Avec le soutien et les encouragements d’une faction importante de la classe dirigeante, des voyous d’extrême droite ont assiégé le Parlement canadien et le centre-ville d’Ottawa au cours de la dernière semaine et jurent, de manière menaçante, de rester jusqu’à ce que toutes les mesures de santé publique en lien avec la COVID-19 soient abolies.
Ces événements extraordinaires soulignent l’urgente nécessité d’une mobilisation de la classe ouvrière politiquement indépendante. Armée d’un programme socialiste et internationaliste, la classe ouvrière est la seule force sociale capable de mettre en œuvre une politique scientifique de Zéro COVID pour mettre fin à la pandémie une fois pour toutes, arrêter la course inconsidérée à la guerre impérialiste et stopper le danger de l’autoritarisme et de la violence politique fasciste.
Le soi-disant convoi de la liberté est une bande d’extrême droite dont les vues sont répugnantes pour la grande majorité de la population canadienne. Il est dirigé par des activistes fascistes qui ont agressé des sans-abri et des travailleurs tentant de faire respecter les mesures sanitaires et qui ont apporté des armes à feu et autres armes dans le centre-ville d’Ottawa. Canada Unity, qui est à l’origine du convoi et dont le dirigeant codirige sa campagne GoFundMe, appelle publiquement à un putsch qui remplacerait le gouvernement démocratiquement élu par une junte.
Si ces forces d’extrême droite, virulemment anti-travailleurs, ont soudainement pris une place surdimensionné dans la vie politique officielle, en contradiction totale avec leur véritable soutien populaire, c’est parce qu’une puissante section de l’élite dirigeante, menée par le Parti conservateur et des médias de droite comme le National Post et le Toronto Sun, a constitué le convoi de protestation et l’a façonné en un mouvement extra-parlementaire d’extrême droite.
Ils ont agi ainsi dans le but d’utiliser le convoi comme un bélier contre le soutien populaire généralisé en faveur de mesures de santé publique strictes, y compris les confinements, pour prévenir les infections à la COVID et sauver des vies. Mais leurs ambitions vont bien au-delà. Ils sont déterminés à pousser la politique loin vers la droite, à intensifier l’attaque contre la classe ouvrière au pays, par un pivot rapide vers l’austérité «post-pandémique», et à donner au Canada un rôle encore plus important et de premier plan dans les offensives militaro-stratégiques incendiaires des États-Unis contre la Russie et la Chine.
Un tel virage à droite, il faut le dire, est déjà bien entamé. Les plus éminents partisans du convoi parmi la cabale des premiers ministres de droite, Scott Moe (Saskatchewan) et Jason Kenney (Alberta), se sont engagés à lever immédiatement toutes les mesures de santé publique restantes, alors même que la vague du variant Omicron fait grimper le nombre de décès à des niveaux que l’on n’avait vus qu’aux jours les plus sombres de la pandémie.
Mercredi, les conservateurs fédéraux ont écarté Erin O’Toole de la direction du parti, car il était jugé insuffisamment favorable au convoi. Sa remplaçante par intérim, Candice Bergen, a publiquement présenté les éléments d’extrême droite qui occupent le centre-ville d’Ottawa comme des «Canadiens patriotes et pacifiques» et a demandé au premier ministre Trudeau de leur tendre un «rameau d’olivier». En privé, dans des courriels adressés aux principaux dirigeants du parti et fuités au Globe and Mail, elle a soutenu que les conservateurs devraient appuyer l’occupation continue d’Ottawa afin d’en faire «le problème de Trudeau».
Bergen, les conservateurs et les médias bourgeois de droite demandent que Trudeau rencontre les dirigeants du convoi dans le cadre d’une soi-disant «solution politique» à la crise. Tout ceci n’est qu’un subterfuge. Si un affrontement violent éclate entre leurs alliés fascistes et les forces de sécurité, eux et les sections de l’élite capitaliste au nom desquelles ils s’expriment rejetteront la faute sur «l’intransigeance» de Trudeau, et chercheront à utiliser la crise qui s’ensuivra comme un levier pour extorquer des concessions de droite, ou pire encore, pour organiser la chute du gouvernement.
La volonté d’une faction importante de la classe dirigeante d’instrumentaliser l’extrême droite et d’utiliser la violence fasciste pour atteindre ses objectifs politiques marque un tournant dans l’effondrement de l’ordre démocratique bourgeois du Canada. Pendant des décennies, l’élite dirigeante du Canada s’est posée en leader d’un capitalisme «plus doux et plus gentil» que celui de la rapace république du dollar au sud. Mais la pandémie a mis à nu le véritable état de la société canadienne, après des décennies d’inégalités sociales croissantes, d’austérité capitaliste et de participation du Canada à une guerre d’agression dirigée par les États-Unis après l’autre. Les plus de 34.000 morts de la pandémie sont les victimes d’un meurtre social perpétré par l’élite capitaliste canadienne et ses laquais politiques. Non seulement le système de soins de santé était-il déjà sur le respirateur artificiel avant même que la pandémie ne frappe, en raison de décennies de compressions, mais les gouvernements, qu’ils soient de gauche ou de droite, ont systématiquement donné la priorité aux profits sur les vies.
