Salutations du CIQI au congrès 2022 du SEP (Australie)

Les folles ambitions prédatrices de l'impérialisme canadien conduisent à la catastrophe

Les remarques suivantes ont été prononcées par Keith Jones lors du sixième congrès national du Parti de l’égalité socialiste (Australie), qui s’est tenu du 24 au 27 septembre 2022. Jones est le secrétaire national du Parti de l’égalité socialiste (Canada), la section canadienne du Comité international de la Quatrième Internationale.

Keith Jones, le Secrétaire national du Parti de l’égalité socialiste (Canada) [Photo: WSWS] [Photo: WSWS]

C’est un privilège de transmettre les salutations révolutionnaires fraternelles du Parti de l’égalité socialiste (Canada) à votre sixième congrès national.

J’ai lu vos résolutions et je veux profiter de l’occasion pour leur donner mon appui énergique. Comme il se doit, elles examinent la cascade de crises croisées qui ébranlent le capitalisme mondial et australien. Est particulièrement importante l’analyse qu’elles fournissent de la pandémie en tant qu’événement déclencheur semblable à la Première Guerre mondiale qui a accéléré de manière spectaculaire l’effondrement du capitalisme mondial; de la guerre menée par les États-Unis et l’OTAN en tant qu’événement provoqué par la pandémie de COVID-19; et de la manière dont les processus qui poussent l’impérialisme vers une guerre mondiale propulsent également la révolution sociale.

Toutes les résolutions – et c’est surtout cela qui leur confère leur grande signification – sont animées par la reconnaissance que le CIQI est maintenant appelé à fournir une direction révolutionnaire à la contre-offensive mondiale émergente de la classe ouvrière. Sur la base d’un remaniement continu de la lutte centenaire du mouvement trotskyste pour défendre et développer le programme de la révolution socialiste mondiale, nous devons fournir les conceptions politiques socialistes et les initiatives stratégiques et tactiques pour mobiliser la classe ouvrière de manière toujours plus systématique en tant que force politique indépendante et internationale dans la lutte pour le pouvoir des travailleurs.

Le Canada et l’Australie sont situés de part et d’autre de la planète, mais il existe de nombreux parallèles dans leur évolution en tant que sociétés capitalistes, à commencer par le déplacement et l’assujettissement brutaux des peuples aborigènes.

En tant que dirigeants de puissances impérialistes de troisième rang, leurs élites capitalistes ont partagé un destin commun, servant de partenaires juniors dans l’exploitation, le brigandage et les guerres mondiales de l’impérialisme britannique puis américain.

Les parallèles et les similitudes ne sont pas seulement historiques. Les impérialismes canadien et australien ont réagi de la même manière à la crise – en réalité, à l’agonie – de l’impérialisme américain. Dans la poursuite de leurs propres intérêts et ambitions impérialistes, ils se sont intégrés de plus en plus profondément dans la course américaine à l’hégémonie mondiale, participant aux guerres sans fin de Washington au cours des trois dernières décennies. Aujourd’hui, ils jouent un rôle majeur dans les conflits stratégiques de l’impérialisme américain avec la Russie et la Chine – des conflits qui, sans l’intervention révolutionnaire de la classe ouvrière internationale, se transformeront rapidement en une troisième guerre mondiale.

Le Canada se considère comme une puissance du Pacifique dont les intérêts stratégiques incluent le détroit de Malacca, et se joint maintenant régulièrement au Pentagone dans ses exercices provocateurs de «liberté de navigation» dans le détroit de Taiwan. Dans la mesure où tout cela est critiqué au sein de l’establishment capitaliste, c’est du point de vue que l’impérialisme canadien devrait en faire plus, et de manière démonstrative, pour préparer et aider à provoquer la guerre avec la Chine. Pourquoi le Canada n’a-t-il pas été invité à se joindre à l’AUKUS, hurlent les groupes de réflexion militaro-stratégiques.

Mais le caractère calculateur, prédateur et antidémocratique de la classe dirigeante canadienne et de son État est le mieux illustré par le rôle que joue l’impérialisme canadien dans la guerre des États-Unis et de l’OTAN contre la Russie. Travaillant en tandem avec Washington, le Canada a joué un rôle majeur dans la préparation et l’instigation de la guerre de l’OTAN contre la Russie et maintenant dans sa poursuite. Avec les armées américaine et britannique, les forces armées canadiennes ont aidé à former et à réorganiser l’armée ukrainienne pendant les sept années entre le coup d’État de 2014 et l’invasion russe, notamment en intégrant le bataillon Azov et d’autres milices fascistes. Depuis janvier, il a acheminé 625 millions de dollars d’armes à l’Ukraine et, comme l’a récemment révélé le New York Times, les forces spéciales canadiennes sont déployées en Ukraine.

