Le Courant révolutionnaire des travailleurs moréniste de la pseudogauche (CRT) s’agite contre la politique chinoise du «Zéro COVID», alors que la pandémie est hors de contrôle en Espagne, en Europe et dans le monde. L’Espagne s’approche de la triste étape des 10 millions de cas confirmés de COVID-19, soit plus d’un cinquième de la population. Pourtant, le CRT dénonce la Chine pour avoir adopté des politiques de santé scientifiques destinées à stopper la propagation du coronavirus et à sauver ainsi des millions de vies.
Dans un article paru le 17 janvier sur sa publication en ligne Izquierda Diario, intitulé «Pékin resserre les restrictions pour les cas d’Omicron deux semaines avant les Jeux olympiques», le CRT dénonce la Chine, laissant entendre que les restrictions nécessaires constituent un empiètement intolérable sur les libertés individuelles.
Dans ses premières lignes directement sous le titre, le CRT résume son opposition à la stratégie chinoise d’élimination, la dépeignant comme répressive et autoritaire. Elle déclare: «Le gouvernement chinois appuie une politique de “tolérance zéro” qui inclut la persécution policière, la répression et la fermeture totale. Cependant, le variant Omicron semble contourner ces mesures et s’infiltrer dans les grandes villes, deux semaines avant le début des Jeux olympiques d’hiver».
En contraste avec sa présentation hostile des tentatives de la Chine pour combattre la pandémie, la reconnaissance par le CRT que des cas de coronavirus sont néanmoins importés en Chine ne peut être lu que comme une indication que les morénistes considèrent le regain de contagion comme une bonne chose. Cette acceptation désinvolte, voire cette célébration de la réapparition du virus sur un territoire où on l’avait pratiquement éliminé, est une démonstration de l’indifférence du CRT à l’égard des décès et des conséquences sanitaires à long terme que la COVID-19 entraîne.
«La Chine est restée impitoyable dans sa politique de “tolérance zéro” à l’égard de la COVID», poursuit le CRT plus loin dans l’article, «en imposant des restrictions strictes de la mobilité, la répression et la persécution, des fermetures sélectives ou complètes pour contenir les épidémies, et la fermeture pratiquement totale de ses frontières».
Quels ont été les résultats de la politique que le CRT dénonce? La Chine, société de masse de plus de 1,4 milliard d’habitants, n’a enregistré qu’un peu plus de 100.000 cas depuis le début de la pandémie, et moins de 5.000 décès. Sur l’ensemble de l’année 2021, seules deux personnes sont mortes du virus dans le pays.
Ce contraste extraordinaire prouve qu’il est possible de mener à bien une stratégie d’élimination. Bien qu’elle soit le berceau du virus, la Chine a pu rapidement maîtriser l’épidémie grâce à une série de mesures de santé publique, notamment la fermeture des entreprises non essentielles, la généralisation des tests, la recherche des contacts, l’isolement sûr des patients infectés et des restrictions strictes en matière de voyages.
Comme le montre l’exemple de la Chine et de quelques autres pays capitalistes, il n’y a rien d’inévitable à ce que les vagues létales de la pandémie se poursuivent. Il est possible de mobiliser les ressources sociales pour éradiquer la COVID-19. Si des mesures étaient mises en œuvre de manière globalement coordonnée dans le monde entier, il serait possible de mettre rapidement fin à la pandémie.
C’est à une telle politique, qui aurait pu sauver d’innombrables milliers de vies, que les morénistes du CRT s’opposent. Quelles ont été les conséquences du rejet de ces politiques par l’Union européenne (UE) et le gouvernement du Parti socialiste (PSOE)-Podemos en Espagne?
Après plus de 1,6 million de décès dus à la COVID-19 en Europe, la moyenne mobile des décès sur sept jours continue d’augmenter en Espagne, où plus de 1.100 personnes sont mortes la semaine dernière. Les chiffres des décès excédentaires montrent que le nombre total de décès dus à la COVID-19 en Espagne dépasse largement les 100.000. Plus de 4.000 d’entre eux sont survenus depuis la mi-novembre, lorsque le variant Omicron a commencé à se manifester, ce qui a démenti l’affirmation selon laquelle le virus est devenu inoffensif grâce à une vaccination généralisée. Environ la moitié du nombre total de cas est survenue au cours de cette seule dernière vague.
Près de 20.000 personnes sont actuellement hospitalisées pour la COVID-19, un niveau jamais atteint depuis février de l’année dernière. Environ 2.300 personnes sont dans des unités de soins intensifs (USI), le nombre le plus élevé depuis mai 2021.