Aujourd’hui, face à la croissance inévitable de l’opposition sociale, la classe dirigeante se tourne vers des formes autoritaires de gouvernement – comme le montre la batterie de lois anti-grève – et cultive l’extrême droite comme troupes de choc contre la classe ouvrière.
En regardant ces événements se dérouler, des millions de travailleurs doivent se demander: comment est-il possible que des figures de droite méprisées de l’élite dirigeante aient pu prendre l’offensive en mobilisant une petite bande de voyous fascistes pour faire pression de manière agressive et exiger des politiques impopulaires? La réponse réside dans le rôle néfaste du Nouveau Parti démocratique (NPD) social-démocrate et des syndicats. Pendant des décennies, ils ont systématiquement réprimé la lutte des classes, permettant à la classe dirigeante d’imposer vague après vague d’austérité et de reculs.
La réponse des syndicats et du NPD à la pandémie, la plus grande crise du capitalisme mondial depuis la Grande Dépression et la Seconde Guerre mondiale, a été d’approfondir leur alliance avec le gouvernement libéral de Trudeau et leur intégration avec la grande entreprise et l’État. Ils ont soutenu le gouvernement libéral et la Banque du Canada dans l’acheminement de plus de 650 milliards de dollars de fonds de sauvetage aux banques et aux grandes entreprises et ont appliqué la politique de retour au travail et à l’école de la classe dirigeante qui a conduit à cinq vagues successives d’infections et de décès en masse. Lorsque les travailleurs ont cherché à prendre des mesures pour défendre leur santé et même leur vie, les syndicats sont rapidement intervenus pour étouffer toute grève ou tout débrayage et pour détourner les travailleurs vers les systèmes provinciaux de relations de travail pro-employeurs.
La réponse des syndicats et du NPD à l’occupation d’Ottawa par le convoi de la liberté est une continuation de cette politique criminelle. Le chef du NPD, Jagmeet Singh, et divers représentants syndicaux ont parlé de «discours haineux» et de «racisme», et même de la possibilité d’une «attaque terroriste» semblable à la prise d’assaut du Capitole américain le 6 janvier 2021. Ce qu’ils ne disent pas, et ne diront pas, c’est que des sections puissantes de l’élite dirigeante et de l’establishment politique ont organisé un mouvement extraparlementaire d’extrême droite pour imposer par la violence l’abolition des mesures de santé publique en lien avec la pandémie et pousser la politique loin à droite. Ils n’offrent pas non plus de stratégie à la classe ouvrière pour combattre le danger de l’autoritarisme et de l’extrême droite.
Au contraire, ils ont réitéré leur soutien au gouvernement Trudeau, même s’il s’est tourné encore plus à droite. Plusieurs jours après le début de l’occupation d’Ottawa, le gouvernement libéral a signalé qu’il s’inclinerait devant une campagne de plusieurs mois menée par les conservateurs et soutenue par l’ensemble des médias capitalistes pour qu’Ottawa déploie des armes létales et des troupes supplémentaires en Ukraine et en Europe de l’Est.
Dans une déclaration, le Congrès du travail du Canada (CTC), la plus grande fédération syndicale du pays, a appelé chacun à «respecter le résultat des élections fédérales» et à laisser «les députés élus se mettre au travail». En pratique, cela signifie permettre au NPD de continuer à soutenir le gouvernement libéral minoritaire, ce qu’il fait depuis 2019, alors qu’il met en œuvre les diktats de l’oligarchie financière au pays et à l’étranger.
Cela laisse le champ libre aux sections les plus à droite de la classe dirigeante pour continuer à utiliser le mouvement extraparlementaire d’extrême droite qu’elles ont parrainé pour alimenter la violence politique et être le fer de lance d’une intensification de l’attaque contre la classe ouvrière.
Les mêmes tendances de base sont présentes au niveau international. Les élites dirigeantes cultivent des forces d’extrême droite et carrément fascistes pour faire appliquer sans pitié leur programme de guerre de classe, tandis que les syndicats et les partis sociaux-démocrates maintiennent la classe ouvrière dans une camisole de force politique.