L’impérialisme canadien a joué un rôle important dans la préparation et l’instigation de la guerre des États-Unis et de l’OTAN contre la Russie au sujet de l’Ukraine. Ci-dessus, un soldat ukrainien s’entraînant à la guerre urbaine dans le cadre de la mission de formation militaire des Forces armées canadiennes en Ukraine, l’opération Unifier, qui est en cours depuis maintenant sept ans. [Photo: Gouvernement du Canada] [Photo by Government of Canada]

Comme à Washington, Londres et Berlin, à Ottawa les avertissements de la Russie concernant une escalade dramatique de la guerre, y compris l’utilisation potentielle d’armes nucléaires, suite à la récente déroute de ses forces dans le nord-est de l’Ukraine, sont rejetés cavalièrement. Le maintien de l’alliance militaro-stratégique canado-américaine avec Washington et la promotion des intérêts impérialistes canadiens dans l’Arctique, où le Canada et la Russie sont en concurrence directe pour les ressources et le contrôle des voies maritimes, sont follement considérés par la classe dirigeante comme des intérêts pour lesquels le déclenchement d’une guerre nucléaire est un risque acceptable, voire nécessaire.

Le rôle du Canada dans la guerre contre la Russie est bien antérieur à 2014. Comme nous l’avons documenté dans la série en cinq parties du WSWS publiée en mai, «Les amis fascistes de l’impérialisme canadien», son rôle particulièrement provocateur et belliqueux dans la guerre avec la Russie est lié à son alliance de sept décennies avec l’extrême droite ukrainienne.

Le Canada a fourni un refuge à des dizaines de milliers de fascistes ukrainiens qui avaient collaboré avec les nazis pendant la Seconde Guerre mondiale lors de l’Holocauste et dans leur guerre d’extermination contre l’Union soviétique. La classe dirigeante canadienne a contribué à blanchir les crimes monstrueux qu’ils avaient commis en tant que membres de l’Organisation des nationalistes ukrainiens fasciste ou de la Waffen SS, les utilisant comme instruments de sa politique de guerre froide, tant à l’intérieur du pays qu’à l’étranger.

Avec la dissolution de l’Union soviétique par la bureaucratie stalinienne, ces forces ont été redéployées pour faire pression en faveur de l’arrimage de l’Ukraine à l’OTAN et à l’Union européenne. Le fer de lance politico-idéologique de ce mouvement a été la réinjection et la promotion d’un nationalisme ukrainien fasciste, fondé sur un anticommunisme véhément, une hostilité extrême envers la Russie et la glorification du collaborateur nazi et fasciste Stepan Bandera.

L’alliance réactionnaire entre l’extrême droite ukrainienne et l’impérialisme canadien s’incarne dans la personne de Chrystia Freeland, le principal faucon de guerre anti-russe du gouvernement canadien, sa vice-première ministre et ministre des finances et la favorite pour succéder à Justin Trudeau en tant que cheffe du Parti libéral et première ministre du Canada. Le grand-père maternel de Freeland, Michael Chomiak, qu’elle admire publiquement pour l’avoir initiée au nationalisme et à la culture ukrainiens, était un collaborateur nazi de premier plan.

La mise en lumière de l’alliance de l’impérialisme canadien avec les fascistes ukrainiens est un élément crucial dans la lutte du SEP Canada pour mobiliser la classe ouvrière contre la guerre et plus généralement pour détruire les mensonges promus par les sociaux-démocrates et la pseudo-gauche sur le prétendu caractère démocratique et pacifique du capitalisme canadien.

Lorsque j’ai pris la parole lors de votre dernier Congrès en 2020, j’ai signalé que plus d’un quart du personnel des forces armées actives du Canada avait été affecté à un déploiement COVID-19 en prévision d’éventuels troubles sociaux de masse, et que dans le cadre de ce déploiement, l’armée avait élaboré et activé des plans pour «façonner l’opinion» et dissuader l’opposition en s’inspirant des tactiques qu’elle avait développées en menant la guerre contre-insurrectionnelle en Afghanistan.