L’énorme nombre de morts et l’effet incalculable plus large sur la santé sont le résultat direct de la politique criminelle et meurtrière menée par le gouvernement du Parti socialiste (PSOE)-Podemos. Il a refusé de suivre une politique scientifique pour éliminer la pandémie, privilégiant les intérêts des banques et des grandes entreprises espagnoles à la santé et à la vie de la population.
Tout au long de la pandémie, les morénistes se sont constamment opposés aux mesures de confinement. En janvier de l’année dernière, alors que la «troisième vague» catastrophique de la pandémie faisait de centaines de morts par jour, le CRT a publié une déclaration dénonçant les restrictions de distanciation sociale comme des mesures «autoritaires et palliatives», déclarant: «Comme s’il s’agissait d’un robinet, ils [le gouvernement PSOE-Podemos] limitent nos libertés et nos mouvements à leur gré».
À d’autres moments clés de la pandémie, comme lorsque le gouvernement PSOE-Podemos a levé ses restrictions limitées en avril dernier, le CRT a minimisé le risque d’infection. Il a réagi en silence à la décision réactionnaire rendue en août par la Cour constitutionnelle espagnole, selon laquelle les mesures de confinement COVID-19 imposées au printemps 2020 étaient inconstitutionnelles. À la fin de l’été, elle a réclamé un «enseignement en personne» dans les universités.
Alors que l’année 2021 touchait à sa fin et que le variant Omicron commençait à balayer le pays, provoquant des infections de masse, le chef du CRT, Santiago Lupe, a ajouté sa propre contribution réactionnaire au corpus croissant de matériel antiscientifique et anticonfinement des morénistes. Attaquant le gouvernement PSOE-Podemos par la droite, Lupe a présenté son opposition aux mesures de contrôle de la pandémie comme une défense des libertés individuelles, faisant écho aux positions de la droite néofasciste. Il a écrit:
La réponse [du gouvernement PSOE-Podemos] aujourd’hui est la même que celle des autres fois… De nouvelles restrictions, des mesures sans impact prouvé – comme les masques obligatoires en plein air – et de manière significative, de nouvelles limitations des droits fondamentaux comme celles représentées par le passeport COVID-19 ou les appels à de nouveaux couvre-feux… Avec ces restrictions, l’État renforce ses mécanismes coercitifs et bonapartistes, même si beaucoup de ces mesures n’ont pas d’effet prouvé pour limiter la contagion.
L’opposition du CRT aux mesures de lutte contre la COVID-19 est une démonstration de son hostilité à la classe ouvrière. Sa position n’est ni une mauvaise interprétation du danger que représente la pandémie ni un accident. Elle reflète les intérêts matériels de classe sur lesquels le CRT est basé. S’exprimant au nom des couches aisées de la classe moyenne supérieure et des bureaucrates syndicaux, dont les postes et le mode de vie dépendent de la hausse des marchés boursiers et de l’exploitation des travailleurs, le CRT vise à maintenir le flot de profits dans les coffres des banques, quel qu’en soit le coût en vies humaines.
Le CRT fonctionne comme un outil de Podemos pour contenir l’opposition croissante des travailleurs et des jeunes aux politiques du gouvernement et la dissipe dans des canaux inoffensifs. Son rôle réactionnaire est un avertissement que la classe ouvrière ne peut compter sur aucune faction de la bureaucratie syndicale ou de l’establishment politique.
En soutenant la campagne réactionnaire de l’élite dirigeante contre la politique chinoise «Zéro COVID», le CRT ne fait pas que démontrer son mépris pour la vie et la santé des travailleurs, il s’aligne également sur le bellicisme anti-chinois des puissances impérialistes. Les élites dirigeantes et les médias du monde entier ne cessent de diaboliser et de dénigrer la Chine, la rendant responsable de l’émergence et de la propagation de la pandémie et la poussant à abandonner les restrictions sanitaires. Cela fait partie d’une campagne qui vise à empoisonner l’opinion publique contre la population chinoise et à préparer le terrain pour la guerre.
La classe ouvrière doit rompre de manière décisive avec les syndicats, Podemos et leurs appuis dans des organisations comme la CRT, et prendre les choses en main pour lutter contre la propagation de l’infection et la marche vers la guerre. Cela nécessite la construction de sections du Comité international de la Quatrième Internationale en Espagne et au niveau international.
(Article paru en anglais le 31janvier 2022)