral et des Länder (régions). Le programme de l'AfD – déportations massives, réarmement militaire massif et soutien au génocide à Gaza – est depuis longtemps leur pratique.

Lorsque les partis au pouvoir et les syndicats interviennent désormais dans les manifestations de masse contre l’AfD sous le slogan « Ensemble pour la démocratie », leur objectif est de couvrir leur propre programme de droite et de subordonner les protestations à l’appareil d’État.

Le SAV glorifie les syndicats et l'alliance Parti de gauche-SPD-Verts

Cette orientation est soutenue par toute la pseudo-gauche. Le SAV (Alliance Socialiste) fut à l'origine la section allemande de la Tendance Militante/Parti Socialiste britannique. Comme Marx 21, il fait partie intégrante du Parti de gauche et alimente également les illusions dans l'État bourgeois dans ses articles sur les manifestations. « Une interdiction cohérente de toutes les organisations fascistes et leur démantèlement, la confiscation de leurs biens et l'emprisonnement des auteurs de violences nazis et des agitateurs racistes qui sont actuellement en liberté, combinés à une position claire de l'État contre le racisme et à un soutien à la lutte contre le racisme et un soutien aux réseaux antifasciste et un travail éducatif contribueraient à la lutte contre la droite », peut-on lire dans un article.

Le SAV sait pertinemment qu’il est absurde d’attribuer de telles caractéristiques à un appareil d’État truffé d’extrémistes de droite et qui mène une véritable guerre contre les antifascistes et gens de gauche. «Cependant, ce n'est pas la stratégie des partis bourgeois ou de ceux qui détiennent le pouvoir économique», déclare laconiquement l'article. La « revendication d’une interdiction de l’AfD par l’État » n’a donc « pas été formulée ».

Cela ne change en rien l’orientation réactionnaire. Alors que Marx21 appelle explicitement l’État à agir contre les fascistes, le SAV le fait indirectement en colportant les illusions dans les partis au pouvoir nominalement « de gauche » et en s’adressant au Parti de gauche et aux syndicats. Le SPD et les Verts représentent une « antithèse démocratique » de l’AfD, suggère le SAV dans une déclaration intitulée « Comment arrêter l’AfD et le tournant à droite ? »

Dans le même temps, il appelle le Parti de gauche à intervenir plus activement dans les manifestations afin d'y mettre un terme : « Le Parti de gauche doit décider s'il soutiendra passivement les manifestations et se positionnera comme un autre “parti démocratique” aux côtés du SPD et les Verts ou s'il va s'en démarquer, intervenir avec ses propres revendications et prendre une position claire contre les politiques d'austérité et le racisme d'État.»

Le simple fait d’admettre que son organisation mère, le Parti de gauche, n’est de facto pas différente du SPD et des Verts révèle le SAV comme une tendance bourgeoise essentiellement de droite. En tant que partis dirigeants du gouvernement de coalition fédérale, le SPD et les Verts intensifient constamment leur politique pro-guerre contre la Russie et au Moyen-Orient, en favorisant le réarmement et en le faisant payer à la classe ouvrière. La semaine dernière, la coalition fédérale a adopté le plus gros budget de guerre depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, accompagné d'attaques féroces dans les domaines de la santé, de l'éducation et de la protection sociale.

Dans le même temps, le gouvernement de coalition met en œuvre la politique fasciste contre les réfugiés. Le 18 janvier, il a adopté la « Loi sur l'amélioration du rapatriement », qui restreint encore davantage les droits des réfugiés et prépare les expulsions massives exigées par l'AfD. Les demandeurs d'asile sans droit de séjour qui vivent et travaillent ici depuis des années peuvent désormais être arrêtés sans avertissement, détenus pendant près d'un mois et expulsés de force. La police est autorisée non seulement à fouiller leur logement et leurs téléphones portables, mais aussi celui des voisins sans mandat.