À l’époque, nous ne savions pas que le premier ministre australien Scott Morrison avait, avec l’assentiment et la connivence du Gouverneur général, assumé des pouvoirs quasi dictatoriaux ni que le gouvernement libéral du Canada était en train d’adopter une panoplie de lois secrètes – des lois dont le sujet, et encore moins les stipulations ne sont connus que d’une minuscule cabale de responsables gouvernementaux.

La démocratie est incompatible avec la croissance effrénée des inégalités sociales dans les dernières décennies et avec le programme de la classe dirigeante en matière de militarisme, de guerre et d’exploitation toujours plus brutale des travailleurs. Partout, la bourgeoisie se tourne vers des formes de pouvoir autoritaires et ressuscite et enhardit l’extrême droite.

Au début du mois, les conservateurs de l’opposition officielle du Canada ont élu Pierre Poilievre à leur tête. Député conservateur chevronné, Poilievre a fait de l’enjeu déterminant de sa campagne à la chefferie son soutien strident au Convoi de la liberté, un mouvement d’extrême droite qui a occupé de manière menaçante la capitale nationale pendant plus de trois semaines l’hiver dernier, et son appel à la fin permanente de toutes les mesures de santé publique contre la COVID.

Des manifestants montrent leur soutien au convoi de la liberté, le jeudi 27 janvier 2022, à Vaughan, au Canada. [AP Photo/Arthur Mola] [AP Photo/Arthur Mola]

Le Convoi – ou, pour être plus précis, l’empressement de sections importantes de la classe dirigeante à attiser et à instrumentaliser un mouvement d’extrême droite dans le but d’imposer une politique pandémique de «laisser faire», de déstabiliser le gouvernement minoritaire de Trudeau et, si possible, de le forcer à quitter ses fonctions – a représenté un point nodal dans l’effondrement de la démocratie canadienne.

Poilievre prétend être le porte-parole des «travailleurs réguliers» lésés et ignorés, faisant des appels démagogiques aux griefs sociaux – comme l’inflation galopante – qui imitent ceux de Trump, du premier ministre britannique défroqué Boris Johnson et d’autres politiciens d’extrême droite qui sont des adversaires féroces de la classe ouvrière, et sont tout aussi frauduleux.

Au Canada, comme partout dans le monde, la réaction cherche à exploiter la confusion, la désorientation et le désespoir produits par la suppression de la lutte des classes par les syndicats et la gauche officielle depuis des décennies et la connivence dans l’imposition d’attaques radicales contre les droits sociaux et démocratiques des travailleurs.

Comme les syndicats australiens, les syndicats canadiens et le NPD social-démocrate ont répondu à la pandémie en renforçant leur partenariat avec les grandes entreprises et l’État. Ils ont participé à l’organisation du sauvetage des marchés financiers, puis se sont assuré de la mise en œuvre de la politique de la classe dirigeante qui consiste à faire passer les profits avant les vies, ce qui a entraîné sept vagues d’infection et de mort massives qui ont tué 45.000 personnes, soit plus que tous les Canadiens morts pendant la Seconde Guerre mondiale.

Le soi-disant Convoi de la liberté a bénéficié d’un puissant soutien de la classe dirigeante, sans parler des encouragements que lui ont prodigués Trump et ses alliés républicains et fascistes. Mais si un mouvement dont les vues «darwinistes sociales» et antidémocratiques sont un anathème pour la grande majorité des travailleurs a pu dominer la vie politique canadienne pendant la majeure partie d’un mois, c’est avant tout parce que les syndicats et le NPD ont maintenu la classe ouvrière muselée et sur la touche politique. Ils ont ensuite soutenu le gouvernement Trudeau lorsqu’il a invoqué la Loi sur les mesures d’urgence, jamais utilisée auparavant, pour mettre fin à l’occupation d’Ottawa – créant ainsi un précédent de suspension des droits démocratiques fondamentaux qui peut être et sera utilisé contre la classe ouvrière. Et dans la période qui a suivi immédiatement, les syndicats et le NPD ont fermement soutenu le gouvernement Trudeau alors qu’il donnait son feu vert à la mise au rebut par les provinces de toutes les mesures d’atténuation restantes contre la COVID-19, c’est-à-dire la mise en œuvre du programme pandémique meurtrier des grandes entreprises et de l’extrême droite.

