Le leader du Parti de Gauche se prononce en faveur des livraisons d'armes à l'Ukraine

Face à l’opposition croissante à l’offensive guerrière de l’OTAN contre la Russie et aux attaques sociales qui en découlent, les médias font la promotion du Parti de la gauche et tentent de le vendre comme une force de «paix» et de «justice sociale». Actuellement, ils fournissent une plate-forme spécialement au co-président du parti, Martin Schirdewan. Dimanche, la radio Deutschlandfunk et l’hebdomadaire d’information Der Spiegel ont publié de longues interviews de lui.

Le coprésident du Parti de gauche, Martin Schirdewan, lors de la conférence du parti à Erfurt en juin 2022 [Photo by Martin Heinlein / undefined]

En cela, la classe dirigeante a un problème. Tous les efforts visant à présenter le Parti de gauche comme une alternative politique et sociale sont voués à l’échec. Ce parti est tellement conformiste et droitier que les travailleurs et les jeunes ne le perçoivent plus comme une alternative «de gauche» mais de plus en plus comme un adversaire politique. Il a déjà perdu un nombre considérable de voix aux dernières élections fédérales et des Lands et a été expulsé de nombreux parlements; il devrait également subir de lourdes pertes aux prochaines élections du Land de Berlin.

Les interviews de Schirdewan ne feront que renforcer cette tendance. Le leader du Parti de gauche n’a laissé aucun doute sur le fait qu’il soutient «de manière critique» la politiques de droite et anti-ouvrière du gouvernement fédéral sur toutes les questions clés. Cela était particulièrement évident à propos de la guerre. Schirdewan a répété la propagande officielle de la Russie unique agresseur et s’est prononcé en faveur des livraisons d’armes à l’Ukraine. Il n’a pas mentionné la politique de guerre de l’OTAN qui a systématiquement encerclé la Russie depuis la dissolution de l’Union soviétique et a provoqué l’invasion russe.

Cela n’est pas surprenant. Le Parti de gauche a soutenu le cours de la guerre contre la Russie depuis le début. Ses membres dirigeants – comme le Premier ministre du Land de Thuringe, Bodo Ramelow, et le candidat à la mairie de Berlin, Klaus Lederer – encouragent ouvertement les livraisons d’armes à Kiev. Cela dans une situation où le gouvernement allemand et les autres principales puissances de l’OTAN continuent d’intensifier la guerre par procuration en Ukraine. Schirdewan essaie juste de dissimuler la politique de guerre par quelques phrases sur des «négociations» et la «diplomatie».

S’adressant à Deutschlandfunk, il a déclaré que pour lui, «dans le débat politique en Allemagne, mais aussi au niveau européen», il manquait «une réflexion, une véritable réflexion, sur la marge de manœuvre existant pour les négociations et la diplomatie.» Puis, dans la foulée, il a clairement indiqué que lui et son parti soutenaient la fourniture d’armes à l’armée ukrainienne – en dépit de tous les discours du dimanche et résolutions de conférence du parti.

Il a déclaré qu’il était «heureux de concéder, bien sûr, que dans la logique de la guerre, les livraisons d’armes jouent un rôle dans la défense de l’Ukraine, bien sûr, parce que dans une guerre, les armes parlent, logiquement». Il a également exprimé sa solidarité avec les représentants de son parti qui réclament depuis longtemps toujours plus d’armes pour l’Ukraine.

En réponse au commentaire de Deutschlandfunk qu’au Parti de Gauche il y avait aussi «ceux, comme Bodo Ramelow entre autres qui disent, oui, les sanctions, mais aussi les livraisons d’armes doivent être possibles». Schirdewan a répondu cyniquement, «c’est la pluralité interne, parce que c’est ainsi que les positions se trouvent aussi dans la société et, bien sûr, en tant que parti démocratique, nous suivons aussi en interne les processus de décision démocratiques qui ont lieu dans la société».

Schirdewan ne pouvait pas résumer plus clairement la faillite totale de son parti. Chaque point de vue, aussi droitier et pro-guerre soit-il, a sa place au sein du Parti de Gauche! Et en effet, ce parti est rempli de militaristes qui rivalisent même avec les bellicistes les plus forcenés des Verts. Récemment, par exemple, dans un tweet rageur, le porte-parole de la jeunesse du Parti de gauche dans le Brandebourg, Jonathan Wiegers, a demandé que des avions de combat soient maintenant livrés à l’Ukraine ; cela, après que le gouvernement ait accepté d’envoyer des chars de combat Leopard.

Les initiatives «diplomatiques» propagées par Schirdewan et le Parti de gauche ne servent pas à une résolution pacifique du conflit, mais ont deux objectifs principaux. D’abord elles visent à contribuer à imposer à la Russie la «paix des vainqueurs» voulue par les puissances de l’OTAN, et ainsi à renforcer avant tout le rôle de l’impérialisme allemand. «Il faut faire pression sur Vladimir Poutine pour qu’il soit disposé à négocier», a exigé Schirdewan dans le Spiegel. «Le gouvernement allemand pourrait y jouer un rôle important – avec le Brésil et la Chine, par exemple – mais il ne le fait pas».