Le Parti de gauche ne se positionne pas contre « les coupes budgétaires et le racisme d’État », comme voudrait nous le faire croire le SAV, mais il les soutient avec véhémence. Partout où il gouverne au niveau régional avec le SPD et les Verts, il se montre particulièrement agressif dans la mise en œuvre de son programme anti-réfugiés et anti-ouvriers. La Thuringe, en particulier, où le Parti de gauche a son seul Premier ministre, Bodo Ramelow, est connue pour ses expulsions brutales, connaît des taux d'expulsion élevés et contribue au renforcement de l’AfD par les partis de l'establishment, dans lesquels le Parti de gauche est également activement impliqué.

La même orientation droitière de la pseudo-gauche se retrouve dans leur glorification des syndicats. Le SAV affirme que ceux-ci jouent un « rôle central » dans la construction d’un mouvement qui « supprime le terrain fertile pour l’AfD » et « peut surmonter les conditions dont bénéficient les forces de droite ». Les syndicats « rassemblent les travailleurs issus ou non de l’immigration et expliquent à leurs membres le conflit d’intérêts entre les travailleurs et les capitalistes ».

Là, on nage en plein délire. En fait, les syndicats se sont rangés depuis très longtemps exclusivement aux côtés des capitalistes dans la lutte des classes. En trahissant les conflits du travail et les grèves et en réprimant systématiquement la lutte des classes, ce sont eux qui créent le « terrain fertile » pour les fascistes et défendent les relations capitalistes sur une base d’extrême droite. Ils soutiennent explicitement la politique réactionnaire du gouvernement.

Il y a quelques jours, à l'invitation du président fédéral Frank-Walter Steinmeier, la direction de la Confédération des syndicats allemands (DGB) et les principaux représentants des comités d'entreprise ont renouvelé leur pacte avec le gouvernement et les entreprises. L’objectif est de faire avancer la politique de droite de guerre et d’austérité et de réprimer l’opposition grandissante de la classe ouvrière à cette politique.

Le « front unique » de RIO avec les forces bourgeoises de droite

L’Organisation internationaliste révolutionnaire (RIO) est la branche allemande de la « Fraction trotskyste-Quatrième Internationale » moréniste (FT-QI). Bien qu’elle ne fasse pas officiellement partie du Parti de gauche, elle se charge de donner à cette orientation de droite envers les partis de gouvernement et les syndicats une apparence « indépendante », voire « anticapitaliste-révolutionnaire ». Dans un éditorial sur les manifestations de masse sur son site Internet Klasse Gegen Klasse (Classe contre classe), elle souligne la nécessité « d’un antifascisme par le bas plutôt que par le haut » et déclare : « Les partis de la coalition au pouvoir, les syndicats et les entreprises ne sont pas des alliés dans la lutte contre la droite.»

Pour ensuite propager une alliance avec précisément ces forces de droite ! « Ce que nous avons en tête [...] ce n'est pas seulement un “front unique de gauche” », écrit RIO. « Il ne suffit pas que toutes les forces de gauche coordonnent leurs actions contre la droite. Cela ne toucherait pas les millions de personnes prêtes à descendre dans la rue contre l'AfD, mais qui n'ont pas encore rompu avec le gouvernement et ses organisations d'État au sens large. »

En d'autres termes, le « front unique » de RIO inclut même les partis capitalistes ouvertement de droite qui feignent de soutenir les manifestations anti-AfD, et des organisations comme les syndicats et Fridays for Future (FFF), que RIO vante particulièrement avec insistance. RIO le fait en sachant parfaitement que FFF soutient à tous égards un programme de droite et pro-militariste.

Les partis du gouvernement de coalition « se sont tellement orientés vers la droite qu'ils mettent en œuvre un programme AfD-lite », écrit Klasse gegen Klasse . Et le Parti de gauche menait également une politique orientée vers la participation gouvernementale, « qui, avec le SPD et les Verts, était responsable du fait qu’aucun autre Land [région] n’a connu autant d’expulsions que Berlin ». FFF avait une « attitude accommodante envers le gouvernement », qui s’exprimait dans son soutien aux Verts et « dans la position pro-israélienne de FFF Allemagne ».

Il en va de même pour les syndicats, « dont les dirigeants ont appelé à des rassemblements pro-israéliens avec le gouvernement, le Parti de gauche et les démocrates-chrétiens (CDU/CSU) ». Néanmoins, les dirigeants des « grandes organisations de masse » comme les syndicats et le mouvement pour le climat « doivent être contraints de radicaliser leurs revendications et leurs méthodes et de rompre leurs relations avec les partis bourgeois ».