Trotsky note dans le Programme de transition qu’en période de crise aiguë, comme lors d’une guerre, les dirigeants syndicaux deviennent ministres. Moins de quatre semaines après l’éclatement de la guerre en Ukraine, le NPD, avec le soutien inconditionnel des syndicats, a conclu une alliance gouvernementale officielle avec les libéraux minoritaires. Au nom de la «stabilité» – c’est-à-dire de la suppression de la lutte des classes au nom de la bourgeoisie – ils se sont engagés à maintenir le gouvernement libéral au pouvoir jusqu’en mai 2025, alors qu’il fait la guerre, augmente massivement les dépenses militaires, se tourne vers l’austérité dans une nouvelle ère prétendument «post-pandémique» et met en œuvre d’énormes réductions des salaires réels en raison de l’inflation.

Mais comme le travail du CIQI l’a théoriquement anticipé et préparé – surtout dans la fondation des SEP et le quart de siècle de travail politique du WSWS – et comme l’a démontré de manière positive les initiatives de l’Alliance ouvrière internationale des comités de base, la relation entre la classe ouvrière et les appareils bureaucratiques contre-révolutionnaires, d’une part, et la Quatrième Internationale, d’autre part, a été fondamentalement transformée.

Les travailleurs au Canada, comme partout dans le monde, sont propulsés dans la lutte. Depuis la seconde moitié de 2021, on assiste à une vague de grèves qui ont touché pratiquement tous les secteurs économiques, des mines, des chemins de fer, de la construction et de l’agroalimentaire à l’éducation et à l’administration gouvernementale.

Dans ces luttes, nous sommes de plus en plus apparus comme le pôle d’opposition à la bureaucratie syndicale sur la base de la lutte pour les comités de la base dans le cadre de l’IWA-RFC. Grâce au travail du Comité de sécurité pancanadien du personnel scolaire de la base et, plus récemment, du Comité des travailleurs de l’éducation de la base de l’Ontario, nous avons donné une expression concrète à la lutte pour la mobilisation indépendante de la classe ouvrière afin de mettre en œuvre une stratégie scientifique de «Covid zéro» en opposition aux syndicats. Soulignant la nervosité avec laquelle la bureaucratie voit ces développements, les principaux responsables syndicaux, y compris le chef du Conseil des syndicats des commissions scolaires de l’Ontario, qui compte 50.000 membres, ont à plusieurs reprises dénoncé et/ou cherché à intervenir dans le travail de nos comités de base des travailleurs de l’éducation et du CP Rail.

Aussi importantes que soient ces initiatives, nous sommes parfaitement conscients que, sans le renforcement des bases trotskystes du SEP Canada, ces gains seront éphémères.

La fondation officielle du SEP Canada en tant que section du CIQI doit servir d’étape critique dans le renforcement de son identité trotskyste, en réaffirmant et en définissant encore plus clairement notre attitude envers les luttes de la Quatrième Internationale, dirigée par le CIQI pour maintenir et développer le programme de la révolution socialiste mondiale. Un élément de cette démarche est de dresser un bilan des racines et des conséquences de la liquidation de la première section canadienne du CIQI, qui en 1963 a rejoint le Socialist Workers Party américain en se réunissant avec les pablistes.

Il sera particulièrement important de démontrer comment la lutte que le CIQI a menée contre le WRP nationaliste et opportuniste et pour tirer les leçons de la scission de 1985-86, a trouvé son expression dans la clarification programmatique des partisans canadiens du CIQI et l’a conduite à des questions clés de perspective politique qui demeurent à ce jour au centre de la lutte pour gagner la classe ouvrière canadienne au programme de la révolution socialiste mondiale. Il s’agit en particulier de la lutte contre le nationalisme canadien et québécois de gauche, contre l’impérialisme canadien et le programme du nationalisme indépendantiste québécois et pour l’unité de la classe ouvrière nord-américaine contre l’alliance entre l’impérialisme canadien et américain et leur partenaire junior, le Mexique.

En conclusion, votre congrès, parce qu’il est enraciné dans l’analyse marxiste historiquement développée par le CIQI des conditions objectives de la révolution sociale, qui évoluent rapidement, et dans sa compréhension de l’importance décisive de la direction, de la stratégie et de l’action révolutionnaires, représente un pas en avant majeur pour la Quatrième Internationale et la classe ouvrière mondiale.

Merci à vous, camarades.

(Texte publié en anglais le 22 octobre 2022)

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