Lorsque Schirdewan critique le gouvernement allemand, c’est parce que selon lui il ne poursuit pas les intérêts allemands et européens de manière assez agressive – en particulier vis-à-vis des États-Unis. «Nous devons également définir la sécurité au-delà de l’OTAN», insiste-t-il dans le Spiegel. «Au vu des tendances politiques dangereuses aux États-Unis, a-t-il ajouté, nous devons réfléchir à la manière de devenir indépendants.» Il était «urgent que l’Allemagne, en tant que première économie de l’UE, discute avec ses partenaires européens de la manière d’organiser elle-même la sécurité de l’Europe».

Il est significatif qu’il ait souligné sur Deutschlandfunk qu’il était «en discussion» avec l’ex-cheffe du groupe parlementaire du Parti de gauche, Sahra Wagenknecht – en partie pour éviter le risque d’une scission du parti. Il considérait « fausses » des «idées de fondation d’un nouveau parti» et «pour le parti, en fait pas efficaces mais nuisibles».

Wagenknecht, qui flirte depuis longtemps avec l’idée de fonder son propre parti, est le représentant le plus éminent de cette section du Parti de gauche qui rejette l’offensive de l’OTAN contre la Russie du point de vue de l’impérialisme allemand et européen. «Il serait juste que les Européens soient plus attentifs à leurs propres intérêts, tant économiques que militaires», a-t-elle récemment déclaré au Spiegel. Sinon, «le danger existe que l’Europe soit broyée entre les États-Unis d’une part et la Russie et la Chine d’autre part».

Lorsque Schirdewan rejette une scission du parti en parlant de «notre responsabilité sociale commune», il ne s’inquiète pas seulement de ce que soient garanties ces ambitions de grande puissance. Il craint aussi et surtout qu’un Parti de gauche affaibli serait encore moins capable de contrôler l’opposition sociale et politique croissante et de l’empêcher de prendre la forme d’un mouvement indépendant contre le système capitaliste.

Les revendications de Schirdewan en matière de «compensation de l’inflation», de «redistribution» et d’une plus grande intervention de l’État «dans le domaine des services publics» s’inspirent de cette crainte. Mais tout le monde sait maintenant que même les phrases sociales du Parti de Gauche ne valent pas le papier sur lequel elles sont écrites. Partout où il co-gouverne au niveau de l’État, il mène les attaques sociales les plus virulentes, il privatise et il organise la redistribution de richesse du bas vers le haut.

C’est dans la capitale même que cela est le plus évident. Entre 2002 et 2011, le Parti de gauche et son prédécesseur, le mal nommé Parti du socialisme démocratique (PDS), ainsi que les sociaux-démocrates (SPD) et leur ministre des finances d’extrême droite Thilo Sarrazin, ont organisé des coupes sociales sans précédent. On a entre autres sabré les salaires du secteur public de 10  pour cent, supprimé des emplois en masse et cédé des appartements qui appartenaient aux municipalités à des spéculateurs immobiliers. Le Parti de gauche intensifie actuellement cette politique en s’alliant avec le SPD et les Verts, partis des coupes sociales et de la guerre.

Le caractère profondément anti-ouvrier du Parti de Gauche est finalement ancré dans son orientation sociale et politique, et dans son histoire. Malgré son nom, ce n’est pas une organisation socialiste, ni même de gauche, mais un parti bourgeois qui défend les intérêts de l’État capitaliste et des couches aisées de la classe moyenne supérieure. Ses prédécesseurs staliniens, le Parti de l’unité socialiste (SED), puis le PDS, ont initié la réintroduction du capitalisme dans l’ex-Allemagne de l’Est, créant ainsi les conditions préalables à la contre-révolution sociale et au retour du militarisme allemand qui ont suivi.

Il n’y a qu’un seul moyen d’arrêter cela. Les travailleurs et les jeunes qui veulent lutter contre la guerre et la politique de dévastation sociale qui en découle doivent régler leurs comptes politiques avec le Parti de gauche et construire le Sozialistische Gleichheitspartei (Parti de l’égalité socialiste, SGP). Le SGP est le seul parti qui s’oppose aux partis de la guerre et qui donne une voix et une perspective socialiste à l’opposition croissante parmi les travailleurs et les jeunes. Sa déclaration électorale pour les élections du Land de Berlin déclare:

La seule force sociale qui puisse empêcher une autre guerre mondiale est la classe ouvrière internationale – c’est-à-dire, la grande majorité de la population mondiale, qui est maintenant plus nombreuse et plus interconnectée que jamais. Le SGP, avec ses partis frères de la Quatrième Internationale, construit un mouvement socialiste mondial contre la guerre et sa cause première, le capitalisme. La guerre ne peut être stoppée sans briser le pouvoir des banques et des trust et les placer sous contrôle démocratique.

- Halte à la guerre de l'OTAN en Ukraine! Pas de sanctions ni livraisons d'armes!

- Deux guerres mondiales, ça suffit! Stoppez les bellicistes!

- 100 milliards d'euros pour les crèches, les écoles et les hôpitaux, pas pour les armements et pour la guerre!

(Article paru en anglais le 9 février 2023)

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