Il y a là une forme de schizophrénie politique. Les dirigeants de FFF et des syndicats, comme Luisa Neubauer (Verts/FFF) ou la présidente du DGB Yasmin Fahimi (SPD), sont eux-mêmes des politiciens bourgeois et ne rompront jamais leurs liens avec eux-mêmes et avec les partis auxquels ils appartiennent. Ils réagissent aux manifestations en poursuivant de manière toujours plus agressive leur programme pro-capitaliste et militariste, qui est essentiellement le même que celui de l'AfD.

Le terme « front unique » est utilisé par RIO pour masquer cette réalité. Comme expliqué ci-dessus, la tactique du front unique proposée par Trotsky au début des années 1930 en Allemagne visait à unir la classe ouvrière face à la menace fasciste, à la fois pour vaincre le fatalisme du KPD et pour libérer les travailleurs de l'influence paralysante de la social-démocratie et les rallier à un programme socialiste révolutionnaire.

Le « front » de RIO vise le but opposé et sert à subordonner les travailleurs aux organisations bourgeoises de droite. Les syndicats d’aujourd’hui – tout comme le SPD et le Parti de gauche – ne sont plus des organisations réformistes qui représentent les intérêts de leurs membres, mêmes en traitant des affaires quotidiennes, mais une sorte de mafia corporatiste qui organise la destruction d’emplois et de baisse de salaires dans l'intérêt de l'État et du grand capital, réprime les grèves et les luttes sociales afin d'imposer la politique va-t’en-guerre du gouvernement contre une résistance croissante.

Des racines anti-classe ouvrière

Lorsque la pseudo-gauche glorifie ces forces comme alliées dans la lutte contre le fascisme, ce n’est pas un malentendu, mais cela est enraciné dans sa propre orientation de classe et dans son histoire politique.

La Fraction trotskyste-Quatrième Internationale (FT-QI), à laquelle RIO appartient depuis 2011, n’est pas une tendance trotskyste malgré son nom. Elle suit les traditions du pabliste argentin Nahuel Moreno, qui a poursuivi la liquidation de la Quatrième Internationale en Amérique latine et a subordonné à plusieurs reprises la classe ouvrière aux nationalistes bourgeois et petits-bourgeois – de Juan Perón en Argentine à Fidel Castro à Cuba – et les conséquences politiques furent désastreuses.

Marx 21 est issu de la Tendance Socialiste Internationale (TSI), fondée par Tony Cliff, qui a déclaré son hostilité à la Quatrième Internationale et au trotskisme il y a plus de soixante ans. À cette époque, il qualifiait l’Union soviétique de « capitaliste d’État » et refusait de la défendre en cas d’attaque des puissances impérialistes. Comme les variétés antérieures du « capitalisme d'État », la position de Cliff était un accommodement à l'impérialisme et une forme d'anticommunisme agrémenté de phrases de gauche.

En tant qu'ancien membre du Comité pour une Internationale des Travailleurs (CWI), le SAV a ses racines dans la tendance militante britannique, connue pour attribuer un caractère progressiste même aux organisations sociales-démocrates les plus à droite. Jusqu’au milieu des années 1990, le SAV a travaillé au sein du SPD, essayant de lui donner une apparence de gauche, voire de socialiste. Il joue aujourd’hui le même rôle vis-à-vis du Parti de gauche.

Ayant des orientations vers l’État capitaliste et les partis et organisations bourgeois de droite, Marx21, SAV et RIO ne parlent pas au nom des intérêts de la classe ouvrière internationale. Ils expriment les intérêts des riches couches de la classe moyenne qui, dans la crise la plus profonde du capitalisme depuis les années 1930, se dirigent vers la droite et craignent un mouvement révolutionnaire indépendant des travailleurs. La lutte contre le fascisme, tout comme la lutte contre le militarisme, les coupes sociales et la guerre, nécessite un règlement de comptes impitoyable avec ces courants pro-capitalistes et historiquement anti-ouvriers et leurs concepts réactionnaires.

(Article paru en anglais le 19 février 2024)

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