Cela est souligné par le soutien enthousiaste apporté au convoi de la liberté par l’ex-président américain fascisant Donald Trump, et la participation de nombreux militants américains d’extrême droite à l’occupation d’Ottawa. Plus d’un an après le coup d’État fasciste raté de Trump du 6 janvier 2021, qui visait à annuler l’élection présidentielle, il reste libre de s’adresser à des publics de milliers de personnes grâce à la détermination de l’administration Biden, soutenue par les syndicats, à camoufler l’implication du Parti républicain dans le complot de coup d’État.
Le fait que les élites capitalistes de toutes les grandes démocraties impérialistes se tournent vers la promotion des forces d’extrême droite est un signe de leur faiblesse, et non de leur force. Elles reconnaissent qu’elles sont assises sur un baril de poudre sociale dont la mèche est déjà allumée. De plus, il n’y a pas de soutien populaire pour les politiques militaristes et les intrigues impérialistes nécessaires si elles veulent l’emporter sur leurs grandes rivales dans la lutte toujours plus intense pour les marchés, les profits et l’avantage stratégique. Au Canada, comme ailleurs, la classe dirigeante est de plus en plus favorable à l’utilisation de mesures autoritaires et de la violence politique d’extrême droite dans une attaque préventive contre l’éruption des luttes de masse de la classe ouvrière.
Ces conspirations peuvent être et seront vaincues. À condition que la contre-offensive mondiale croissante de la classe ouvrière – qui n’en est qu’à ses débuts – contre la politique pandémique meurtrière de la classe dirigeante et son assaut de plusieurs décennies contre les droits sociaux et démocratiques des travailleurs soit armée d’un programme politique socialiste et internationaliste. Au Canada, les derniers mois ont été marqués par une série de luttes ouvrières militantes qui se sont surtout caractérisées par une opposition croissante de la base aux efforts des syndicats pour les étouffer. Les travailleurs aux États-Unis, en Allemagne, en Grande-Bretagne, en Turquie, en Australie et ailleurs ont créé des comités de la base indépendants pour coordonner leurs luttes en dehors des syndicats pro-capitalistes et en opposition à eux. Ce sont les premières indications du soutien de masse de la classe ouvrière à une véritable lutte pour mettre fin à la domination de la vie sociale et politique par une minuscule oligarchie de super-riches. Un tel soutien n’existe pas pour les délires du convoi de la liberté fasciste et les politiques en faveur de plus d’inégalité sociale, de morts de la COVID-19 et de guerre poursuivies par leurs complices de la classe dirigeante.
La lutte pour un programme socialiste et internationaliste au Canada nécessite une lutte sans relâche pour l’indépendance politique et organisationnelle de la classe ouvrière face au NPD pro-austérité et pro-guerre et aux syndicats pro-capitalistes. La prétention que les travailleurs doivent soutenir les partis «progressistes», c’est-à-dire les libéraux ou le NPD, pour arrêter les conservateurs de droite, a été utilisée pendant des décennies pour empêcher les travailleurs de mener une lutte politique indépendante. Les événements de la dernière semaine ont démontré que si l’alliance libérale/néo-démocrate/syndicale reste incontestée et donc capable d’étouffer l’opposition de la classe ouvrière, cela ne fera que renforcer la réaction et ouvrir la voie à l’extrême droite pour exploiter la crise sociale qui s’aggrave afin de mobiliser le soutien des sections arriérées de la classe moyenne.
Une étape cruciale dans la mobilisation du pouvoir social de la classe ouvrière en opposition à l’aggravation de la crise de la bourgeoisie canadienne est la formation de comités de la base indépendants dans chaque lieu de travail pour lutter pour une stratégie «Zéro COVID», l’annulation de toutes les réductions de salaires et autres concessions, et des emplois sécuritaires et garantis pour tous. Ces comités doivent être orientés vers les luttes des travailleurs aux États-Unis, en Europe et dans le monde entier, et mener une lutte politique pour le pouvoir des travailleurs et des politiques socialistes. Aucune des questions brûlantes auxquelles les travailleurs sont confrontés – de l’éradication de la pandémie à la lutte contre les inégalités sociales ou à la prévention d’une guerre catastrophique – ne peut être abordée sur une base nationale ou dans les limites du système capitaliste de profit.
Le succès de ces luttes dépend avant tout de la construction d’une direction politique socialiste dans la classe ouvrière. Un parti socialiste de masse doit être construit afin d’élever la conscience politique des travailleurs et d’unifier leurs luttes en une lutte consciente pour le socialisme, la réorganisation de la vie socio-économique sous le pouvoir des travailleurs afin que la satisfaction des besoins humains et non le profit soit le principe moteur de la société. Nous exhortons tous les travailleurs et les jeunes qui souhaitent participer à cette lutte à se joindre au Parti de l’égalité socialiste (Canada) et à contribuer à sa construction en tant que section canadienne du Comité international de la Quatrième Internationale: le Parti mondial de la révolution socialiste.
(Article paru en anglais le 5 février 2022)